« La Russie a décidé de passer une étape dans l’escalade« , a déclaré ce matin Emmanuel Macron au micro de BFM-TV, dans l’avion présidentiel de retour de New York. Alors qu’elle « avait une économie qui s’était intégrée ces dernières années […] Elle est en train de s’isoler sur le plan diplomatique », a-t-il poursuivi, évoquant les distances prises par la Chine et l’Inde vis-à-vis du Kremlin ces derniers jours.
« Moyen de faire pression »
Cette intervention fait suite à celle de Vladimir Poutine, qui a déclaré hier vouloir « mobiliser la population générale » dans le conflit en Ukraine. Elle intervient dans un contexte d’une percée, depuis début-septembre, des troupes ukrainiennes dans des régions contrôlées jusqu’ici par l’armée russe, à l’est et au Sud du pays. Le chef du Kremlin avait ajouté à cette occasion, au lendemain de l’annonce de l’organisation prochaine de référendums sur le rattachement des territoires ukrainiens occupés à la Russie, qu’il n’hésiterait pas à utiliser l’arme nucléaire contre l’occident, qu’il accuse de vouloir « détruire la Russie ». Pour Emmanuel Macron, ces déclarations sont « un moyen de faire pression dans un moment difficile de cette guerre ».
« Dans ce contexte là je pense que notre devoir c’est de tenir notre ligne, c’est-à-dire d’aider l’Ukraine comme on le fait. » Le président a néanmoins affirmé que la France n’était « pas en guerre avec la Russie » et qu’il tentait actuellement « de convaincre les autres pays […] d’accroître les pressions » sur le pays, en guerre depuis bientôt sept mois avec son voisin ukrainien.
Ce mercredi matin, Vladimir Poutine a annoncé la mobilisation militaire partielle en Russie. Simultanément, son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a déclaré que l’armée russe avait perdu 5.937 soldats depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Pour Vladimir Poutine, l’enjeu est désormais de garder la confiance et la détermination de son peuple.
Vladimir Poutine accompagné à gauche de son ministre de la Défense, Sergeï Choïgou, le 6 septembre dernier. Photo AFP.
Près de 6.000 vies perdues, un bilan conséquent, et pourtant, bien en deçà des précédents décomptes réalisés par les organismes internationaux présents sur place et l’Ukraine. De quoi cependant, répondre aux questions de la population russe, et justifier la mobilisation de 300.000 réservistes. Avec cette « opération spéciale » en Ukraine, Vladimir Poutine marche sur des œufs vis-à-vis de son peuple. L’enjeu majeur est celui de la communication au sein de son pays, pour faire accepter l’envoi d’hommes supplémentaires. Selon Gaël Guichard, anciennement cheffe d’équipe pour l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) en Ukraine, « Moscou mène en permanence une guerre de l’information visant à perpétuer dans la population russe la croyance selon laquelle l’opération spéciale est justifiée ». Après sept mois d’offensive russe en Ukraine pour soit-disant « protéger » les habitants du Donbass, « la Russie n’a atteint aucun de ses objectifs ».
Dans son discours prononcé mercredi matin – retardé d’ailleurs de 12 heures – le Président russe a longuement fustigé l’Occident, l’accusant d’avoir « dépassé toutes les limites dans sa politique agressive » et de réaliser un « chantage nucléaire » à la Russie. « Il fallait au moins ça pour justifier l’envoi de 300.000 réservistes, alors que le Kremlin refuse toujours le terme de « guerre » et que la Russie est censée avoir une armée professionnelle surentrainée », argumente Valentyna Dymytrova, maîtresse de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’Université Lyon III, spécialiste de l’Ukraine. C’est donc un bon moyen pour Vladimir Poutine de se justifier auprès de sa population : l’ennemi serait de plus en plus menaçant, il faudrait donc augmenter les effectifs.
Une mobilisation en demi-teinte
Le discours de Sergueï Choïgou est aussi parfaitement réfléchi : « annoncer aujourd’hui même un premier bilan des pertes russes, permet de faire croire à la population que le Kremlin est honnête, et donc de motiver le recours à la mobilisation, alors même qu’il y a une minimisation des pertes », explique Gaël Guichard. « Poutine doit faire attention à ce que ses discours tiennent la route, alors que la population n’est pas très encline à se mobiliser pour cette « opération spéciale », notamment dans les grandes villes » ajoute Valentyna Dymytrova.
La police russe arrête un manifestant ce mercredi 21 septembre à Novosibirk, la troisième ville de Russie. L’homme manifestait contre la mobilisation partielle annoncée par Vladimir Poutine dans la journée. Photo AFP.)
Malgré cette propagande millimétrée, Vladimir Poutine préfère assurer ses arrières en interdisant la vente de billets d’avion par les compagnies aériennes aux hommes en âge d’être mobilisés. Suite à son annonce en effet, les billets d’avion avaient été pris d’assaut par de nombreux Russes pour fuir le pays, comme l’ont constaté plusieurs journalistes sur place.
D’après le moteur de recherche de vols @aviasales il n’y a plus de vols secs pour quitter la Russie en direction de Erevan, Istanbul, Tbilissi… Destinations favorites des Russes qui fuient le pays. Conséquence probable de l’annonce de la mobilisation partielle. https://t.co/bOGa8Qb7oC
Si la communication du Kremlin est plus que soignée, un plan de secours a donc été mis en place pour empêcher la fuite de ceux qui ne seraient pas convaincu par le discours officiel ou qui ne voudraient pas se mobiliser.
