Alex Fava, escrimeur professionnel et « chargé de com’ »

Aujourd’hui employé dans une banque, l’escrimeur Alex Fava a réussi l’exploit d’entrer dans une grande école de commerce tout en poursuivant la compétition à haut niveau. Un cas original dans le sport français. La faute, selon l’athlète de 28 ans, à un système au bord du gouffre.

Alex Fava fait partie des 100 meilleurs épéistes (une catégorie d’escrime) au monde et vise l’or olympique en 2020. Pourtant, lorsque l’on tape son nom sur Internet, la première chose que l’on apprend de lui n’est pas qu’il pratique l’escrime à très haut niveau. Mais plutôt qu’il est chargé de communication chez la banque populaire BRED. « Les gens pensent qu’on (les athlètes de haut niveau, ndlr) roule tous sur l’or, ou qu’on trouve un travail dans le sport une fois notre carrière terminée. Ce n’est ni l’un ni l’autre pour moi », tranche le jeune brun.

Un OVNI dans le sport professionnel

En France, selon lui, un seul escrimeur, médaillé olympique, arrive à vivre de son sport. « Son club le rémunère bien parce qu’il est plus connu, et il a des sponsors. » Tous les autres doivent se débrouiller. « Le plus jeune du groupe France ne reçoit rien de son club. Et comme il est étudiant, il ne gagne pas d’argent. Personnellement, je ne toucherais pas assez pour vivre sans mon emploi. »

Car si Alex Fava a réussi à décrocher un travail dans le secteur bancaire, il fait plutôt figure d’OVNI dans un monde du sport de haut niveau très chronophage et exigeant mentalement. « [Les sportifs] ne sont en général intégrés ni dans un lien de travail salarié, ni dans un lien de travail indépendant », alarmait le rapport Karaquillo, qui a servi de base à la rédaction de la loi Braillard sur le sport de haut niveau en 2015.

« J’ai pris conscience très jeune que l’escrime ne me suffirait pas pour vivre, affirme le Montpelliérain d’origine. Celui qui tourne actuellement autour de la 90e place mondiale en épée choisit donc très tôt de faire cohabiter escrime et parcours professionnel. Une double casquette qu’il a toujours conservée, jusqu’à aujourd’hui.

L'épéiste Alex Fava en pleine attaque lors d'une compétition internationale. Crédits Alex Fava
L’épéiste Alex Fava en pleine attaque lors d’une compétition internationale. Crédits Alex Fava

Si chères études

Au CREPS (centre d’accompagnement d’athlètes de haut niveau, ndlr) de Reims, l’épéiste navigue donc entre ses entraînements et ses cours à la fac. Une année en économie, puis trois ans de droit, grâce à des aménagements horaires. Sans jamais ressentir le besoin d’abandonner une voie. « Evidemment, ce n’est pas facile d’être sur deux fronts en même temps, surtout quand l’un te demande beaucoup d’énergie. Mais j’ai même dû travailler en tant que surveillant de mon internat pour me faire des sous ! »

2011 est un tournant pour lui. Il intègre le fameux Insep (Institut national du sport et de la performance) à Paris, le temple du sport du haut niveau. Son avenir sportif s’éclaircit. Mais toujours pas question pour lui de se focaliser sur les sommets de l’escrime. « Après ma licence de droit, j’ai fait 2 ans en communication-journalisme, puis j’ai réussi le concours d’une grande école de commerce, l’ESCP. J’ai suivi la formation classique, comme tout le monde, mais je devais négocier avec mes professeurs et mes entraîneurs pour partir plus tôt de cours. »

Négocier un CDD

Aujourd’hui, Alex Fava a donc décroché un emploi à la BRED. Mais, lui qui s’estimait pourtant « assuré de trouver un travail grâce à la réputation de [s]on école », a plus « galéré » que ses camarades de promotion. « De janvier à octobre, je n’avais rien. Le problème, quand on est sportif de haut niveau, c’est qu’il faut convaincre un employeur de nous embaucher alors qu’on part tout le temps en compétition, qu’on a besoin d’horaires aménagés, qu’on risque de se blesser … De plus, mon contrat ne dure qu’un an, je ne sais pas si je vais être reconduit. »

