Le D-Day en première ligne du tourisme mémoriel

Pour les 80 ans du débarquement, la Normandie s’attend à un déferlement de touristes, venus visiter les lieux de mémoire emblématiques de la Seconde guerre mondiale. Un secteur lucratif, que la région ne manque pas de développer.

Chaque année, ils sont 5,5 millions de touristes – dont 42% d’étrangers – à visiter les sites emblématiques de la mémoire : le mémorial de Caen, le cimetière américain ou encore les plages du débarquement. Ce chiffre ne fait qu’augmenter. Depuis une vingtaine d’années, la région Normandie mise sur le développement du tourisme mémoriel et investit massivement, soutenue par le gouvernement.

Les 78 millions d’euros mis sur la table ces dix dernières années par les acteurs du patrimoine ont permis de réaménager et rénover de nombreux lieux de mémoire : parcours fléchés, mémorial de Caen (600 000 visiteurs par an), construction du mémorial de Ver-sur-Mer. Tous les lieux de mémoire français sont regroupés sur le site « Les Chemins de la mémoire ».

Le tourisme mémoriel, un fer de lance de l’économie normande

Au-delà de faire perdurer la mémoire d’un héritage français douloureux, le tourisme mémoriel est au cœur des investissements de la région Normandie. Les investissements et les campagnes massives de publicité faites depuis les années 2000 rapportent environ 3 milliards d’euros par an à la France. Le gros des recettes se concentre en Normandie qui concentre 40% du tourisme mémoriel dans le pays.

Ainsi, les revenus sont fructueux, avoisinant les 700 millions d’euros en 2022 pour la région Normandie. Et si certains dénoncent la capitalisation sur une mémoire collective douloureuse et une marchandisation de l’histoire, ce tourisme est essentiel pour la région Normandie. De fait, 80% des visiteurs de la région s’y rendent pour visiter un lieu de mémoire. Le tourisme mémoriel nourrit également le secteur de l’emploi, avec 8500 emplois directs et indirects qui découlent de ce secteur.

Un secteur en développement

Au fur et à mesure que les années passent, le tourisme augmente. Une cinquantaine de sites ouverts ont été aménagés pour l’occasion, les produits dérivés abondent et tout cela contribue à faire vivre l’économie de la région. Cette mercantilisation du D-Day n’est pas près de s’arrêter et certains la déplorent, notamment des locaux et des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. D’ici 2026, la facture s’allongera de 100 millions d’euros pour la construction du Normandy Memory, une reconstitution immersive de la bataille de Normandie.

Et le tourisme mémoriel ne se cantonne par seulement à la Normandie. Il s’empare largement de l’Hexagone. Sur le champ de bataille de Verdun, ce sont 500 000 curieux qui affluent chaque année. À Saint-Nazaire, la Base sous-marine a été rénovée spécialement pour accueillir l’office du tourisme en plus des visiteurs.

De gros chiffres attendus pour les 80 ans

Cette année, les chiffres attendus seront conséquents : les recettes liées au tourisme mémoriel devraient dépasser les 3 milliards d’euros habituels, avec un effet « anniversaire » particulièrement sensible : déjà pour les 75 ans du débarquement, la région avait accueilli 6 millions de touristes au lieu des 2 millions habituels. Avec l’effervescence des 80 ans du débarquement et la visite de plusieurs chefs d’Etat, les hôtels et les campings ont été pris d’assaut. Dans un périmètre de 50 kilomètres autour des plages du débarquement, 95% des logements sont déjà réservés pour la première quinzaine de juin.

Eléonore Claude

Émissions de Stéphane Bern : quel impact concret sur le tourisme en France ?

Le château fort de Sedan, dans les Ardennes, a été élu mercredi 13 septembre « monument préféré des français » à l’issue de l’émission éponyme de Stéphane Bern, diffusée sur France 3. Cette émission et sa cousine, « le village préféré des français« , sacrent chaque année ou presque depuis le début des années 2010 le fleuron du patrimoine français, tel que décidé par des spectateurs-internautes fidèles. Mais quel impact réel ont ces émissions sur le tourisme dans les régions ainsi mises sur le devant de la scène ?

« Dans le village, la plaque qui indique « village préféré des français » nous a été offerte par Stéphane Bern. Elle est scellée au mur de l’office du tourisme« , évoque non sans fierté madame le maire de Bergheim, Elisabeth Schneider. Le village d’Alsace a reçu le titre décerné par l’émission France 3 de Stéphane Bern en 2022. « On a observé une augmentation de 30% des fréquentations de l’office du tourisme après la victoire de Bergheim à l’émission de Bern« , nous indique Marie, responsable de l’accueil de l’office du tourisme. « La notoriété amenée par la télévision a eu un impact sur la promotion de notre ville qui n’est pas négligeable« , ajoute-t-elle.

Depuis 2012 pour « le village préféré des français » et depuis 2014 pour « le monument préféré des français« , Stéphane Bern et son équipe parcourent la France pour mettre en avant divers éléments du patrimoine. Après une sélection régionale, les spectateurs sont invités à voter pour leur village ou monument préféré au niveau national.

Du côté de Cassel dans les Hauts-de-France, Céline Deberdt évoque une augmentation de 62% de la fréquentation de la ville entre 2017 et 2018. « Dès le lendemain de la victoire en 2018, on a eu beaucoup d’appels à l’accueil« , se rappelle un responsable qui ne souhaite pas donner son nom. « Le site internet aussi a été tout de suite beaucoup plus fréquenté. L’effet a été exponentiel et a duré toute la saison estivale. Cela a même été relancé quand, l’année d’après, Stéphane Bern et son équipe ont tourné le dernier épisode de la saison suivante à Cassel« , poursuit-il. « Cette année, c’est Esquelbecq qui a gagné. Sa proximité géographique avec Cassel a également relancé la popularité de notre ville« , termine le responsable.

