Guadeloupe : comment expliquer le déclin des oiseaux ?

Depuis des mois, plusieurs données mettent en évidence une diminution inquiétante des espèces d’oiseaux en Guadeloupe, qu’elles soient menacées ou non. Parmi les plus concernés : le pélican brun, chassé par les habitants.

De l’imposant pélican brun au discret colibri, la Guadeloupe dispose d’une grande variété d’oiseaux sur son territoire. 295 espèces y sont recensées. Pourtant, leur nombre pourrait diminuer ces prochaines années, conséquence de la nette réduction des populations ces dernières décennies.

Parmi les plus espèces les plus concernées : le pélican brun, emblématique oiseau de l’île, qui a même donné son nom à la commune littorale du Gosier (l’oiseau s’appelle « Gwan Gosyé » en créole). Si jusqu’en 2020 les individus peuplaient encore la Guadeloupe, ils n’y nichent désormais plus, à l’exception d’une petite colonie qui s’est installée dans l’archipel des Saintes.

Victimes de la chasse

La population de pélicans bruns au Gosier a atteint son apogée dans les années 2010  mais, très vite, les habitants se sont permis de les chasser, gênés par leur nombre et leurs déjections. « Ils ont coupé les arbres où nichaient les oiseaux, ils les chassaient à coup de cailloux, on en a même retrouvés pendus », raconte Béatrice Ibéné, présidente de l’Association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles.

Les bécasseaux maubèches, très prisées par les chasseurs, ont elles aussi vu leur population chuter. En 50 ans, leur nombre a diminué de 95%. L’espèce est désormais complètement protégée.

En 2024, l’autorisation de la chasse de certains oiseaux accordée par la préfecture avait été au coeur d’un débat, avant d’être finalement autorisée par le ministère de la Transition écologique. Et ce malgré l’inscription de certaines espèces sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature et les données qui mettaient clairement en évidence les diminutions des effectifs.

Le changement climatique aussi mis en cause

Au-delà de la chasse, les scientifiques considèrent que l’une des principales raisons de la diminution des oiseaux est le changement climatique, qui modifie leur environnement. Un phénomène est particulièrement observé dans les régions tropicales comme la Guadeloupe. Deux espèces de colibris souffrent par exemple du changement des régimes de pluie et de la disparition des insectes.

Cet été, une étude parue dans la revue scientifique Nature Ecology & Evolution expliquait que les chaleurs extrêmes liées au changement climatique avaient provoqué le déclin de 25 à 38% des effectifs d’oiseaux dans les régions tropicales entre 1950 et 2020.

Si la population des oiseaux en Guadeloupe continue d’inquiéter, il faut tout de même noter quelques avancées sur le sujet en 2025. Au mois de mars, trois arrêtés publiés par les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture ont mis à jour la liste des oiseaux protégés et les modalités de leur protection. 93 espèces supplémentaires ont été ajoutées, comme la colombe rouviolette et le chevalier solitaire, jusque-là autorisés à la chasse.

Toutefois, malgré la protection de davantage d’espèces, le changement climatique continuera de faire des dégâts.

 

Isaure Gillet

 

 

Découvrez les trois librairies-cafés parisiennes classées parmi les plus belles au monde

Le Used Book Café. Photo : Domitille Lefebvre.

L’association australienne 1000 Libraries a publié un classement des 10 plus belles librairies-cafés du monde. Parmi elles, trois sont situées en France, à Paris. Un coup de projecteur largement apprécié par les restaurateurs récompensés.

À midi, c’est déjà salle comble. Au Used Book Café, établissement du 3ᵉ arrondissement de Paris en apparence classique, les clients sont nombreux à vouloir profiter des boissons, des plaisirs sucrés et de livres.