Si le n°2 français en épée a réussi à convaincre la BRED de le recruter, il ne le doit qu’à lui-même : il n’a pas bénéficié des dispositifs d’accès à l’emploi pourtant inscrits dans la loi Braillard. Pour cause de mauvais résultats sportifs, il a été retiré l’an dernier des listes favorisant l’insertion à l’emploi pour les SHN. Le principe : les fédérations sélectionnent certains athlètes, qui pourront profiter de contrats de travail, les CIP (Convention d’insertion professionnelle), plus favorables – travailler à temps partiel pour pouvoir pratiquer son sport, tout en étant rémunéré à temps plein. C’est grâce à ce dispositif qu’il avait obtenu son premier CIP au Crédit agricole, il y a deux ans.

Une jeunesse livrée à elle-même

Mais les places pour ces fameuses listes seraient, selon Alex Fava, désormais très chères. « En raison de contraintes budgétaires, le Ministère des sports est en train de limiter le nombre de candidats sélectionnés. J’en suis l’exemple concret. Comment va-t-on convaincre nos jeunes de devenir sportifs de haut niveau si on leur ferme la porte à une stabilité financière? »

Le problème, pour lui : « Le Ministère force les jeunes à faire des études, mais pas à trouver un travail. » Le fameux « double projet » à la française, qui oblige les meilleurs jeunes sportifs à combiner la pratique de leur sport avec la poursuite de leurs études, est dans son viseur. « La plupart ne sont focalisés que sur leur rêve sportif. On ne peut pas rivaliser avec les escrimeurs italiens ou coréens. Eux sont payés par leur fédération pour faire leur sport. Ils vivent de l’escrime parce que c’est leur métier. Pas nous. »

Douglas De Graaf

Jeunes sportifs de haut niveau, salaires de bas niveau

En France, les jeunes athlètes de haut niveau doivent suivre des études tout en pratiquant leur sport de façon intensive. Des conditions délicates pour trouver un futur emploi. La loi Braillard en 2015 a tenté d’apporter des solutions pour régler ce problème, mais certains doutent de son efficacité.

 

Près de la moitié. C’est la part de sportifs professionnels ou sportifs de haut niveau (SHN) qui gagnent moins de 500€ par mois. Bien loin de l’image des sportifs aux salaires mirobolants et aux contrats d’image démesurés, la réalité du sport de haut niveau en France est beaucoup moins mirifique.

Le symbole : en août, le journaliste Patrick Montel révèle en direct sur France 2 la situation précaire de Mamadou Kassé Hann. Le meilleur spécialiste français du 400m haies est sans emploi, en plein transfert du footballeur Neymar au PSG, contre 222 millions d’euros et un salaire de 36 millions d’euros par an. Un exemple qui fait écho à d’autres, comme celui de sportifs obligés de recourir à un appel aux dons pour financer leur participation aux JO de 2016, faute de travail ou de rémunération suffisante.

L'athlète français Mamadou Kassé Hann. Crédits Marie-Lan Nguyen Wikimedia Commons
L’athlète français Mamadou Kassé Hann. Crédits Marie-Lan Nguyen Wikimedia Commons

Un « double projet » souvent négligé

Des études menées par des syndicats ou des fédérations sportifs confirment cette impression. Selon le rapport Karaquillo sur le sport de haut niveau en 2015, 75% des anciens basketteurs n’ont pu utiliser leurs droits à la formation professionnelle, afin de financer leur insertion sur le marché du travail après leur carrière. De même, 57 % des coureurs cyclistes professionnels français en activité affirmaient en 2012 ne pas avoir de projet professionnel.

En cause : les jeunes sportifs, qui rêvent d’accéder aux sommets, se focalisent sur leur discipline en négligeant les études. La pratique d’une activité physique intense et chronophage ne permet pas non plus à des jeunes d’étudier dans les mêmes conditions que les autres. Alors même que « le nombre de sportifs en formation qui parviennent à accéder au haut niveau demeure infime », comme l’affirme Jean-Pierre Karaquillo dans le rapport.