« Une période charnière »
Les référendums d’annexion à la Russie, annoncés mardi dans les territoires séparatistes ukrainiens, ont le même objectif. « Ces référendums illégaux n’ont pas pour but de prouver quoi que ce soit à la communauté internationale, a déclaré la professeure. Cependant, ils aident Vladimir Poutine à justifier son intervention aux yeux des Russes. » La même méthode avait d’ailleurs déjà été utilisée pour l’annexion de la Crimée en 2014. Ces référendums pourraient également être l’occasion pour la Russie de faire entrer officiellement dans leur armée, les ukrainiens séparatistes passés sous leur égide, de quoi renflouer les troupes.
« Nous sommes actuellement dans une période charnière de la guerre en Ukraine, conclut Valentyna Dymytrova . Face à la contre-offensive ukrainienne, la Russie est obligée de se repositionner pour entamer une nouvelle stratégie. En conséquent, Vladimir Poutine doit trouver des moyens de se justifier auprès de sa population, c’est ce à quoi nous assistons depuis mardi. »
Du 18 au 22 septembre, les acteurs mondiaux d’astronautique sont réunis au Paris Convention Centre. Plus de 72 pays sont représentés. En raison de la guerre en Ukraine, la Russie n’est pas présente. Le conflit a redistribué les cartes du secteur spatial, qui a dû s’adapter.
C’est le plus grand rassemblement international sur le thème de l’espace. Mercredi 21 septembre, des centaines de personnes affluent au Congrès international d’astronautique pour profiter de la seule journée ouverte au grand public. Étudiants, enfants, passionnés d’espace et professionnels se croisent dans les allées du Paris Convention Centre. Pour cette 73e édition, organisée par le Centre national d’études spatiales (Cnes), 250 exposants sont venus du monde entier. La Nasa, l’Agence spatiale européenne, Airbus ou encore Safran sont représentés, comme de nombreuses entreprises et agences spatiales. Grande absente cette année : la Russie.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, l’agence spatiale russe, Roscosmos, a cessé de collaborer avec les autres nations. Elle a par exemple retiré dès les 26 et 27 février tout son personnel de la base spatiale de Kourou, en Guyane française. « Ça a eu un impact important sur nos projets », explique à Celsalab Mary Walmsley, du service communication de la branche « Défense et espace » d’Airbus.
Les lanceurs SpaceX et Ariane en remplacement
Avant le conflit, le lanceur spatial russe Soyouz était le plus utilisé pour les missions dans l’espace. « Mais les lanceurs russes ont cessé de fonctionner, ajoute Mary Walmsley. Il a fallu trouver d’autres solutions et reprogrammer des lancements. » Elle précise qu’aujourd’hui, les lanceurs les plus plébiscités sont le français Ariane et l’américain SpaceX, détenu par l’entrepreneur Elon Musk.
Certaines missions ont pu être reportées. Début mars 2022, Soyouz devait envoyer 36 satellites internet de OneWeb. Un envoi annulé et confié à SpaceX, en mars. « Ces reports entraînent des embouteillages », regrette Mary Walmsley, et plusieurs projets sont à l’arrêt. C’est le cas du programme euro-russe ExoMars. Il doit déposer un robot européen sur Mars. « Il devait partir au mois d’octobre mais il a dû être annulé. On ne sait toujours pas quand le lancement aura lieu. »
Trouver des alternatives
L’approvisionnement est lui-aussi rendu difficile par le conflit en Ukraine. Jordan Tromme est responsable développement de la start-up germano-luxembourgeoise SPiN (Space products and innovation). L’entreprise travaille à la conception de produits spatiaux innovants. « Notre plus grosse difficulté liée à la guerre, c’est l’approvisionnement en composants électroniques », explique Jordan Tromme à une journaliste de Celsalab. L’entreprise se fournit en partie en Ukraine. Le conflit sur place rend la livraison plus longue et incertaine. « On fait un maximum de commandes groupées pour réduire les délais de livraison, mais elle reste très perturbé. »
« La Russie a toujours été un voisin difficile», admet pour Celsalab Szymon Grych, de Polsa, l’agence spatiale polonaise. Il reste positif malgré la situation : « Cela nous permet de nous concentrer sur nos partenaires européens. On développe nos capacités et on se détache encore plus de la Russie. » Mary Walmsley, d’Airbus, espère que la guerre prendra rapidement fin, mais elle relativise. « Plus elle dure, plus on trouve des alternatives. Ce sera de plus en plus dur pour la Russie de revenir après la guerre. »
Après Londres et Berlin, c’est au tour de Kiev de réagir à l’allocution de Vladimir Poutine. Le président ukrainien refute les déclarations de son homologue russe, refusant de croire que Poutine serait en mesure d’utiliser l’arme nucléaire.
Volodymyr Zelensky ne « croit pas » à l’utilisation d’armes nucléaires par Moscou dans la guerre en Ukraine, a-t-il déclaré mercredi dans une interview à la chaîne allemande Bild TV, après que Vladimir Poutine a agité cette menace dans un discours. « Je ne crois pas que ces armes seront utilisées. Je ne crois pas que le monde laissera faire », a affirmé le chef de l’Etat ukrainien selon des extraits de cette interview.
Ce mercredi, Vladimir Poutine a franchi une nouvelle étape en annonçant être enclin à utiliser l’arme nucléaire, ajoutant qu’il ne s’agissait pas de « bluff », mais de menaces réelles. »300.000 réservistes seront appelés » pour renforcer les effectifs déjà présents en Ukraine, a annoncé le ministre de la Défense Sergueï Choïgou.
La réponse des chefs d’Etat
Son homologue britannique, Ben Wallace, a qualifié ces propos d' »aveu de l’échec de son invasion ». D’après lui, Vladimir Poutine a « rompu sa propre promesse de ne pas mobiliser une partie de sa population ». Pour Robert Habeck, vice-chancelier allemand, il s’agit d' »une étape grave et mauvaise » dans le déroulé de la guerre en Ukraine.