Émissions de Stéphane Bern : quel impact concret sur le tourisme en France ?

Le château fort de Sedan, dans les Ardennes, a été élu mercredi 13 septembre « monument préféré des français » à l’issue de l’émission éponyme de Stéphane Bern, diffusée sur France 3. Cette émission et sa cousine, « le village préféré des français« , sacrent chaque année ou presque depuis le début des années 2010 le fleuron du patrimoine français, tel que décidé par des spectateurs-internautes fidèles. Mais quel impact réel ont ces émissions sur le tourisme dans les régions ainsi mises sur le devant de la scène ?

« Dans le village, la plaque qui indique « village préféré des français » nous a été offerte par Stéphane Bern. Elle est scellée au mur de l’office du tourisme« , évoque non sans fierté madame le maire de Bergheim, Elisabeth Schneider. Le village d’Alsace a reçu le titre décerné par l’émission France 3 de Stéphane Bern en 2022. « On a observé une augmentation de 30% des fréquentations de l’office du tourisme après la victoire de Bergheim à l’émission de Bern« , nous indique Marie, responsable de l’accueil de l’office du tourisme. « La notoriété amenée par la télévision a eu un impact sur la promotion de notre ville qui n’est pas négligeable« , ajoute-t-elle.

Depuis 2012 pour « le village préféré des français » et depuis 2014 pour « le monument préféré des français« , Stéphane Bern et son équipe parcourent la France pour mettre en avant divers éléments du patrimoine. Après une sélection régionale, les spectateurs sont invités à voter pour leur village ou monument préféré au niveau national.

Du côté de Cassel dans les Hauts-de-France, Céline Deberdt évoque une augmentation de 62% de la fréquentation de la ville entre 2017 et 2018. « Dès le lendemain de la victoire en 2018, on a eu beaucoup d’appels à l’accueil« , se rappelle un responsable qui ne souhaite pas donner son nom. « Le site internet aussi a été tout de suite beaucoup plus fréquenté. L’effet a été exponentiel et a duré toute la saison estivale. Cela a même été relancé quand, l’année d’après, Stéphane Bern et son équipe ont tourné le dernier épisode de la saison suivante à Cassel« , poursuit-il. « Cette année, c’est Esquelbecq qui a gagné. Sa proximité géographique avec Cassel a également relancé la popularité de notre ville« , termine le responsable.

Des retombées positives notables, mais relatives

A Bergheim, le « boum » de popularité n’est pas imputable uniquement à la télévision. « En même temps que la victoire à l’émission, nous avons intégré l’association des plus beaux villages de France. Ces deux reconnaissances simultanées ont eu un impact« , se rappelle Madame le maire de Bergheim. L’association « Les plus beaux villages de France » a été créée en 1982 et compte 174 adhérents qui portent tous son label. Marie complète : « je pense que l’émission a un effet à plus court terme, moins sur la durée que le label. Lui met plus de temps à se faire connaitre mais est plus durable. »

Pour Marie Porro, responsable marketing de l’office de tourisme d’Arras, ce qu’on pourrait appeler « l’effet Bern » a eu un impact relativement léger sur le tourisme de sa ville. En 2015, le beffroi d’Arras a reçu la distinction « monument préféré des français » dans l’émission de Stéphane Bern. « Mais le tourisme à Arras était déjà en progression. L’émission a été un élément parmi d’autres« , ajoute-t-elle. »C’est vrai qu’il y a eu un essor en 2022. Et même en 2023, les gens nous parlent encore de l’émission« , explique Emilie, qui travaille aussi à l’office du tourisme d’Arras. « Mais en 2022, plusieurs critères se sont croisés : l’émission mais aussi l’après-covid qui a poussé les gens à venir à la campagne, vers les destinations plus vertes« , poursuit-elle,  »

« Mais ce genre d’émissions peut amener un nouveau type de touristes : des gens du coin qui redécouvrent leur région. D’ordinaire à Arras, on a plutôt des visiteurs notamment internationaux qui viennent consommer du tourisme de mémoire, avec les tunneliers néo-zélandais. Mais aujourd’hui on a aussi des gens du nord de la France qui viennent, ce tourisme régional est nouveau« , constate Marie Porro. A Bergheim, une responsable observe quant à elle un public belge plus important, du fait, selon lui, que l’émission est aussi diffusée en Belgique.