Des retombées positives notables, mais relatives

A Bergheim, le « boum » de popularité n’est pas imputable uniquement à la télévision. « En même temps que la victoire à l’émission, nous avons intégré l’association des plus beaux villages de France. Ces deux reconnaissances simultanées ont eu un impact« , se rappelle Madame le maire de Bergheim. L’association « Les plus beaux villages de France » a été créée en 1982 et compte 174 adhérents qui portent tous son label. Marie complète : « je pense que l’émission a un effet à plus court terme, moins sur la durée que le label. Lui met plus de temps à se faire connaitre mais est plus durable. »

Pour Marie Porro, responsable marketing de l’office de tourisme d’Arras, ce qu’on pourrait appeler « l’effet Bern » a eu un impact relativement léger sur le tourisme de sa ville. En 2015, le beffroi d’Arras a reçu la distinction « monument préféré des français » dans l’émission de Stéphane Bern. « Mais le tourisme à Arras était déjà en progression. L’émission a été un élément parmi d’autres« , ajoute-t-elle. »C’est vrai qu’il y a eu un essor en 2022. Et même en 2023, les gens nous parlent encore de l’émission« , explique Emilie, qui travaille aussi à l’office du tourisme d’Arras. « Mais en 2022, plusieurs critères se sont croisés : l’émission mais aussi l’après-covid qui a poussé les gens à venir à la campagne, vers les destinations plus vertes« , poursuit-elle,  »

« Mais ce genre d’émissions peut amener un nouveau type de touristes : des gens du coin qui redécouvrent leur région. D’ordinaire à Arras, on a plutôt des visiteurs notamment internationaux qui viennent consommer du tourisme de mémoire, avec les tunneliers néo-zélandais. Mais aujourd’hui on a aussi des gens du nord de la France qui viennent, ce tourisme régional est nouveau« , constate Marie Porro. A Bergheim, une responsable observe quant à elle un public belge plus important, du fait, selon lui, que l’émission est aussi diffusée en Belgique.

Si les retombées de telles émissions sont relatives, les différentes communes utilisent allègrement cette distinction symbolique dans leur communication : plaques apposées sur les monuments, panneaux aux entrées des villes, multi-mention dans les documents officiels… « L’émission donne un coup de projecteur sur la destination. Elle met en scène un endroit, avec ses beaux paysages. Forcément les gens voient de magnifiques images d’endroits qu’ils n’ont jamais visité, cela pousse à la curiosité« , conclut un responsable de l’office de tourisme de Cassel.

Nikita Guerrieri

 

Patrimoine : la carte de la mission Bern

Depuis l’incendie de Notre-Dame de Paris,  la question du patrimoine en péril est remise au cœur des préoccupations. La mission Bern s’attelle depuis un an à tenter de sauver ce patrimoine, avec 18 lieux emblématiques désignés pour 2019.

 

Située dans le Vaucluse, l’abbaye Notre-Dame de Senanque est classée en « péril imminent ». /
Crédit : Pixabay.

En mars dernier, 18 sites emblématiques ont été retenus par l’édition 2019 de la mission Bern. Depuis l’année dernière, 3500 sites ont été signalés sur le territoire français, 287 projets ont été sélectionnées, mais seuls 120 sites ont déjà lancé des travaux.

Parmi les centaines de sites répertoriés, les édifices religieux  sont particulièrement importants pour la Fondation du patrimoine.

 L’incendie a malheureusement révélé la fragilité mais aussi les menaces qui pèsent sur notre patrimoine. » – Fondation du patrimoine

Après avoir récolté 244 millions d’euros de dons pour Notre-Dame, la Fondation du patrimoine a annoncé le lancement de sa nouvelle souscription « Plus jamais ça ! », qui visera à aider des sites en danger, parmi les 2800 projets déjà retenus.

Les 18 sites emblématiques choisis et une partie des édifices religieux sont à retrouver ci-dessous.

 

Pauline Weiss

La députée Josette Pons condamnée pour sous-déclaration de patrimoine

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Josette Pons a été condamnée à 45 000 euros d’amende par le Tribunal de grande instance de Paris, vendredi. La députée LR du Var comparaissait pour avoir sous-évalué ses biens dans une déclaration de patrimoine de février 2014. Ces omissions représentent un total évalué à 2,1 millions d’euros, dont 1,3 millions de biens immobiliers. La députée-maire de Brignolles (Var) a reconnu les faits et a plaidé coupable. C’est la plus lourde amende qu’elle risquait, mais elle encourait aussi une peine allant jusqu’à 3 ans de prison et une durée d’inéligibilité.

La députée avait envoyé en juin 2015 une nouvelle déclaration de patrimoine rectifiant ses précédentes omissions. La démarche de comparution après reconnaissance préalable de la culpabilité qu’elle avait choisie d’adopter a aussi joué en sa faveur.

Dans cette affaire, le Parquet de Paris avait été saisi en 2015 après une enquête menée par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Depuis sa création, la HATVP a transmis aux instances judiciaires des dossiers sur une quinzaine d’élus. Le seul dossier ayant donné lieu à une condamnation définitive était celui du sénateur LR Bruno Sido, condamné en avril dernier à six mois de prison et 60 000 euros d’amende pour omission dans sa déclaration de patrimoine et blanchiment de fraude fiscale (compte en Suisse non déclaré). Josette Pons avait peu de chances de voir un tel verdict tomber, les faits qui lui sont reprochés étant autrement moins graves.

A.D