Une adolescente malaisienne expose la culture du viol grâce à TikTok

Une adolescente est devenue l’emblème de la lutte contre le harcèlement à l’école en Malaisie. Suite à une vidéo publiée sur TikTok à propos d’un commentaire déplacé d’un professeur sur le viol, des milliers d’étudiants ont témoigné d’agressions verbales et physiques dans le milieu scolaire.

Rue étudiants Malaisie
Sur les 31 millions de malaisiens, l’âge médian est de 28 ans. © igorovsyannykov

« On ne peut pas laisser ce cycle de l’abus continuer dans nos écoles ». À 17 ans, Ain Husniza Saiful Nizam est à l’origine d’un déferlement de témoignages d’étudiants malaisiens sur les violences et le harcèlement qu’ils subissent. Publiée en avril, sa vidéo a déjà été vue 1,8 millions de fois sur TikTok, un réseau social prisé par les jeunes.

Filmée devant son miroir, elle raconte la mauvaise blague d’un professeur. En parlant des lois protégeant les mineurs des abus sexuels, il aurait conseillé aux jeunes garçons de choisir des femmes de plus de 18 ans, s’ils désiraient commettre un viol.

Ain Husniza Saiful Nizam TikTok
Capture d’écran de la vidéo virale d’Ain.

L’adolescente a initié depuis une campagne digitale intitulée #MakeSchoolASaferPlace sur TikTok, suite à l’essor du nombre de témoignages, dans le sillage du sien.

Menacée de viol à cause de sa vidéo

Le succès de sa vidéo sur les réseaux sociaux n’a pourtant pas été facile. Depuis, Ain subit de nombreuses attaques, dont des menaces de viol et un risque d’expulsion de son école.

Pourtant, la jeune femme souhaite « juste faire des écoles des lieux sûrs ». Si sa vidéo a été autant partagée, c’est parce qu’elle révèle selon elle les failles du système scolaire malaisien dans son ensemble.

Ain Husniza Saiful Nizam demande aujourd’hui une réforme urgente de l’éducation dans son pays, pour « aborder la culture toxique du harcèlement sexuel à l’école ».

 

Jean Cittone

 

En Birmanie, élèves et enseignants en grève contre la junte

Des centaines de milliers d’élèves et d’enseignants font grève ce mardi 1er juin contre la réouverture des écoles en Birmanie, pour protester contre la répression sanglante de la junte, au pouvoir depuis le putsch militaire du 1er février.

Université de Yangon
Université de Yangon, Mandalay Hall, en 2015. © CC judithbluepool

« Pas un seul de mes amis ne va en cours », relève à l’AFP un jeune Birman inscrit en anglais à Mawlamyine, ville du sud du pays théâtre d’une répression brutale des forces de sécurité en février. Comme lui, des centaines de milliers d’élèves et d’enseignants birmans ont boycotté ce mardi 1er juin la réouverture des écoles, défiant la junte.

Après un an de fermeture suite à la pandémie et quatre mois après le coup d’État qui a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi, l’école de Shwe Nadi (le prénom a été changé) peut enfin rouvrir ses portes à Rangoun, mais les classes sont vides et Shwe Nadi a été licenciée.

150 000 professeurs suspendus

Shwe Nadi a en effet refusé d’aller « enseigner de la propagande aux élèves ». L’institutrice a rejoint la vaste campagne de désobéissance civile contre le nouveau régime militaire, qui a pris le pouvoir par la force, mettant fin à dix ans d’expérience démocratique.

Comme elle, quelque 150 000 professeurs, soit près d’un tiers des effectifs, ont été suspendus par la junte. Certains ont été inculpés en vertu d’une loi qui interdit d’encourager la mutinerie.

Jean Cittone

Mali : le nouveau coup d’Etat d’Assimi Goïta met la France face à ses contradictions

En prenant le pouvoir par la force, l’homme fort de la junte malienne profite des égarements de la diplomatie française, ayant adoubé le fils d’Idriss Déby au Tchad un mois plus tôt. Une situation dont pourraient également profiter d’autres puissances étrangères, comme la Russie.

Le général Assimi Goïta lors d’une conférence de presse. @ Capture d’écran d’une conférence de presse

« Je condamne avec la plus grande fermeté ce coup de force qui s’est déroulé hier au Mali », affirmait Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères français devant l’Assemblée Nationale le 25 mai, au lendemain du putsch militaire qui a secoué le pays. En tournée en Afrique la semaine dernière, le président de la République s’est dit prêt à « prendre des sanctions ciblées sur les protagonistes ».