Si les retombées de telles émissions sont relatives, les différentes communes utilisent allègrement cette distinction symbolique dans leur communication : plaques apposées sur les monuments, panneaux aux entrées des villes, multi-mention dans les documents officiels… « L’émission donne un coup de projecteur sur la destination. Elle met en scène un endroit, avec ses beaux paysages. Forcément les gens voient de magnifiques images d’endroits qu’ils n’ont jamais visité, cela pousse à la curiosité« , conclut un responsable de l’office de tourisme de Cassel.

Nikita Guerrieri

 

Hydrogène vert : l’enjeu croissant de la formation des ingénieurs

Une nouvelle étude de France hydrogène estime à 100 000 le nombre de personnes à former d’ici 2030 pour développer la filière française de l’hydrogène vert. Parmi elles, les ingénieurs joueront un rôle important. Mais le développement des formations universitaires est indissociable de celui des entreprises.  

 

Le développement de la filière de l’hydrogène vert en France devrait passer par la formation de 100 000 personnes d’ici 2030. C’est du moins la conclusion de la dernière étude de France hydrogène, publiée mardi en collaboration avec six acteurs de l’emploi et la formation, dont Pôle emploi et le groupe Adeco.

Cette méthode de production de l’hydrogène est dite décarbonée car elle s’appuie sur l’électrolyse de l’eau, qui ne rejette pas de CO2. Encore faut-il cependant que l’énergie employée pour l’effectuer soit elle-même décarbonée. Aujourd’hui, la France ne possède qu’une capacité de 10 mégawatts de production installée selon ce procédé, et « vise une capacité de production de 6 500 MW en 2030 », à rappelé à l’AFP Philippe Boucly, président de France hydrogène.

https://twitter.com/FranceHydrogene/status/1702300299036115356
Marianne Julien, directrice des partenariats scientifiques d’Air Liquide, considère elle aussi que « donner envie, et la possibilité, de se former à l’hydrogène est un levier clé » pour atteindre cet objectif. « Quand je travaillais pour France hydrogène en 2012 », poursuit-elle, « il y avait moins de 1000 personnes compétentes en France. Aujourd’hui elles sont cinq fois plus. »

Diplômes spécialisés

Si la filière à autant besoin, selon l’étude, de chaudronniers ou de commerciaux que d’ingénieurs, ces derniers joueront un rôle incontournable dans le développement de ces techniques de pointe. Et face au crédit croissant de l’hydrogène vert, leur formation se développe progressivement. Plusieurs diplômes spécialisés ont ainsi vu le jour ces dernières années, là où les questions liées à l’hydrogène se limitaient jusque-là à des modules dans des diplômes généralistes. 

C’est notamment le cas du diplôme d’ingénieur « énergie, hydrogène » de l’école nationale supérieure d’ingénieurs de Bretagne Sud (ENSIBS), crée en 2022. Philippe Mandin, responsable de la formation, en explique le caractère « hybride », mêlant des compétences de formations existantes en « cassant les cloisons » entre elles, et d’autres plus nouvelles.  

L’électrolyse, sur laquelle le chercheur travaille depuis plus de vingt ans, était selon lui jusqu’à récemment une technique relativement « orpheline », mais elle attire désormais plus d’intérêts et de financements. Et elle répond à un besoin local. Bien que d’autres formations existent déjà dans des domaines analogues, ses 30 étudiants ont tous trouvé un contrat, preuve d’une demande croissante. 

« Bulle technologique »

Philippe Mandin souligne en effet l’importance du « triptyque formation, compétence et emploi. » Les entreprises doivent pour lui jouer un rôle moteur pour créer des emplois, avant que la formation universitaire ne suive. Il souligne par ailleurs l’intérêt de l’apprentissage, qui apporte des compétences professionnelles à ses élèves. « La formation est critique, mais on se forme aussi en travaillant », abonde Marianne Julien. « Il est important de continuer à favoriser des projets allant de l’éducation jusqu’à l’industrie. »

Mais l’intérêt croissant du privé pour l’hydrogène vert, et la stimulation que cela peut générer dans le milieu universitaire, doivent être relativisés pour Philiipe Mandin. On a selon lui affaire à une « bulle technologique », qui doit encore se stabiliser et se concrétiser. A cet égard, l’objectif avancé par l’étude de France hydrogène lui paraît ambitieux. « Tout dépendra de la capacité des entreprises Françaises ou Européennes à ouvrir de nouvelles usines », conclue-t-il.

