Grève des fonctionnaires : les raisons de la colère

Hospitaliers, enseignants, policiers, cheminots : ce mardi 10 octobre, neuf syndicats de la fonction publique appellent à la grève. Pour la première fois depuis 2007, ils sont parvenus à se mettre d’accord pour une manifestation commune. Retour sur les enjeux de la mobilisation.

Le gel du point d’indice

« En 2018, il n’y aura pas d’augmentation du point d’indice, déclarait en juin Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas pendant tout le quinquennat ». Cette déclaration avait immédiatement suscité la colère des fonctionnaires. Une telle décision traduisant, selon certains syndicats, la baisse du pouvoir d’achat pour les salariés concernés. Une mesure « aussi injuste qu’inefficace (…) qui bloque la rémunération de 20 % de la population », avait réagi en juin Bernadette Groison (FSU).

La valeur du point d’indice, restée inchangée entre 2010 et 2016, avait connu une légère hausse (0,6%) en juillet 2016, ainsi qu’en février 2017 (0,6%).

La suppression de 120 000 postes

Sont concernés par cette annonce les agents de la fonction publique territoriale et la fonction publique d’Etat. « Les effectifs de la fonction publique hospitalière seront en revanche maintenus », a précisé le gouvernement. Plus précisément, cela correspondra à un volume de 50 000 postes non renouvelés dans la fonction publique d’Etat et d’environ 70 000 dans la fonction publique territoriale.

Le retour du jour de carence

Cette mesure, qui supprime la rémunération d’un premier jour d’absence pour congé maladie, avait été mise en place sous Nicolas Sarkozy. Le gouvernement entend par ce biais réduire l’absentéisme dans la fonction publique. Rétablir le jour de carence se traduit par l’absence d’indemnisation de l’employé le premier jour d’absence. Il sera alors indemnisé à partir du deuxième jour de son congé maladie qui dure trois jours au total. « Les fonctionnaires ne l’avalent pas, c’est une erreur de le réintroduire », avait alors réagi le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, à l’annonce de cette mesure.

La hausse de la CSG

« L’augmentation de la CSG (Contribution sociale généralisée) sera totalement neutralisée », a précisé hier le Premier ministre Edouard Philippe, invité sur Europe 1. La CSG est un impôt qui permet de financer la protection sociale, la hausse décidée par le gouvernement doit permettre de financer la baisse des cotisations sociales. Cette décision touche en particulier certains travailleurs indépendants, les fonctionnaires mais aussi les retraités. Ainsi, Alexis Corbière, député de La France insoumise déclarait en juillet dernier que « baisser l’ISF mais augmenter la CSG pour nos anciens, c’est honteux, immoral, scandaleux ».

A la veille de la journée de mobilisation aujourd’hui, Edouard Philippe a voulu rassurer les syndicats en précisant que cette hausse de l’impôt serait compensée. Il a ensuite détaillé cette compensation qui se ferait en diminuant les cotisations calquées sur les cotisations salariales et ensuite par un versement de primes.

Gérald Darmanin doit rencontrer les syndicats de la fonction publique le 16 octobre prochain. Il sera notamment question des salaires.

Léa DUPERRIN

 

 

Le retour du redoublement à l’école

Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, présente ce jeudi ses mesures pour l’école au Conseil supérieur de l’éducation. Le nouveau locataire de la rue de Grenelle compte rétablir le redoublement et réformer les rythmes scolaires.

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education Nationale, précise ses réformes pour l'école.
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, précise ce jeudi ses réformes pour l’école.

Il entend bien s’attaquer au « diplodocus » éducatif avec, au menu, le retour du redoublement. C’est ce qu’a annoncé le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer dans un entretien publié ce jeudi dans Le Parisien. Il souhaite redonner la possibilité de rester dans la même classe une année supplémentaire pour un élève en difficulté et, ce, dès la prochaine rentrée scolaire. « Il n’est pas normal d’interdire le redoublement », a-t-il déclaré.

Il marque ainsi sa différence avec sa prédécesseur, Najat Vallaud-Belkacem. En novembre 2014 elle avait pris un décret affirmant le « caractère exceptionnel du redoublement ». Il n’était possible que dans deux cas : pour des élèves absents pendant une longue durée pour des raisons personnelles ou à la demande des parents si leur enfant, après la troisième ou la seconde, ne pouvait pas intégrer la filière souhaitée. Des conditions strictes donc que le nouveau ministre souhaite supprimer. « Il y a quelque chose d’absurde à laisser passer de classe en classe des élèves accumulant les retards, assure-t-il. Le redoublement doit rester possible quand c’est dans l’intérêt de l’élève, et dans des cas qui doivent rester rares ». Rare, exceptionnel… Les ministres successifs jouent avec les mots sur un sujet qui reste sensible. En France, en 2015, 22% des élèves de 15 ans ont déjà redoublé, soit deux fois plus que la moyenne des pays de l’OCDE selon l’étude PISA.