« C’est très joli », commentent deux amies assises à une table en regardant les murs recouverts d’ouvrages. Tellement « joli » que l’association australienne 1000 Libraries l’a classé à la deuxième place de son « top 10 des librairies-cafés les plus belles du monde ». Soutenue par l’Institut français de recherche pour le développement et l’État, cette organisation vise à promouvoir la lecture et le lien social.

Tout s’est passé sur internet. 200.000 personnes à travers le monde ont pu voter pendant une période de 60 jours pour leur librairie-café préféré, choisi au préalable par l’association. « On m’avait informé qu’on était sélectionné », se souvient Cyrille Bruneau, propriétaire de la péniche L’Eau et les Rêves, arrivée quatrième de la compétition.

Les votants avaient le choix entre 16 établissements. Mais la beauté n’a pas été le seul critère de sélection, leur « inventivité » a aussi été prise en compte. Selon 1000 Libraries, ces librairies-cafés « ont résolu un des problèmes majeurs de la société contemporaine : la disparition de ce ‘troisième lieu’, ces espaces sociaux cruciaux entre la maison et le travail où les communautés naissent, les idées fleurissent et les relations s’épanouissent ».

Une question d’image et de réputation

À l’intérieur du Used Book Café, les livres sont à la disposition des clients. « Les gens peuvent soit emprunter ou acheter », indique Amine, responsable du café. Ce dernier a été créé par la marque de prêt-à-porter française Merci, dont la boutique se trouve d’ailleurs dans le prolongement du café.

Dans la salle, le public est aussi hétéroclite que la littérature rangée sur les murs. « On a des livres en français et en anglais », précise le responsable, qui ne peut se départir de la joie que lui procure une telle récompense.

« On est presque habitué à la beauté dans les cafés parisiens, mais celui-ci est en effet vraiment joli », remarque Helena, serveuse pour le Used Book Café depuis deux semaines. Pour elle, ce classement est avant tout une question de réputation : « Les Français sont en général des gens cultivés et avec ce concept et les livres disposés sur les murs, ça renforce cette idée qui plait aux touristes. »

Certains, téléphones en main, ne se gênent d’ailleurs pas pour prendre quelques photos dignes des réseaux sociaux tandis que d’autres dévorent leurs livres tranquillement. Dans un autre arrondissement parisien, l’ambiance est toute autre.

La librairie-café L’Eau et les Rêves flotte sur le canal de l’Ourcq dans le 19ᵉ arrondissement de Paris depuis 2018. Ici, le classement est accueilli comme un « vrai plaisir » par Cyrille Bruneau et Ila, la manageuse.

Publié il y a un mois, il n’a été relayé sur les réseaux sociaux qu’à partir d’hier. « Je ne savais pas qu’autant de monde connaissait », s’étonne Ila, qui apprécie particulièrement que la péniche ne soit pas un « lieu TikTok », où la clientèle vient autant pour le café que pour prendre des photos.

Des effets mitigés sur la fréquentation

Ce concept de librairie-café n’est pas nouveau. Il est né dans les années 1990 en Bretagne avec l’intention de redynamiser le marché du livre. Aujourd’hui, 110 librairies-cafés ont été recensées dans toute la France par l’Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d’Azur.

« Depuis les articles parus hier [sur le classement], on a vu plus de monde venir », constate Amine, « il y a à la fois des gens du quartier qui ne connaissaient pas le concept et des étrangers ».

Un constat que ne partage pas Cyrille Bruneau : « La fréquentation est très variable en fonction de la fréquentation générale à Paris et on est très tributaire de la météo quand on est sur une péniche, donc on n’a pas de régularité assez suffisante pour dire si un évènement va nous impacter ou pas. »

Ce classement récompense également une troisième librairie-café parisienne, les Halles Saint-Pierre dans le 18ᵉ arrondissement de Paris. Contactés, ils n’ont pas souhaité nous rencontrer.

Les sept autres lauréats sont dispersés aux quatre coins du monde, allant de la Tunisie à l’Australie en passant par le Brésil ou encore les États-Unis.