Cet énième coup de force – le deuxième en moins d’un an – vient mettre à mal la légitimité du processus de transition démocratique, engagé suite au coup d’Etat ayant contraint Ibrahim Boubacar Keita (dit « IBK ») à la démission, le 18 août 2020. Dans un communiqué, la diplomatie française dit partager « la priorité absolue accordée par la CEDEAO [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] à l’organisation de l’élection présidentielle au 27 février 2022 ».

Deux poids, deux mesures

Suite à un remaniement ministériel qui exclut deux de ses collaborateurs, le général Assimi Goïta – déjà responsable du coup d’Etat ayant fait tomber « IBK » – ordonne l’arrestation du président du gouvernement de transition Bah N’Daw et de son Premier ministre Moctar Ouane, le 24 mai. Les deux hommes seront relâchés deux jours plus tard, après avoir annoncé leur démission. Le 28 mai, Assimi Goïta prend officiellement la tête du gouvernement, confortant son statut d’homme fort du pays.

« La France est très embêtée par cette affaire. Elle ne cautionne pas cette situation, affirme Benjamin Roger, journaliste à Jeune Afrique et spécialiste de la région du Sahel. L’entourage du président de la République répétait dernièrement que le processus de transition avançait bien au Mali, tant sur le plan politique que militaire. Au final, ils se retrouvent avec un nouveau putsh, et Assimi Goïta au pouvoir, dont ils se méfiaient déjà. »

Une attitude diamétralement opposée à celle affichée lors du passage de flambeau au Tchad. Après la mort du président Idriss Déby en avril 2021 – dans des circonstances encore troubles -, son fils Mahamat Idriss Déby prend la tête du conseil militaire de transition, avec l’accord tacite de la France. « On est dans un cas typique de realpolitik, estime Benjamin Roger. Quitte à renier quelques principes, la France a considéré qu’elle avait intérêt à soutenir les Tchadiens dans la configuration actuelle ».

Le Tchad reste en effet une pièce maîtresse de la guerre contre les mouvements djihadistes dans la région. Le soutien de son armée a été crucial dans le succès de l’opération militaire qui a défait la rébellion menée par milices islamistes dans l’Azawad, au nord du Mali, en 2013. Pour Thomas Dietrich, ancien haut fonctionnaire et spécialiste des relations entre la France et les États Africains, la démarche française au Tchad n’a pas laissé de place au doute. « Nous aurions pu soutenir le président de l’Assemblée nationale tchadienne tel que c’était prévu par la constitution, mais nous avons préféré nous ranger derrière le fils de Déby. »

« Syndrome de Fachoda »

L’énième coup de force d’Assimi Goïta renvoie donc la France à ses contradictions, accentuées par le court laps de temps qui sépare la mort d’Idriss Déby et le coup d’Etat au Mali. Pour faire pression sur la junte, Emmanuel Macron a d’ailleurs menacé de retirer les troupes françaises de la région si Bamako « va dans le sens » de « l’islamisme radical ». Pour Wassim Nasr, journaliste spécialisé dans les mouvements djihadistes au Maghreb et au Sahel, ces déclarations sont à relier à « l’éventuelle étendue des concessions que pourrait faire Bamako au JNIM [Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une organisation terroriste au Mali] ».

Pour Thomas Dietrich, le poing sur la table du président de la République symbolise « une diplomatie du mégaphone vouée à l’echec ». Même son de cloche pour Benjamin Roger, qui estime que l’opération Barkhane était déjà en phase d’évaluation par l’exécutif. « La France ne retirera jamais toutes ses troupes de la région, mais une réduction d’effectifs était effectivement dans les clous depuis quelques années déjà », affirme-t-il.

Ce genre d’ultimatum n’est pas sans risque : bousculant les acteurs locaux, la diplomatie française peut les pousser dans les bras des puissances étrangères lorgnant sur la région. Déjà présente en Centrafrique voisine pour combattre la rébellion qui menace le président Faustin-Archange Touadéra, la Russie est réputée proche de Sadio Camara, l’un des deux militaires écartés dans le dernier remaniement ministériel au Mali. Une manifestation avait d’ailleurs lieu le 27 mai à Bamako devant l’ambassade de la Russie, afin de soutenir les putchistes et réclamer que Moscou supplante Paris au Mali.