Une grande majorité de jeunes athlètes, n’ayant pas réussi à percer dans le sport, se retrouve ainsi sans qualifications pour trouver un emploi. Une situation étonnante au vu de la législation du sport français, qui oblige les jeunes SHN à poursuivre un « double projet ». En clair : à pratiquer leur sport intensivement tout en suivant des études. L’Insep (Institut national du sport et de la performance) et les CREPS (centres d’entraînement nationaux), notamment, disposent ainsi de conventions avec des universités pour y intégrer leurs sportifs dans des cursus. 60% des sportifs professionnels ou de haut niveau en France sont ainsi en formation.

Des membres de l'équipe de France de tae-kwondo s'entraînent à l'Insep. Crédits Alain Bachelier Flickr.
Des membres de l’équipe de France de tae-kwondo s’entraînent à l’Insep. Crédits Alain Bachelier Flickr.

Sportifs absentéistes recherchent travail

Mais même en ayant achevé son cursus universitaire, le jeune sportif professionnel (salarié par un club pour exercer son activité sportive) ou de haut niveau (pas nécessairement rémunéré) n’est pas non plus un « employable » classique. La pratique intense de son sport l’empêche d’avoir des horaires réguliers pour travailler. Il doit aussi souvent s’absenter lors des périodes de compétition. Enfin, le risque d’indisponibilité lié à des blessures est beaucoup plus fréquent. Autant de caractéristiques susceptibles d’effrayer un employeur.

A lire aussi sur la reconversion de carrière : Thomas Poitrenaud : « Avoir été sportif de haut niveau, c’est avoir l’esprit d’équipe pour les entreprises »

En 2014, le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, annonce vouloir se saisir du problème. « À l’exception de quelques sportifs bénéficiant d’une forte exposition médiatique, les futurs membres des équipes de France ne perçoivent pas de revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins », déclarait-il. Le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, commande alors un rapport pour tenter d’apporter des solutions.

 

Hélène Lefebvre, championne de France d'aviron. Crédits département du Val-de-Marne.
Hélène Lefebvre, championne de France d’aviron. Crédits département du Val-de-Marne.

Une loi ambitieuse

Le rapport Karaquillo, qui se fonde sur une étude approfondie de la situation financière des sportifs de haut niveau, présente différentes pistes pour améliorer les formations des SHN, allouer des ressources financières, sécuriser leur situation professionnelle … Les préconisations en direction des jeunes sportifs insistaient sur la nécessité de mieux préparer leur avenir professionnel et de faciliter leur futur accès à l’emploi. La plupart ont été adoptées en 2015 dans la loi Braillard sur le sport de haut niveau.

Au niveau des études, tout d’abord, pas question d’abandonner le fameux « double projet » à la française. Il s’agit plutôt d’améliorer le dispositif. Les fédérations et clubs professionnels doivent maintenant assurer le suivi d’orientation de leurs athlètes, en créant par exemple des postes de référent professionnel. Parmi les autres mesures : davantage de conventions avec des formations universitaires proposant des aménagements, via la reconnaissance pour les jeunes SHN d’un statut similaire aux étudiants salariés. Enfin, il y aura plus de dérogations aux conditions d’accès à certaines formations, ou des exemptions de concours.

Une fois les études terminées, il convenait aussi de faire tomber les difficultés auxquelles les athlètes font face pour trouver un emploi. La mesure phare : la généralisation des CIP (Conventions d’insertion professionnelle), ces contrats de travail qui permettent aux athlètes de travailler à temps partiel tout en étant rémunérés à temps plein. Du côté des clubs professionnels, le CDD « sport » remplace le CDD « d’usage », supposément moins précaire : la durée du contrat ne peut pas être inférieure à la durée d’une saison sportive, et les clubs doivent assurer le suivi professionnel de leurs sportifs.

A lire sur la mise en pratique du « double projet » : Alex Fava, escrimeur professionnel et chargé de com’

Les sportifs mis de côté

Ces mesures ont suscité beaucoup d’espoir chez les athlètes de haut niveau. S’il est encore trop tôt pour juger de leur efficacité, certains spécialistes regrettent que la loi ne serve pas l’intérêt des sportifs. Sur le site Theconversation.fr, Sébastien Fleuriet, professeur de sociologie à l’Université Lille 1, affirme que le rapport Karaquillo aurait en fait été commandé pour satisfaire les clubs professionnels, réticents à voir le CDI gagner du terrain face au « CDD d’usage ».