Mardi, TotalEnergies lançait justement un appel d’offre inédit pour remplacer les quelque 500 000 tonnes d’hydrogène « gris » – rejetant du CO2 – par de l’hydrogène vert pour décarboner ses activités de raffinage de pétrole en Europe. 

Comprendre la PMA post-mortem en quatre questions

La procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem est interdite en France. Autorisée en Espagne, elle suscite des interrogations éthiques et légales. Des femmes françaises souhaiteraient y avoir recours.

« Non-violation de l’article 8 ». La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) confirme ce 14 septembre que l’interdiction d’export de gamètes prise par la France respecte la Convention européenne des droits de l’homme. Une femme avait demandé l’export vers l’Espagne des gamètes congelés de son mari décédé, afin de réaliser une PMA post-mortem. Le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) leur avait refusé.

Qu’est-ce que la PMA post-mortem ?

La procréation médicalement assistée (PMA) permet aux couples hétérosexuels stériles d’avoir un enfant, grâce à des pratiques médicales. La méthode la plus connue est la fécondation in vitro (FIV). La PMA a été élargie aux couples de femmes et aux femmes célibataires par la loi de bioéthique du 2 août 2021. On emploie également le terme d’assistance médicale à la procréation (AMP), de manière équivoque.
La PMA post-mortem consiste à réaliser une fécondation après la mort du conjoint, à partir de ses gamètes préalablement congelés. Elle est n’est pas autorisée en France.

Pourquoi est-elle interdite en France ?

La PMA post-mortem n’a pas été acceptée à cause de multiples obstacles. D’abord, « on crée délibérément des orphelins », avance Aline Cheynet de Beaupré, professeure de droit privé à l’Université d’Orléans. Car contrairement à la PMA post-mortem, la PMA pour femmes célibataires laisse une place vacante à la filiation. Dans le cas de la PMA post-mortem, le père reste le géniteur décédé. « C’est ça, je pense, qui bloque en France », pointe Marie-Xavière Catto, juriste et spécialiste de droit de la bioéthique.

La PMA post-mortem pose également des problèmes liés aux successions, ou aux assurances vie. Elle suscite aussi des questions sur la volonté du défunt. « Rien ne prouve qu’il n’aurait pas changé d’avis, même après avoir rédigé une directive anticipée », assure Bénédicte Beviere-Boyer, maîtresse de conférences en droit privé et spécialiste en droit de la bioéthique. Aujourd’hui, même si le souhait d’utilisation post-mortem est clairement exprimé, il est refusé. Cette précaution est « légitime », assume Bénédicte Beviere-Boyer.

Selon Aline Cheynet de Beaupré, il y aurait toujours un risque de « tromper la volonté du défunt », même avec une directive anticipée. « On n’est pas à l’abri que la veuve utilise les gamètes de son mari décédé pour concevoir un enfant, et l’élever avec le voisin ! », insiste-t-elle.

Pourquoi certains réclament son autorisation ?

Dans le cas d’un couple hétérosexuel qui essayait d’avoir un enfant, le décès du mari entraîne la fin de la PMA. « Ce serait bien de pouvoir continuer », demande Virginie Rio, fondatrice de Collectif Bamp, une association de patients de l’AMP et de personnes infertiles. « Les femmes veuves vivent un double drame. Elles perdent leur conjoint, et en même temps leur projet parental », confie-t-elle.

« On peut se poser la question d’une inégalité face aux femmes seules qui ont accès à la PMA », explique Bénédicte Beviere-Boyer. Virginie Rio parle « d’incohérence de la loi ». « Une femme veuve ne peut pas avoir d’enfant avec le sperme de son mari décédé, mais elle peut avec le sperme d’un inconnu. C’est tout bonnement illogique », regrette-t-elle.

Autoriser l’export de gamètes n’est pour la fondatrice de Collectif Bamp pas la solution. « On possède des centres d’AMP en France. Que les gens soient obligés d’aller à l’étranger, ce n’est pas normal ! Surtout que certains n’ont pas les moyens », déplore-t-elle.

La PMA post-mortem pourrait-elle voir le jour en France ?

Actuellement, le code de la santé publique prévoit que les gamètes congelés d’une personne décédée soient détruits, sauf en cas de déclaration d’autoconservation des gamètes. Mais leur usage post-mortem dans le but de féconder la compagne veuve reste proscrit. « Il n’y a pas d’alternative », explicite Marie-Xavière Catto.