Un constat à nuancer pour Thomas Dietrich. « La France est dans un syndrome de Fachoda, sauf que cette fois-ci on ne lutte plus contre les Anglais, mais contre les Russes, analyse-t-il. Il n’y a pas de plan russe pour remplacer la France au Sahel, mais on attribue aux russes les propres défaillances de notre diplomatie. » De plus en plus actives dans la région – militairement ou simplement économiquement – la Russie, la Chine et la Turquie sont en embuscade de Paris afin de faire valoir leurs intérêts. Reste à savoir si la diplomatie française saura s’adapter à cette nouvelle donne géopolitique.

Mehdi Laghrari

Décryptage : les municipales au Mexique sont-elles un danger pour la démocratie ?

Dans moins d’une semaine, les élections municipales débuteront au Mexique, alors que 34 candidats ont déjà été assassinés par des bandes criminelles qui cherchent à maintenir leurs alliances. 

34 candidats aux municipales au Mexique ont été assassinés par des bandes criminelles. © Pixabay

Menaces, enlèvements, assassinats… Les élections municipales qui auront lieu le 6 juin prochain au Mexique font l’objet de violences répétées. Les cartels de la drogue sont soupçonnés d’être derrière la mort d’au moins 34 candidats, pour influencer les votes.

Dernier en date, Abel Murrieta, candidat à la mairie de Cajeme, gangrenée par le narcotrafic, a été assassiné le jeudi 13 mai, dans une rue fréquentée et en plein jour. Cet avocat de 58 ans, candidat au parti Movimiento Ciudadano, promettait d’affronter les mafias locales et l’affirmait dans son slogan de campagne: « Je n’ai pas peur ! »

« Le crime organisé essaie d’influer sur le cours de ces élections »

Entre le 7 septembre 2020 et le 30 avril 2021, l’étude Etellekt a compté 71 menaces envers des politiques mexicains et 61 homicides intentionnels. Ces attaques sont perpétuées par des groupes criminels locaux qui cherchent à placer au pouvoir des candidats qui leur sont favorables. « Le crime organisé essaie d’influer sur le cours de ces élections », a déclaré la ministre de la sécurité, Rosa Icela Rodriguez.

Si les élus sont remplacés, les narcotrafiquants seront obligés de renégocier les pactes qu’ils ont déjà établis. Les bandes criminelles à l’origine des menaces et exécutions au Mexique ne cherchent pas nécessairement à imposer leurs candidats, mais à maintenir ceux avec lesquels ils ont des accords, qui leur sont profitables.

« Les pouvoirs criminels locaux ont bâti leur pouvoir sur ce qu’on appelle des pactes avec les autorités locales »

Les assassinats de candidats aux municipales sont devenus une pratique courante depuis les années 2000. « Les courbes sont en hausse, de plus en plus de candidats se font tuer », affirme Jean Rivelois, chercheur et spécialiste des narcotrafiquants au Mexique. En 2018, 152 politiciens se sont fait assassiner dont 48 candidats. 18 autres ont déjà annoncé leur retrait des élections depuis le début de l’année.

Une pratique qui s’explique par un basculement dans le régime de domination entre le pouvoir et les cartels. « Avant, dès la fin des années 70, il y avait une connivence entre les acteurs politiques, les policiers et les criminels, mais le pouvoir politique restait dominant. Maintenant, c’est le pouvoir criminel qui a pris le dessus », indique Jean Rivelois.

Les exécutions ont de plus en plus un coté macabre selon le chercheur qui met en évidence une nouvelle pratique, selon lui héritée des djihadistes du Moyen-Orient : «Ils cherchent à instiller la terreur parmi la population en décapitant et en démembrant des corps, en placardant des affiches avec des inscriptions. Ils visent à rendre leurs exécutions spectaculaires .» 

Une protection rapprochée limitée

Face aux attaques fréquentes que subissent les candidats aux municipales, la police a mis en place un service de protection rapprochée avec la police fédérale, moins corrompue que les polices municipales et régionales. Le programme, mis en place depuis mars dernier seulement, a été initié par le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, surnommé AMLO.

« Le programme reste très limité, explique Jean Rivelois. Le problème, c’est que la police est très corrompue au niveau local. Ils n’ont pas le choix, sinon, ils sont assassinés. »

« C’est un pays qui vit dans la terreur »

Ce régime de terreur constante constitue une menace pour la démocratie représentative qui ne peut plus fonctionner correctement. « Il y a moins de motivation à se porter candidat, tout le monde à peur. C’est un pays qui vit dans la terreur », selon Jean Rivelois. Pessimiste, il assure que des changements ne seront pas visibles avant dix ou vingt ans, malgré les efforts du gouvernement actuel.

« Le risque, c’est que la population en ait marre, appelle les militaires au pouvoir et abandonne la démocratie », s’inquiète le spécialiste.

Lise Cloix