« Un article [de la loi] vient consacrer la naissance d’un nouveau type de contrat, le contrat à durée déterminée … « spécifique », (…) imitant en tout point le CDD d’usage et venant le remplacer de manière parfaitement légale. cette loi n’a donc guère pour vocation effective d’améliorer le sort des sportifs de haut niveau. Il s’agit plutôt de conforter les employeurs du monde sportif dans leur stratégie du tout CDD. »

Même son de cloche chez l’avocate spécialisée dans le sport Tatiana Vassine, qui regrette aussi des avancées limitées à un petit nombre. « La loi a permis à environ 150 athlètes de bénéficier du Pacte de performance (dispositif mis en place par l’Etat en 2014 pour inciter certaines entreprises à embaucher des athlètes, ndlr). Certes, ce n’est pas rien, mais par rapport au nombre des sportifs, cela ne règle pas le problème. »

De surcroît, la loi n’aurait pas réglé le problème de la disponibilité variable des athlètes. « Seules les entreprises entrant dans le cadre du Pacte de performance sont concernées par cette problématique. Les aides d’Etat peuvent se montrer incitatives pour embaucher. Mais la réalité, c’est que la plupart de mes clients non professionnels sont toujours confortés à une précarité importante, et ont de grandes difficultés à mêler vie sportive et professionnelle. »

Douglas De Graaf

Thomas Poitrenaud : « avoir été sportif de haut niveau, c’est avoir l’esprit d’équipe pour les entreprises »

Crédit photo : Laurent Dard
Crédit photo : Laurent Dard

La reconversion est une période délicate dans la vie d’un sportif de haut niveau. Surtout lorsqu’elle arrive prématurément. Thomas Poitrenaud, ancien joueur au Tarbes Pyrénées Rugby, a dû mettre fin à sa carrière à 29 ans, après une blessure au genou. Il nous raconte comment il est passé du terrain aux bureaux d’une entreprise d’événementiel.

 

Vous avez vécu deux blessures successives au genou, et avez décidé de mettre fin à votre carrière. Étiez-vous paré à cette éventualité  ?

Je n’irais pas jusque-là. Mais parallèlement à ma carrière, j’avais continué mes études assez longuement, j’avais fait un master 2 en génie civile et infrastructures, et ensuite une école de commerce. J’avais donc un bagage universitaire correct. J’avais décidé de continuer mes études surtout parce que, de toute façon, une carrière de rugbyman est courte. Même dans le meilleur des cas, à 32 ou 33 ans, il faut basculer vers autre chose. En l’occurrence, la blessure on sait que ça peut aussi mettre un terme prématuré à une carrière. C’était un peu en prévision des deux cas. Je savais que ça allait me servir à un moment donné.

Je me suis rendu compte à ce moment-là des bienfaits d’avoir poursuivi mes études. Sans ce bagage-là, j’aurais été beaucoup plus en stress et inquiet.

Comment avez-vous vécu cette transition entre le terrain et la reconversion ?

Il y a eu plusieurs phases. Au début, il a fallu faire le deuil du rugby, ce qui n’a pas été évidence, parce que j’ai arrêté un peu « salement » : sur une blessure, à trois matchs de la fin d’une saison où en plus le club descendait, pour des raisons financières. Du jour au lendemain, vous vous retrouvez un peu tout seul, vous êtes à la recherche d’un club, mais vous n’avez plus de genou, vous y croyez sans trop y croire. Vous n’avez plus de contact avec le milieu du rugby. Mais ça fait aussi partie du jeu. Quand on n’est plus dedans, on n’est plus dedans, c’est comme ça.

Après, on commence à se projeter un peu vers la suite. Il fallait bien passer à autre chose. Des projets ont commencé à se concrétiser. Je me suis projeté sur ma recherche d’emploi. Ce s’est fait naturellement finalement, il n’y a pas eu de déclic, où je me suis dit, « ça y est, c’est derrière moi ». Aujourd’hui, ça me manque encore. Mais maintenant, je le vois sans tristesse. Je suis content de regarder mais anciens potes jouer, je n’ai pas de regret, d’aigreur.

