Indépendance de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine : des tensions ressenties jusqu’à Paris

Le ton monte entre la Russie et l’Ukraine depuis l’annonce, jeudi, de l’indépendance de l’Eglise orthodoxe ukrainienne. D’abord désaccord religieux, cette reconnaissance devient une source de tension politique perceptible jusqu’en France.

crédit: kwitkowski
crédit: kwitkowski

« Nous sommes très attristés de cette situation », confie Alexandre Kedroff, protodiacre de la cathédrale Saint Alexandre Nievski à Paris. Située dans le 8ème arrondissement, elle est le berceau parisien de l’Eglise orthodoxe russe, connue pour avoir accueilli les réfugiés politiques sous Staline. Au lendemain de l’annonce de l’indépendance de l’Eglise « sœur » de Moscou, prononcée  jeudi par le Patriarcat de Constantinople, Alexandre Kedroff est préoccupé. « Cela risque de provoquer un schisme, donc on ne peut pas ne pas être touchés » explique-t-il. Pour lui, pas de doute, c’est une décision purement politique mais surtout injuste. « On n’a pas de pape dans l’Eglise orthodoxe, et aucun patriarche aussi prestigieux soit-il ne peut interférer dans cette église » fustige-t-il, avant de conclure, tragique : « Il va y avoir mort d’homme ».

Pessimiste ? « C’est très inquiétant » répond Oleg Shamshur, ambassadeur d’Ukraine à Paris. Pour le diplomate, les propos de l’homme d’église ne reflètent en aucun cas les ambitions de son pays. « Nous voulons que la construction d’une Eglise indépendante se fasse dans un climat serein. Tous les pays ont le droit d’avoir une Eglise indépendante, et le cas de l’Ukraine n’est pas exceptionnel » explique-t-il. « C’était le cas jusqu’au 17ème siècle, donc pour nous aujourd’hui c’est un juste rétablissement des choses ».

La Russie va « défendre les intérêts des orthodoxes »

Considéré comme le « dernier outil de politique étrangère », l’Eglise orthodoxe de Moscou n’a plus à avoir une tutelle sur l’Eglise d’Ukraine explique l’ambassadeur. « C’est un acte d’indépendance en plus, la Russie perd ici son dernier levier d’influence sur l’Ukraine » résume-t-il. Un symbole important qui n’échappe pas au Kremlin, qui n’a pas manqué de réagir publiquement suite à l’annonce de jeudi. « Si des actions illégales ont lieu, (la Russie) va défendre les intérêts des orthodoxes » a déclaré vendredi leur porte-parole. Une déclaration aux allures de menace, même si ce dernier assure que tout se passera « dans la limite de la légalité» et par des moyens « exclusivement politiques et diplomatiques ».

De leur côté, les autorités ukrainiennes restent calmes, et affirment vouloir éviter toute « guerre religieuse ». Mais l’ombre d’une tension plane sur les deux Eglises, dont les relations se détériorent depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

 

Clara Losi

 

 

Contre Deliveroo, la grogne des livreurs est encore timide mais elle se structure

Un livreur Deliveroo lors de la manifestation place de la République, le 12 octobre
Un livreur Deliveroo lors de la manifestation place de la République, le 12 octobre (Gaël Flaugère / Celsalab)

Après une timide mobilisation cet été, les livreurs Deliveroo se sont donné rendez-vous place de la Bastille à Paris pour exprimer leur mécontentement suite au changement de la politique tarifaire de la plateforme. Dans un contexte de concurrence exacerbée entre livreurs, difficile pour ceux qui revendiquent de meilleures conditions de travail de se faire entendre

« On le voit que ça les préoccupe. Dès qu’on commence à annuler des courses, ils viennent, ils se renseignent pour savoir si il y a une grève… Et si c’est le cas, ils mettent en place des primes pour ceux qui vont travailler ce jour-là ». Place de la République, à Paris, David* fulmine contre son client, Deliveroo.

Comme une quarantaine d’autres livreurs, il est venu protester ce vendredi contre le changement de politique tarifaire de la plateforme londonienne. L’affaire est technique. En près de deux ans, Deliveroo a changé trois fois sa politique tarifaire. Lorsque la plateforme a ouvert, en 2016, les livreurs étaient payés 7,5 euros de l’heure, avec un bonus de 2 à 4 euros par livraison. En août 2017, changement de politique et les livreurs sont payés 5,75 euros par course à Paris. Cet été, nouveau revirement de situation. Les livreurs sont désormais payés avec une base de 3 euros en fixe et le reste, en fonction des kilomètres parcourus avec un minimum de 1,8 euro dans la capitale.

