Les lanceurs d’alerte signeront-ils la fin de Donald Trump ?

Deux nouveaux témoignages viennent confirmer les faits reprochés à Donald Trump dans l’affaire ukrainienne. Cette annonce rend la menace d’impeachment un peu plus tangible et aura un impact certain sur la campagne présidentielle de 2020.
Une Impeachment March s’est tenue à Los Angeles en juillet 2017. (Photo de RINGO CHIU / AFP)

Un nouveau lanceur d’alerte anonyme a fait une déposition dimanche. Il assure que le Président des États-Unis a demandé à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, d’enquêter sur son adversaire démocrate Joe Biden. Ses propos confirment le témoignage du premier lanceur d’alerte. Celui-ci a affirmé que plusieurs de ses responsables avaient écouté un appel entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky passé le 25 juillet dernier. Il raconte que ceux-ci ont été “très troublés” par cette conversation téléphonique.

Selon ces informations, le Président des États-Unis aurait “sollicité l’ingérence” de l’Ukraine en vue de préparer sa campagne présidentielle pour 2020. C’est après cette révélation qu’une procédure de destitution a été lancée, le 24 septembre dernier, par Nancy Pelosi. La présidente de la Chambre des Représentants a d’ailleurs été vivement attaquée par Donald Trump sur Twitter. Il accuse la chef de file démocrate de « crimes graves, délits et même trahison« , et a réclamé sa destitution.

Selon l’avocat Andrew Bakaj, qui fait partie du cabinet assurant la protection juridique des deux lanceurs d’alertes, d’autres témoins susceptibles de fournir des informations sur cette affaire pourraient témoigner à leur tour.

La procédure d’impeachment a-t-elle une chance d’aboutir ?

Selon Sébastien Mort, maître de conférences en civilisation américaine, ces révélations ont provoqué “un frémissement de la presse américaine qui commence à prendre au sérieux la possibilité d’un vote à la Chambre des représentants”. Ce serait la première étape vers une potentielle destitution de Donald Trump.

Cette procédure a lieu en deux temps. D’abord, la Chambre des représentants mène une enquête sur le Président des États-Unis. Elle vote ensuite la mise en accusation de celui-ci. Puisque les démocrates ont la majorité dans cette institution, la première étape de l’impeachment pourrait être validée. Mais “même si on arrive jusque là, ça ne sera certainement pas suffisant” estime Sébastien Mort.

Car la procédure se poursuit ensuite au Sénat qui organise le procès du Président. À ce stade, pour que la destitution soit votée, il faudrait que Donald Trump soit jugé coupable par ⅔ des sénateurs. Comme les Républicains disposent de la majorité, il faudrait que les démocrates rallient à leur cause 20 républicains et 2 sénateurs indépendants. Un scénario peut convaincant pour Sébastien Mort : “Il n’y a quasiment pas de résistance à Donald Trump au sein de son parti. Les Républicains ne veulent pas se mettre Trump à dos pour ne pas se mettre en danger aux primaires du parti”.

Donald Trump quittant le cabinet d’avocats Pillsbury Winthrop Shaw Pittman lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. (Photo d’Alex Wong / AFP)
Trump joue à la fois sa réélection et sa propre survie

Pour certains, la destitution de Donald Trump serait tout sauf une bonne nouvelle. Le journaliste du New York Times, Frank Bruni, estime par exemple que cette procédure accentuera le clivage de la société américaine : “Les sympathisants de Trump seront furieux qu’il ait subi une procédure alambiquée dont on pouvait anticiper le dénouement. Pendant ce temps,l’exaspération des détracteurs de Trump sera démultipliée” écrit-il.

Vous devriez être terrifiés par la procédure de destitution, car elle va constamment nous contraindre à ne plus nous concentrer que sur le mépris de Trump pour la loi, sur ses singeries, ses délires et ses tweets débiles. Nul doute qu’il sera prêt à faire son maximum pour persuader les Américains que les démocrates sont malfaisants. Nul doute que sa stratégie consistera à calomnier les personnes, les procédures et les institutions en affirmant qu’il faut s’en méfier comme de la peste.” ajoute Frank Bruni dans un article du New York Times.

Et les révélations de ces deux lanceurs d’alerte ont d’ores et déjà un impact sur la présidentielle de 2020 : la procédure “occupera le paysage médiatique pendant toute la campagne” assure Sébastien Mort. Pour lui, elles offrent aux démocrates la possibilité “de demander des comptes aux Républicains et à Donald Trump, sans donner l’impression d’être dans une entreprise partisane de mise en défaut.”

C’est la première fois qu’une procédure d’impeachment survient en même temps qu’une campagne présidentielle. “Cette campagne sera d’une brutalité sans précédent. Trump joue à la fois sa réélection et sa propre survie” projette Sébastien Mort.

Le Portugal, rare pays où la gauche au pouvoir résiste

Au lendemain des élections législatives, le Parti socialiste du Premier ministre Antonio Costa sort renforcé avec près de 37% des voix. Un triomphe pour la gauche portugaise de gouvernement qui se maintient au pouvoir depuis 2015, une situation unique en Europe. Décryptage.