Après deux blessures au genou, Thomas Poitrenaud a dû abandonner sa carrière de rugbyman.

Une fois votre décision prise, comment avez-vous trouvé votre nouvel emploi ?

Pendant ma rééducation, j’ai décidé de faire un bilan de compétences. Pour voir où j’en étais. Ça m’a aidé à basculer plus facilement dans ma recherche de travail. Il y a eu trois ans entre le moment où j’ai arrêté mes études et le moment où je me suis blessé, pendant lesquelles je n’ai fait que du rugby. Donc malgré tout, on déconnecte.

Entre faire des études dans un domaine et y travailler derrière, parfois, il y a un monde. D’ailleurs, j’ai fait du génie civil et je me suis rendu compte que ce n’était pas fait pour moi. Heureusement, j’avais cette école de commerce qui m’ouvrait d’autres portes.

J’ai eu de la chance de ne pas avoir à trop gamberger là-dessus, puisque j’ai trouvé du travail assez facilement. Je suis chef de projet dans une agence qui produit des événements publics et privés. J’ai signé officiellement mon CDI au bout de deux mois de recherche, à la fin de mon arrêt de travail. Ça fait maintenant six mois que je suis « dans la vie réelle ».

Être un ex joueur professionnel, est-ce un atout ou une faiblesse sur le marché du travail ?

Dans mon cas, j’ai eu des avis plutôt positifs. Être sportif de haut niveau, c’est un gage pour les entreprises d’avoir quelqu’un qui a l’esprit d’équipe, l’envie de réussir. Quand on devient pro, c’est qu’on a travaillé, il n’y a jamais rien sans rien. Et puis, aujourd’hui, il y a des liens de plus en plus forts, des passerelles qui se font entre les milieux du sport de l’entreprise, qui cherchent de plus en plus à retrouver dans leurs services l’esprit qu’on peut avoir dans une équipe de sport de haut niveau, avec cette volonté de gagner, de s’améliorer.

Mais la limite, c’est que les entreprises recherchent souvent quelqu’un avec un minimum d’expérience, et les sportifs ne l’ont pas. Quand on est pro, c’est notre métier et on ne fait que ça. Après, tout dépend du type de travail que vous cherchez. Moi, je cherchais des postes avec un certain bagage universitaire. Quand vous vous retrouvez face à des gens qui ont le même niveau universitaire que vous, mais qu’ils ont déjà deux ou trois années d’expérience, la balance va pencher en leur faveur. Une fois qu’on est à armes égales sur l’expérience en revanche, le fait d’avoir été sportif de haut niveau dans un première vie, c’est un gros atout.

Votre situation financière a-t-elle changé avec votre nouvelle vie ?

On n’a pas des salaires non plus mirobolants en deuxième division, ce n’est pas le niveau du top 14. J’ai eu une baisse de salaire, c’est sûr, mais pas au point de bouleverser ma vie. C’est certainement plus dur à accepter pour les joueurs qui gagnent 20 000 euros par mois.

Source : Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion de la Fédération Française de Rugby

Propos recueillis par Emilie Salabelle

A lire aussi :

« Réfléchissez à l’emploi de vos rêves » (3/4)

Mozaïk RH n’est pas un cabinet de recrutement comme les autres. Spécialisé dans l’accompagnement des jeunes diplômés issus de milieux sociaux moins favorisés, Mozaïk RH organise régulièrement des ateliers. L’objectif étant d’amener les jeunes à se dépasser, et aller chercher l’employeur directement.

 

Les participantes se prêtent au jeu de l'atelier organisé par Mozaïk RH.