Stages de remise à niveau et « devoirs faits » à l’école

Cette mesure phare s’inscrit dans la volonté d’« accompagnement » des élèves. Pour cela des « stages de remise à niveau » seront également mis en place dès cette année pour les élèves entrant en sixième. Gratuits et d’une durée d’une semaine, ils seront d’abord proposés dans les zones d’éducation prioritaire. Ces heures de soutien seront assurées par des « enseignants volontaires, rémunérés sur la base d’heures supplémentaires ». Rien d’obligatoire pour les élèves mais elles seront « conseillées » à ceux en difficulté. Plus inattendu, le désir du ministre de mettre en place une « rentrée en musique ». Il aimerait développer l’apprentissage de la musique à l’école qui occupe une « place insuffisante » selon lui en France. « Je compte notamment faire en sorte qu’il y ait des chorales dans toutes les écoles et collèges », a-t-il affirmé.

Jean-Michel Blanquer a également pris un autre engagement pour la rentrée : la fin des devoirs à la maison. C’était une promesse du candidat Emmanuel Macron qui souhaitait rétablir les « études dirigées » au collège. Ce dispositif, appelé « Devoirs faits », sera là encore « sur la base du volontariat et gratuit ». « Nous sortons de l’hypocrisie : oui, il faut des devoirs, y compris au primaire », martèle-t-il. Les élèves seront accompagnés de « professeurs volontaires et des assistants d’éducation ». Le ministre lance un appel « aux étudiants ou jeunes diplômés qui ont envie de s’investir » ainsi qu’aux jeunes du service civique pour aider les collégiens.

Le serpent de mer des rythmes scolaires

Le nouveau ministre va-t-il détricoter la réforme des rythmes scolaires ? C’est la question que se pose la communauté éducative. Il a seulement laissé entendre qu’il mettrait en place des « consensus locaux », accordant ainsi plus d’autonomie aux collectivités. Il ouvre ainsi la porte à l’abandon de la semaine de quatre jours et demi. « Des gens sont insatisfaits localement – j’espère que c’est une minorité –, ce que nous faisons c’est ouvrir la possibilité, surtout pour le rentrée 2018, d’ouvrir le choix entre différentes formules », a-t-il expliqué mardi 6 juin au micro d’Europe 1. Le maire (LR) de Nice, Christian Estrosi, a d’ores et déjà annoncé qu’il reviendrait à la semaine de quatre jours dès septembre. Jean-Michel Blanquer donne donc la possibilité aux établissements de s’adapter avec l’accord des conseils d’école et de l’inspecteur d’académie. Une réforme que ne conseille pas le groupe de travail du Sénat sur les rythmes scolaires. Celui-ci vient de rendre ses conclusions et il recommande de ne pas revenir à la semaine de quatre jours. Ce « serait un mauvais signe car on ferait prévaloir le monde des adultes sur celui des enfants », a estimé Jean-Claude Carle, sénateur (LR) de Haute-Savoie.

Si le gouvernement décide de revenir à la semaine de quatre jours, les sénateurs proposent 5h30 d’enseignement maximum par jour. Ce qui impliquerait une réduction des vacances scolaires et un retour au modèle de… 2007.

Chloé TIXIER

Pour être guide touristique, « il ne suffit pas de regarder sur Wikipédia ! »

Un projet d’arrêté interministériel destiné à élargir l’accès à la profession provoque la colère des guides touristiques, qui craignent l’arrivée d’une horde de concurrents non qualifiés.

 

« Mais elle est où ? Mais elle est où ta formation ? ». Le Conseil d’Etat d’un côté, le musée du Louvre de l’autre. Sur la place du Palais Royal à Paris, les guides-conférenciers étaient mobilisés ce jeudi 3 novembre pour défendre leur profession.

A l’origine de leur colère, un projet d’arrêté interministériel visant à élargir l’accès au métier de guide. Selon ce projet, toute personne avec un master, quel qu’il soit, et un an d’expérience cumulée sur cinq ans dans la présentation du patrimoine pourra prétendre à l’obtention de la carte professionnelle de guide.

Une « aberration » pour les guides. « Comme si un diplômé en biologie pouvait faire des visites » , lance Marie-Paule, qui dresse un parallèle avec les autres secteurs : « Vous imaginez si on faisait pareil pour les médecins ? ». Marie-Paule est guide depuis six ans. Elle travaille aujourd’hui au château de Chantilly dans l’Oise, et a dû pour cela suivre un cursus bien spécifique.