De nouvelles conditions pénalisantes pour les coursiers 

Pour David, l’équation est simple: plus de kilomètres, moins de courses, moins d’argent. « Avant, on travaillait sur des zones plus resserrées. Moi j’avais le 18e arrondissement de Paris, et une petite partie du 17e. En étant payés à la course, on pouvait enchaîner les courses sur des petites distances. J’arrivais à faire trois ou quatre commandes par heure et toucher un revenu correct. Aujourd’hui, je peux être envoyé beaucoup plus loin. La course ne me rapportera que 5,50 euros, et ça m’aura pris une demi-heure. A la fin de l’heure, on se retrouve à 11 ou 12 euros alors qu’avant je faisais 20 euros facilement ! »

Même calcul pour Nabil, livreur depuis 1 an et demi. Son shift (plage horaire pendant laquelle les livreurs travaillent pour la plateforme) courait jusqu’à 16 heures, mais à 14 heure il était bien place de la République, une veste bleue Deliveroo sur le dos. Puisque Deliveroo est son activité principale, la politique de la plateforme l’atteint tout particulièrement. Le livreur déplore se rapprocher du Smic horaire (9,76 euros brut) alors qu’avec une moyenne de trois courses par heure, il touchait auparavant un salaire horaire de 16,5 euros. Ce changement, il le subit complètement: « Le pire, c’est qu’on est jamais prévenu, explique-t-il. Du jour au lendemain je peux perdre beaucoup. Impossible de planifier ou de prévoir quoi que ce soit… » Mais quand on lui demande pourquoi il ne part pas, il hausse les épaules: « Pour aller où ? Les autres sont pires ! Malgré tout, Deliveroo reste la meilleure option pour les livreurs. »

En effet, si la manifestation est contre Deliveroo, seule une poignée de vestes ou de t-shirts avec le logo de la marque sont dans l’assemblée. Les couleurs et les logos sont multiples sur les vestes et les sacs réfléchissants des différentes entreprises du secteur: Foodora, Uber eats, Alloresto, l’assemblée est bigarrée.

Les livreurs commencent à se fédérer face aux plateformes 

« De manière générale, toutes les plateformes paient de moins en moins. Chez Uber eats, cela fait longtemps qu’on touche moins… explique Sébastien*, livreur pour le leader des VTC. Il faut qu’on s’organise tous ensemble ! D’une plateforme à une autre, le travail devient le même. Il y a une vraie homogénéisation des conditions de travail et des rémunérations, à la baisse…  » Mais ce membre du Collectif des Livreurs Autonomes Parisien (Clap) , à l’origine de la manifestation, est conscient que les leviers d’action sont peu nombreux. Les livreurs sont tous auto-entrepreneurs, et la saturation du marché du travail offre aux plateforme un réservoir de main d’œuvre important.  » On est lucides sur le fait qu’on peut pas faire grand-chose, Le nombre de coursiers disponible est assez incroyable et les plateformes profitent de la précarité du travail. Il y a tellement de gens qui n’ont pas de travail que c’est plus facile de faire travailler les gens pour moins. » Pour lui et les livreurs des autres plateformes, l’enjeu est de ne pas laisser la spirale dépréciative se poursuivre. « On sait que si on ne fait rien, les plateformes continueront à nous payer moins. »

Au bout d’une heure de rassemblement, ils sont près de quarante à être réunis place de la Bastille. Perché sur la fontaine de la place de la République, Jérôme Pimot, le fondateur du Clap, arrangue la foule. « L’an dernier, nous avons fait la même manifestation et nous étions quinze. Aujourd’hui nous sommes 40 ! » Et l’ancien livreur Deliveroo de poursuivre sur la mobilisation qui monte aussi en province, à Lyon ou à Bordeaux mais aussi à Pau et dans des villes plus petites. « Il se passe quelque chose, dans toute la France le mouvement commence à se structurer. »

Jérôme Pimot face aux livreurs ce 12 octobre, place de la République à Paris (Gaël Flaugère/ Celsalab) 

 

Après dispersement de la manifestation, un groupe d’une vingtaine de livreurs et sympathisants ont décidé d’aller faire entendre leur colère au siège Parisien de Deliveroo. Ils ont trouvé porte close.

