Trois questions à … Bernard Blandre, Président de l’AEIMR (Association d’Etude et d’Information sur les Mouvements Religieux), et spécialiste des Témoins de Jéhovah.
Selon vous, les TJ se rapprochent-ils plus du terme de « religion » ou de « secte » ?
On ne peut pas opposer les concepts de « religion » et de «secte ». Une religion, c’est un ensemble d’éléments comprenant des croyances, une morale, une organisation plus ou moins structurée. Une secte religieuse, c’est une forme de religion. La définition sociologique d’une secte n’a pas la connotation négative que tout le monde utilise: c’est un ensemble de personnes qui partagent un système de pensée commun caractérisé par l’hostilité globale au monde. Or, l’idéologie des TJ correspond tout à fait à cette définition.
Quoiqu’on pense du caractère sectaire ou non de l’organisation, il faut limiter la possibilité de caractériser un mouvement de « secte » aux sociologues. Une autorité politique, administrative ou
judiciaire ne peut pas caractériser un groupe particulier pour en faire une exception. La loi est la même pour tous.
Quand une affaire arrive en justice, il faut distinguer la responsabilité de la secte elle-même de celle de certains de ses membres et si nécessaire condamner la secte pour avoir enfreint la loi, et non en tant que secte. Quoi qu’il en soit, je considère que les TJ, en faisant appel à la justice humaine notamment, évoluent vers une dénomination (une secte qui se rapproche de la société).
D’un côté, certains membres des TJ sont considérés comme parfaitement intégrés à la société, alors que les associations anti-sectes dénoncent l’isolement social des victimes. Qu’en est-il ?
Les TJ ne vivent pas en communautés fermées comme certaines sectes. Ils vivent dans leurs quartiers, ont des occupations professionnelles. Leur morale tend à consolider la famille : celui qui la respecte bien n’est pas alcoolique, n’est pas adultère.
Mais celle-ci peut être fragilisée quand une partie seulement des membres adhère : l’engagement dans le porte-à-porte, la présence à plusieurs réunions par semaine tend à bouleverser la vie quotidienne familiale, et ensuite tout est une question de tolérance du témoin vis-à-vis des non témoins et des non témoins vis-à-vis des témoins. Ce militantisme tend aussi naturellement à privilégier les contacts avec les Tj au détriment des amis. Des tensions sont liées au refus de fêter Noël ou les anniversaires.
Les problèmes les plus graves se produisent lorsqu’un membre de la famille quitte les TJ. La consignes à ceux qui le sont restés, c’est de couper toute relation, d’éviter toute discussion avec l’ « apostat ». Il existe plusieurs groupes Facebook d’anciens témoins de Jéhovah qui expriment leur souffrance suite à cette exclusion.
Les TJ possèdent de solides réserves financières mais leurs dépenses deviennent trop élevées. Comment gèrent-ils cette période ?
Toute organisation a besoin d’argent pour fonctionner. Les témoins sont des millions et ont des ressources considérables : des « dons volontaires » dans les boîtes à offrandes des salles du royaume, des legs dans les pays où la loi le permet. Ils ne vendent pas leurs livres ni les abonnements aux revues mais sollicitent des dons en échange.
En réalité, s’ils dépensent beaucoup pour leur fonctionnement, ils limitent les frais. Leurs
filiales nationales tendent à fonctionner en autarcie, notamment celui du siège central américain qui dispose de sa ferme, de coiffeurs sur place… Les dirigeants de passage sont accueillis par les témoins locaux au lieu d’aller à l’hôtel et au restaurant. Les activités se limitent à l’édition, au prosélytisme et aux activités favorisant l’autoconsommation