« Il faut trouver de nouveaux outils juridiques », affirme Bénédicte Beviere-Boyer. Cependant, les directives anticipées « ne permettent pas de déroger à la loi », rappelle Marie-Xavière Catto. « Ce qu’il faudrait, ce serait ouvrir la PMA post-mortem », pointe-t-elle. « Dans les propositions qui ont été portées, on associait toujours l’utilisation post-mortem des gamètes avec la filiation. Si les gamètes du père décédé étaient utilisées sans qu’on lui attribue la filiation de l’embryon, cela lèverait un frein », souligne la juriste. La loi bioéthique pourrait être révisée dans les années à venir. « Immanquablement, on reviendra sur la PMA post-mortem », conclue Aline Cheynet de Beaupré.

 

 

Léo Guérin

Emmaüs : dans le nord, la grève continue

Après plusieurs semaines de grèves inédites, des compagnons de trois antennes locales d’Emmaüs attendent encore que leurs revendications soient entendues. Les conseils d’administrations prévus jeudi à Paris et Grande-Synthe ont été annulés.

« Il faut que la direction parte, et que l’on retourne travailler ». Amara est porte-parole des grévistes de Grande-Synthe. Responsable meuble depuis deux ans à Emmaüs, sans-papier, il vient de Guinée. Depuis fin août, son antenne a rejoint celle de la Halte Saint-Jean dans la grève. Ils accusent la direction de les exploiter, sans leur ouvrir de perspective d’insertion.

Le conseil d’administration de Grande-Synthe devait se réunir, ce jeudi 14 septembre, avec les grévistes. Son président, Pierre Wexsteen, l’avait précisé : leur convocation est « le résultat de leur action, leurs insultes et de l’illégalité de leur mouvement« . Mais la journée ne s’est pas déroulée comme prévue. « On n’a fait en sorte que le conseil ne se déroule pas, raconte Christelle Veignie, secrétaire générale de l’Union locale du syndicat de la CGT à Dunkerque, les grévistes risquaient d’être exclus ».

« Quand cette direction part, nous on retourne travailler ». Amara, porte-parole des grévistes de Grande-Synthe

« Nous ne sommes pas salariés, le président nous a dit que nous n’avions donc pas le droit de faire grève », se désole Amara. Comme l’a rappelé Emmaüs France sur son compte Twitter, les compagnes et compagnons ont un statut de « travailleurs solidaires », non encadré par le code du travail. « Nous défendons ce que nous méritons de droit. Quand cette direction part, nous on retourne travailler ». Christelle Veignie s’insurge d’un « mépris et propos racistes » à l’encontre de certains compagnons. Ce que confirme Amara : « Le président nous a dit de « retourner d’où nous venons ». Ces propos sont inadmissibles ! ».

À Saint-André-lez-Lille, c’est la présidente de l’antenne Emmaüs de la Halte Saint-Jean qui risque sa place. Une enquête a été ouverte en mai pour « traite d’êtres humains » et « travail dissimulé » et confiée à la Brigade mobile de recherche zonale (BMRZ) et à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). Emmaüs France a par la suite demandé aux responsables locaux d’Emmaüs de mettre « en retrait » la directrice de la communauté concernée, Anne Saingier, qui est aussi présidente d’Emmaüs Nord-Pas-de-Calais/Picardie.

Emmaüs France tarde à réagir 

« On veut que la présidente dégage et que le fonctionnement général change », s’exclame Alixe Konbila, porte-parole de l’antenne de la Halte Saint-Jean. « Nos revendications sont laissées sans réponse depuis deux mois ». Elle regrette le manque de réaction d’Emmaüs France, envers leur antenne. « Vu que nous sommes pas OACAS (Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activité Solidaire) nous ne sommes pas prioritaires ». Ce statut, que la communauté de Grande-Synthe a adopté, prévoit une meilleure protection sociale des compagnons.

L’antenne France n’a pas réagi à ces propos. Son conseil d’administration devait se réunir dans la journée de jeudi, en même temps que celui de Grande-Synthe. Il a été reporté au 3 octobre. Le délégué général, Tarek Daher, a indiqué : le conseil d’administration national prendra rapidement « des mesures à titre conservatoire ou des lancements de procédures de traitement des conflits ».

Emma Meriaux