Gaël Flaugère

 

 

Ouragan Michael, remaniement, fusée Soyouz… L’actualité de la semaine en photos

Plus de 2 000 personnes ont péris lors du séisme et tsunami qui ont ravagés l'île des Célèbes en Indonésie.
Plus de 2 000 personnes ont péri lors du séisme et tsunami qui ont ravagé l’île des Célèbes en Indonésie. PHOTO AFP
Une partie des brésiliens sont descendus dans la rue pour protester contre le possible élection du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro
Une partie des Brésiliens sont descendus dans la rue pour protester contre le possible élection du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro. PHOTO AFP
Brett Kavanougt, soutenu par Donald Trump, a été investi à la Cour Suprême des Etats-Unis malgré des accusations de harcèlement sexuel.
Brett Kavanougt, soutenu par Donald Trump, a été investi à la Cour Suprême des Etats-Unis malgré des accusations de harcèlement sexuel. PHOT AFP
Le Premier ministre Edouard Philippe assure l'intérim du ministère de l'Intérieur en attendant le remaniement.
Le Premier ministre Edouard Philippe assure l’intérim du ministère de l’Intérieur en attendant le remaniement. PHOT AFP
Recueillement pour Viktoria Marinova, la journaliste bulgare tué alors qu'elle enquêtait sur des affaires de corruption dans son pays.
Recueillement pour Viktoria Marinova, la journaliste bulgare tuée alors qu’elle enquêtait sur des affaires de corruption dans son pays. PHOTO AFP
Le Paris Saint German fait la course en tête du championnat avec 9 victoires consécutives.
Le Paris-Saint-Germain fait la course en tête du championnat de Ligue 1 avec 9 victoires consécutives. PHOTO AFP
L'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Nikki Haley a démissionne par surprise.
L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley a démissionné par surprise. PHOTO AFP
L'ouragan Michael a tué 11 personnes en Floride et Virginie et a détruit des centaines d'habitations sur son chemin.
L’ouragan Michael a tué 11 personnes en Floride et Virginie et a détruit des centaines d’habitations sur son chemin. PHOTO AFP
Le président Emmanuel Macron était en Arménie pour assister au Sommet de la Francophonie à Erevan.
Le président Emmanuel Macron était en Arménie pour assister au Sommet de la Francophonie à Erevan. PHOTO AFP
Atterrissage d’urgence de ma fusée Soyouz au Kazakstan alors qu'elle contenait des astronautes Russes et Américains.
Atterrissage d’urgence de la fusée Soyouz au Kazakstan alors qu’elle contenait des astronautes Russes et Américains. PHOTO AFP

La Française Maryse Condé remporte le « nouveau prix de littérature »

Le prix Nobel de littérature alternatif a été décerné à l’écrivaine guadeloupéenne, ce vendredi, à la bibliothèque de Stockholm.

« La nouvelle académie », spécialement constituée après l’annulation du Prix Nobel de littérature 2018 a récompensé Maryse Condé du « nouveau prix de littérature ». Plusieurs fois citée pour le Prix Nobel, Maryse Condé « décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme, avec un langage précis dans ses œuvres » a félicité l’institution. Née en février 1937 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), l’écrivaine a publié une trentaine de romans ainsi que des essais et des pièces de théâtre portant notamment sur l’esclavage et l’Afrique.

«Je suis très heureuse et très fière d’avoir ce prix mais permettez-moi de le partager avec ma famille, avec mes amis et surtout avec tous les gens de la Guadeloupe […] qui seront émus et heureux de me voir récompensée», a-t-elle réagi dans une vidéo, peu après l’annonce.

Maryse Conde, réagit à sa récompense sur une vidéo retransmise on a screen at the Stockholm City Library in Stockholm, after being awarded the New Academy's Literature Prize on October 12, 2018. (Photo by Janerik HENRIKSSON / TT News Agency / AFP) / Sweden OUT
Maryse Conde, réagit à sa récompense sur une vidéo retransmise à Stockholm. (Photo by Janerik HENRIKSSON / TT News Agency / AFP)

Contrairement au lauréat du Prix Nobel, choisi par les 18 membres de l’académie, le «Nouveau prix» se veut le fruit d’un processus populaire. Une liste est d’abord établie par des bibliothécaires suédois, puis ramenée à quelques noms par un vote populaire. Les organisateurs indiquent avoir reçu près de 33 000 contributions. Sur la liste finale apparaissaient les noms du Britannique Neil Gaiman, de la Canadienne d’origine vietnamienne Kim Thúy et de Maryse Condé. Le japonais Haruki Murakami, faisait également partie de la dernière sélection, mais a préféré se désister. Il a précisé vouloir «se concentrer sur son écriture et rester à l’écart de l’attention médiatique» sur son mur Facebook.

La récompense équivaut à 97 000 euros soit un peu plus du dixième du chèque perçu par les lauréats du Prix Nobel. Une somme qui a été collecté par le biais du financement participatif et du mécénat.  Maryse Condé recevra son prix à Stockholm le 9 décembre prochain.

Audrey Abraham