«  Qui veut du café ? Venez vous servir ! » Dans ce centre de formation du XIVe arrondissement de Paris, l’ambiance est conviviale. Il est 8h30. Une dizaine de jeunes femmes prennent place dans la petite salle du rez-de-chaussée, ôtent leurs doudounes et leurs écharpes. La moyenne d’âge s’élève à 25 ans. Elles sont toutes diplômées du supérieur et viennent des quartiers populaires. Certaines sont boursières, d’autres ont rejoint Mozaïk RH après une scolarité suivie en Zone d’Education Prioritaire. Elles suivent leur deuxième journée de formation, mise en place par le dispositif « PasserElles », réservé aux femmes. Au programme, des ateliers collectifs et un entretien individuel pour les aider dans leur recherche d’emploi. « On aborde la cohérence du parcours, la prise de parole et surtout, la construction du réseau », détaille Virginie Hamelin, coach en formation.

 

« Il ne faut jamais lâcher »

 

Le réseau, c’est justement l’objet de la discussion du matin. Ghislaine Choupas-Loobuyck est responsable pédagogique à l’INA. Sous les regards attentifs, elle déroule son parcours professionnel semé d’embûches. Surtout, ne pas perdre une miette du discours de cette femme qui a réussi. « Comme le dit Paul Eluard : il n’y a pas de hasards, il n’y a que des rendez-vous », avance Ghislaine. Elle raconte les festivals audiovisuels où elle s’est rendue pendant des mois, elle explique le courage d’aller chercher l’employeur. « Il faut être visible. Cela demande de la persévérance, il ne faut jamais lâcher. » Très vite, les questions affluent dans l’auditoire. « Comment vous faites pour aller voir les gens comme ça ?  Qu’est ce que vous leur dites ? Est-ce qu’on vous rappelle après ? »

Laure est la benjamine du groupe, elle a tout juste dix-huit ans. « J’ai eu mon BTS en édition et je cherche un contrat en alternance. Les entretiens se déroulent bien, mais on ne m’a jamais rappelée », avoue la jeune diplômée. A côté d’elle, Priscilla acquiesce. « Je ne sais pas comment m’y prendre, c’est difficile ». Âgée de vingt-cinq ans, la jeune femme a longuement préparé le concours très sélectif pour devenir conservatrice de musée. Mais après maintes tentatives, le sésame lui échappe toujours. D’autres moyens peuvent lui permettre de s’insérer professionnellement, mais il faut trouver les bonnes personnes, frapper aux bonnes portes.

 

Dans la peau du client

 

Ensemble, les filles écrivent sur le tableau blanc les règles de l’atelier : « oser », « respecter », « ne pas juger ». Des magazines sont disposés sur le sol, avec des feutres, des bâtons de colle et des paires de ciseaux. « Réfléchissez à l’emploi de vos rêves et collez sur une feuille ce qui le représente. Vous avez 20 minutes ! », s’exclame Julia, animatrice de l’atelier. Tout au long de l’atelier, Julia n’hésite pas à les pousser dans leurs retranchements.

Dans un silence studieux, les filles se saisissent des magazines et seul le bruit des pages arrachées résonne dans la petite salle. Accroupie sur le sol, Mafalda râle un peu. Elle ne voit pas bien l’utilité de cette activité manuelle. Originaire du Portugal, Mafalda est diplômée des Beaux Art mais peine à trouver un emploi dans une galerie parisienne. Ces voyages en Europe lui ont donné de l’expérience, mais le milieu concurrentiel de l’art contemporain ne lui laisse aucun répit.

Chacune doit ensuite expliquer son collage, trouver les métiers qui correspondent. Elles apprennent à se mettre « dans la peau du client et celle du recruteur ». Apprendre à anticiper les besoins d’une entreprise pour mieux y apporter les réponses, tel est l’objectif. L’atelier coaching se termine par une simulation d’échange entre le recruteur et la demandeuse d’emploi. Certaines se lancent avec plus ou moins de facilité. Le discours est hésitant, le visage un peu crispé. « Qu’est-ce que vous allez m’apporter ?, interroge le recruteur, joué par Julia. Concrètement, qu’est-ce que vous voulez ? » En face, Chloé ne sait pas quoi dire. Elle tente de défendre son projet fictif, écrire pour un magazine de décoration. La poignée de main est franche. Mais le fou rire la rattrape, « De l’argent ! », finit-elle par répondre, et tout le monde s’esclaffe.

Léa Duperrin