Avec 106 sièges au Parlement, le Parti socialiste est le grand vainqueur des élections législatives qui ont eu lieu dimanche 6 octobre au Portugal. Le parti du Premier ministre Antonio Costa a obtenu près de 37% des voix, loin devant le Parti social-démocrate (PSD), principale force d’opposition avec 28% des suffrages. Des résultats d’autant plus significatifs que la gauche est au pouvoir depuis 2015 et semble se renforcer, contrairement à de nombreux pays européens.

Selon Yves Léonard, professeur à Sciences Po et spécialiste de l’histoire contemporaine du Portugal, la singularité du Parti socialiste portugais s’explique notamment par « sa résilience au fil des années » et son organisation interne. « Le PS portugais est un parti bien implanté localement, ancré dans les territoires avec un réseau important d’élus et de militants », explique-t-il. « C’est un parti de masse mais qui est structuré », poursuit Yves Léonard.

Un succès électoral qui vient également de l’homme de tête du parti, Antonio Costa. « C’est un personnage de grand talent, avec un grand savoir faire. Il est populaire et apprécié. C’est à la fois un parti qui a des troupes et qui a à sa tête un personnage qui a su s’imposer », résume Yves Léonard. Un homme politique à l’image fédératrice qui a su rebondir après la période d’austérité imposée par la « troïka », la Banque Centrale européenne le Fonds monétaire international et la Commission européenne, de 2011 à 2014. « Antonio Costa et le PS ont incarné le renouvellement, et ils ont réussi à tourner la page de l’austérité », analyse Yves Léonard.

Une quasi-majorité absolue

« Pendant quatre ans, ça a fonctionné. La croissance a augmenté, le chômage a baissé et le déficit budgétaire est nul », continue-t-il. « Le PS a réussi à redonner confiance aux Portugais », renchérit Bruno Cravo, journaliste au bureau de l’AFP de Lisbonne. « Antonio Costa a su faire coexister à la fois une politique de gauche avec la hausse des salaires, le retour de certains jours fériés et une politique centriste en respectant la baisse de déficit imposée par l’Union européenne ».

Un parti en position de force puisqu’il ne manque que 10 sièges au PS pour obtenir la majorité absolue au Parlement. « Aujourd’hui, le PS peut gouverner seul mais Antonio Costa va sûrement chercher un allié à gauche. Le PS a le vent en poupe au Portugal et même le PSD perd du terrain », explique Bruno Cravo.

La puissance de la gauche portugaise est d’autant plus visible que les partis populistes et l’extrême-droite ne sont que très peu représentés au Portugal. Pour Yves Léonard, ce phénomène politique unique en Europe est un « legs de la Révolution du 25 avril 1974 », qui a mis fin à la dictature d’Antonio Salazar. Un constat partagé par Bruno Cravo : « le passé de l’extrême-droite au Portugal est nauséabond et les Portugais le rejettent beaucoup ».

Pas de terreau favorable aux populistes

L’absence de partis d’extrême-droite s’expliquerait également par le manque de « terreau » favorable à l’émergence de ces mouvements politiques. Selon Bruno Cravo, « la xénophobie, le racisme existent au Portugal mais ils ne trouvent pas d’expression politique, et ne s’expriment pas dans les urnes ». Le vote anti-système portugais s’exprimerait davantage dans « l’abstention », ne laissant pas la place aux partis populistes, comme Yves Léonard l’écrit sur le site de « L’Hétairie », think tank politique de gauche. Depuis les années 50, elle frôle les 50% et a même atteint 70% lors des européennes de 2019.

Autre explication : l’absence d’un choc migratoire. Le Portugal est l’un des pays de l’Union européenne qui a le taux le plus faible d’immigration. Sur le site de « L’Hétairie », Yves Léonard explique que l’immigration au Portugal « pose peu de problèmes et n’est considérée comme une menace par moins de 5% des Portugais. » « «L’épouvantail» de l’immigration ne fonctionne donc pas au Portugal, privant l’extrême-droite de son thème de prédilection », poursuit-il.

Si l’extrême-droite ne semble pas prête de s’installer  durablement au Portugal, pour la première fois depuis 1976, un député populiste a fait son entrée au Parlement. André Ventura, tête du mouvement « Chega ! » (« Ça suffit » en français), a basé sa campagne contre l’immigration et l’Union européenne. « On ne peut pas parler de percée de l’extrême-droite. André Ventura est entré au Parlement mais il ne pèse pas », souligne Bruno Cravo. « L’extrême-droite n’a pas de ressorts au Portugal. La droite dure est mal en point et même pendant la crise, l’extrême-droite ne s’est pas imposée », conclue-t-il.

 

 

Fanny Rocher

 

Indonésie : en Papouasie, la population fuit les émeutes

En Indonésie, la ville de Wamena a vu fuir plus de 16.000 de ses habitants, à la suite des émeutes meurtrières du mois de septembre, selon un décompte de l’armée indonésienne.