Domitille Lefebvre

Tourcoing : après le lynchage d’un policier, le débat sur les peines minimales relancé

Un policier de la BAC a été violemment agressé à Tourcoing lors d’une opération de surveillance. L’affaire provoque une onde de choc politique et remet sur le devant de la scène la question des peines minimales, que certains souhaitent voir inscrites dans la loi dès la première infraction.

La scène glace le sang. Sur une vidéo qui circule depuis mercredi soir, on distingue un policier de la brigade anticriminalité (BAC), au sol, violemment frappé par plusieurs jeunes. L’agent, en surveillance dans une affaire de vol, a été hospitalisé avec de multiples blessures.

Gérald Darmanin, ex-maire de Tourcoing et garde des Sceaux démissionnaire, a réagi dès le lendemain. Dans un message sur X, il apporte son soutien aux « courageux » policiers et annonce vouloir « poursuivre ces voyous. »

Mais le ministre ne se contente pas de dénoncer : il relance l’une de ses propositions phares, celle d’instaurer des peines minimales pour les agressions contre policiers, gendarmes, pompiers et soignants. Une idée qui, selon lui, permettrait de garantir une sanction ferme et immédiate pour ces infractions.

Vers une peine minimale dès la première infraction

Cette proposition n’est pas sans rappeler le débat sur les peines planchers, instaurées en 2007 sous Nicolas Sarkozy. À l’époque, la loi prévoyait une peine minimale obligatoire en cas de récidive pour les crimes et délits passibles d’au moins trois ans de prison. Concrètement, un récidiviste encourait au minimum un tiers de la peine maximale prévue par la loi.

Le juge pouvait certes déroger à cette règle, mais uniquement en motivant sa décision. Dans les faits, ces dérogations sont rapidement devenues majoritaires : en 2010, seuls 38 % des dossiers éligibles donnaient lieu à une peine plancher.

Dès leur mise en place, les syndicats de magistrats ont dénoncé une atteinte au principe d’individualisation des peines et une mesure inefficace sur le plan de la prévention de la récidive. En 2014, le gouvernement socialiste a abrogé les peines planchers, au nom d’une justice plus proportionnée et moins automatique.

La différence avec la proposition actuelle est de taille : les peines minimales réclamées par Darmanin s’appliqueraient dès la première infraction, et non seulement en cas de récidive. Le garde des Sceaux veut que certaines atteintes graves – violences sur policiers, pompiers, soignants – soient systématiquement sanctionnées par de la prison ferme ou une amende élevée.

Un débat qui divise encore les élus

L’ex-Premier ministre François Bayrou a soutenu cette idée en juin, en appelant à « inscrire des peines minimales là où la loi prévoit des peines maximales ». À droite comme à l’extrême droite, le soutien est quasi unanime. Marine Le Pen réclame « des peines minimales pour effacer la culture de l’excuse et de la récidive ».

À gauche, en revanche, de nombreuses voix s’inquiètent d’un retour à une justice plus automatique, qui réduirait la liberté d’appréciation des magistrats. Elles redoutent également un impact direct sur la surpopulation carcérale, déjà à un niveau record. Au 1er mai, la France comptait 83 681 détenus pour seulement 62 570 places disponibles, un record absolu. Les syndicats pénitentiaires dénoncent des conditions de détention dégradées et préviennent qu’un durcissement systématique des peines pourrait aggraver la situation.

 

Pourquoi la France est-elle privée d’une fonctionnalité des AirPods 3 ?

La fonctionnalité Live Translation, annoncée avec les AirPods Pro 3 par Apple, ne sera pas disponible en France au lancement des écouteurs le 19 septembre prochain.

Apple AirPods Pro 3 models are displayed during Apple’s « Awe-Dropping » event at the Steve Jobs Theater on the Apple Park campus in Cupertino, California, on September 9, 2025. (Photo by Nic Coury / AFP)

La promesse était séduisante : traduire en direct une conversation étrangère, sans délai ni connexion Internet. Grâce aux micros des AirPods, les paroles sont captées, transmises à l’iPhone puis traduites par des modèles d’intelligence artificielle, avant d’être renvoyées dans les écouteurs. Pourtant, la fonctionnalité restera inaccessible en Europe au lancement, contrairement aux États-Unis ou à d’autres régions du monde au moment du lancement le 19 septembre.

Pour expliquer ce retard, Apple pointe du doigt le Digital Services Act (DSA). Ce règlement européen sur les services numériques, entré en vigueur en 2022 et pleinement appliqué depuis 2024, a pour objectif de mieux encadrer les grandes plateformes numériques en fixant des règles communes pour protéger les utilisateurs et garantir une concurrence plus équitable. Mais selon Romain Maulin, avocat spécialisé en droit de la concurrence, le sujet n’est pas seulement lié au DSA : « C’est surtout la question de l’interopérabilité qui explique l’absence de Live Translation ».

L’interopérabilité est la capacité pour des appareils, logiciels ou services numériques de fonctionner ensemble, indépendamment de la marque ou de l’écosystème auquel ils appartiennent. « Il faut comprendre que l’Union européenne cherche à éviter que des écosystèmes fermés capturent l’utilisateur. Si vos AirPods Pro ne fonctionnent de manière optimale qu’avec un iPhone, cela limite la concurrence. L’Europe impose donc à Apple de réfléchir à la manière dont ses appareils pourraient fonctionner avec d’autres environnements », explique-t-il. Ce principe n’est pas nouveau : l’UE a déjà contraint Apple à abandonner le chargeur Lightning au profit de l’USB-C pour des raisons similaires. Ici, il s’agit de s’assurer que des services comme la traduction en temps réel ne deviennent pas un outil de verrouillage technologique, poussant les utilisateurs à rester captifs dans l’écosystème Apple.

Du bluff dans la stratégie d’Apple ?

Le juriste souligne qu’il existe également une directive européenne sur la confidentialité des communications privées et un règlement sur l’intelligence artificielle. « Apple propose une avancée technologique forte, mais qui ne répond peut-être pas pleinement aux exigences drastiques de l’Union européenne en matière de données personnelles et d’IA ».

Pour Romain Maulin, cette confrontation dépasse la seule technique : « Il y a peut-être aussi une part de bluff de la part d’Apple. Dire : “vous, Européens, êtes privés d’une technologie révolutionnaire à cause de vos règles trop strictes” est une manière de mettre la pression sur Bruxelles ». Apple n’en est pas à son premier différend avec Bruxelles. En avril 2025, la Commission européenne lui avait infligé une amende de 500 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles, assortie d’une obligation de revoir certaines de ses règles. De la même manière, les outils d’intelligence artificielle générative, disponibles dès 2024 aux États-Unis, n’avaient été déployés en Europe qu’en mars 2025 après plusieurs mois de négociations.

Alors faut-il craindre que les Européens soient durablement privés de Live Translation ? L’avocat se veut mesuré : « Apple connaît parfaitement la réglementation européenne. Ses juristes et lobbyistes participent même à son élaboration. Le marché européen n’est pas marginal : la firme y réalise une part très importante de ses ventes, notamment via son implantation en Irlande. Ce n’est donc pas un territoire inaccessible. » Le lancement différé de Live Translation illustre donc surtout une stratégie de communication offensive de la part de la firme, désireuse de montrer que la régulation européenne a un coût pour le consommateur.

Pour Romain Maulin, la conclusion est claire : « C’est simplement le prix à payer pour garantir un marché plus ouvert et éviter que des acteurs dominants ne verrouillent l’utilisateur dans leur écosystème. » Comprenez : pas de législation insurmontable, mais encore quelques mois d’attente pour les habitants du vieux continent.