Près de 16.000 habitants ont quitté la ville indonésienne de Wamena, dans la province de Papouasie occidentale, après les émeutes mortelles ayant secoués la zone le mois dernier. Les évacuations se sont faites principalement à bord d’appareils militaires affrétés par les autorités.

L’armée de l’air indonésienne accueille les évacués de Wamena à l’aéroport de Jayapura. Crédit : Indra Thamrin Hatta / AFP

Près de 16.000 habitants ont quitté la ville indonésienne de Wamena, dans la province de Papouasie occidentale, après les émeutes mortelles ayant secoués la zone le mois dernier. Les évacuations se sont faites principalement à bord d’appareils militaires affrétés par les autorités, l’avion étant le principal moyen de transport dans cette province enclavée. Les évacués sont principalement des Indonésiens non Papous, les  individus les plus ciblés par les violences.

Des vagues de manifestations récurrentes depuis août

Depuis le 17 août dernier, jour où se fête habituellement l’indépendance de l’Indonésie, la Papouasie occidentale est le théâtre régulier de violentes protestations. C’est l’agression raciste d’étudiants papous à Surabaya, deuxième ville du pays, qui  a embrasé le pays. L’événement a mis en lumière la division entre les autochtones papous, en majorité chrétiens, et le reste de la population, à 90 % musulmane. Une scission culturelle qui a relancé les revendications autour d’un référendum pour l’indépendance de la Papouasie et provoqué de violences émeutes.

Le 23 septembre dernier, à Wamena, au moins 33 personnes ont perdu la vie lors des heurts. Selon les autorités locales, les victimes, principalement des migrants venus d’autres régions de l’archipel, auraient été brûlées vives dans des incendies volontaires ou poignardées à l’arme blanche. Près de 70 personnes ont été blessées

Syrie : l’offensive turque laisse craindre le retour de Daesh

La Turquie annonce ce lundi qu’une offensive visant une milice kurde dans le nord de la Syrie pourrait avoir lieu « à tout moment ». Les Kurdes syriens avertissent alors qu’une invasion militaire turque entraînerait une résurgence majeure du groupe jihadiste Etat islamique (EI). 

Une offensive turque pourrait être lancée à tout moment dans le nord de la Syrie, affirme ce lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan. « Il y a une phrase que nous répétons tout le temps : on pourrait entrer (en Syrie) n’importe quelle nuit sans prévenir. Il est absolument hors de question pour nous de tolérer plus longtemps les menaces provenant de ces groupes terroristes », déclare le chef d’Etat turc lors d’une conférence de presse.

La déclaration de Recep Tayyip Erdogan provoque une levée de boucliers au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui redoutent le retour de l’Etat islamique dans la zone après une telle offensive. Celle-ci annulerait des années de combats fructueux des FDS, alliance de combattants kurdes et arabes, contre l’EI et permettrait aux chefs de l’organisation encore en vie de sortir de leur cachette, expliquent les FDS dans un communiqué.

« La Turquie va continuer de se battre contre Daech (acronyme arabe de l’EI) et ne le laissera pas revenir, que ce soit sous une forme ou une autre », rétorque sur Twitter le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.

Les Nations Unies, elles, disent « se préparer au pire » en vue de cette invasion militaire. « Nous ne savons ce qui va se passer (…) Nous nous préparons au pire », déclare le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Syrie, Panos Moumtzis, lors d’une conférence de presse à Genève. L’ONU a un plan d’urgence pour répondre à de nouvelles souffrances des civils, mais « espère qu’il ne sera pas utilisé », ajoute-t-il.

Retrait des troupes américaines

Les Unités de protection du peuple ont été le fer de lance dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) avec l’appui des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, comme la France. Mais la Turquie considère les YPG comme un groupe « terroriste » en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Cette déclaration intervient après l’annonce, par la Maison Blanche, que les troupes américaines déployées en Syrie allaient se retirer de certaines zones afin de libérer la voie à une opération turque contre les YPG. Lundi,  les Forces démocratiques syriennes et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) confirment dans un communiqué le retrait des troupes.

Nettoyer la région des « terroristes » kurdes

La Turquie se dit déterminée à « nettoyer » le nord de la Syrie des « terroristes » qui menacent sa sécurité, déclare lundi son ministre des Affaires étrangères, après l’annonce par les Etats-Unis qu’ils ne s’opposeraient pas à une opération d’Ankara contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG).

La Turquie est « depuis le début de la guerre en Syrie, nous avons soutenu l’intégrité territoriale de la Syrie et nous continuerons de le faire. Nous sommes déterminés à protéger notre (…) sécurité en nettoyant cette région des terroristes », a déclaré le ministre des Affaires étrangères turques sur Twitter.

La Turquie est déjà intervenue deux fois en Syrie depuis trois ans. Sa première opération en 2016 visait l’EI et la deuxième les YPG en 2018.