Être guide ne s’improvise pas, plaide Ryoko, agitant une pancarte où est inscrit « Le patrimoine est en danger ». « On étudie un certain temps, on s’investit beaucoup. C’est vraiment un métier de passion : il ne suffit pas de regarder sur Wikipédia ! ». Pour elle, ce projet d’arrêté n’est qu’une stratégie, « très mauvaise », pour réduire les chiffres du chômage « en donnant une carte de guide à tout le monde ».

« Profession sinistrée »

Un peu plus loin, Vincent, guide depuis quinze ans, proteste contre la concurrence déloyale que risque d’instaurer l’arrêté : « On a peur que les agences qui nous emploient ne jouent pas le jeu et embauchent un personnel moins qualifié, qui prétendra à un salaire moins élevé que nous. » Vincent travaille pour Paris City Vision. « Lorsque je parle de notre situation à des clients, raconte-t-il, ils me disent qu’ils veulent des guides qualifiés, comme moi. Mais ils ne sauront pas quelles qualifications a leur guide. »

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La crainte de la précarisation est d’autant plus forte que le secteur du tourisme connaît déjà une période difficile. « Profession sinistrée, enterrez l’arrêté », scandent les manifestants. « La saison a été désastreuse, explique Pascale. Il n’y a pas beaucoup de travail cette année, est-ce que c’est le moment pour un texte comme cela ? On marche sur la tête ! »

Ce n’est pas la première fois que les guides voient leur statut menacé. L’année dernière, une disposition de la loi Macron envisageait purement et simplement la suppression de leur carte professionnelle.

Contre cette nouvelle tentative de déréglementation de leur activité, les guides demandent au gouvernement d’appliquer les normes techniques européennes, qui définissent une formation spécifique pour être guide.

Lundi prochain, une réunion d’information est prévue entre le gouvernement et les principaux représentants de la profession (SPGIC, SNGC, UNSA, FNGIC et ANCOVAR) pour discuter du nouveau texte et de son application.

Richard Duclos

Colère des scientifiques contre les coupes budgétaires dans la recherche

Une tribune signée par huit scientifiques de renom déplore un projet de coupes budgétaires pour la recherche. La communauté scientifique est en émoi.

Sept prix Nobel et une médaille Fields dénoncent dans une tribune publiée dans le Monde des coupes budgétaires dans la recherche. Présenté en commission des finances de l’Assemblée Nationale mercredi 18 mai, un projet de décret vise à supprimer une enveloppe budgétaire de 265 millions d’euros pour  la recherche et l’enseignement supérieur.

Mais ce matin encore, François Hollande invité sur France Culture, a assuré que l’action en recherche & développement restait une priorité.

Les principaux organismes de recherche sont particulièrement touchés comme le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou encore  l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) pour une annulation globale de 134 millions d’euros. Selon Martine Cohen-Salmon, chargée de recherche au CNRS en biologie, c’est un coup dur « une baisse de budget c’est une baisse de niveau de recrutement .»

Le budget du CNRS de plus de 3 milliards d’euros est constitué de 2,1 milliards de masse salariale. Cette annonce nourrit ainsi des inquiétudes sur l’avenir du centre de recherche: « le niveau de recrutement des jeunes chercheurs est déjà catastrophique. Seuls un ou deux postes sont créés chaque année en premier grade, explique-t-elle, or les candidats ont un niveau équivalent au poste de directeur de recherche.»


une baisse de budget c’est une baisse de niveau de recrutement


Un phénomène à l’effet boule de neige « il y a moins d’étudiants aujourd’hui en biologie car il n’y a plus de débouchés, analyse Martine Cohen-Salmon, et c’est compréhensible, pourquoi s’engager dans une voie de garage! » Une menace de décrochage de la recherche en France amplifiée par la mondialisation de la concurrence « la plupart partent en tant que post doctorant à l’étranger où ils sont embauchés.  C’est d’autant plus avantageux pour les centres de recherche étrangers qui recrutent des chercheurs déjà formés. »

L’ANR n’a financé que 8% des projets en 2015

La ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem et son secrétaire d’Etat Thierry Mandon, ont assuré via un communiqué que ces suppressions de crédits visent à « mobiliser en particulier leurs fonds de roulement disponibles et leurs trésoreries. Mais pour le CNRS cet argument n’est pas valable « un projet en biologie expérimentale et une étude en Histoire n’impliquent pas les mêmes moyens. »

Depuis 2005, l’Agence nationale de la recherche (l’ANR) créé pour remplacer deux dispositifs de financement, le fonds national pour la science (FNS) et le fonds pour la recherche technologique (FRT), est l’unique fonds public qui décide les budgets. Mais en 2015, seuls 8% des projets déposés par des chercheurs français ont été acceptés par l’ANR. Le 14 mars, lors de l’inauguration de l’Institut Pierre-Gilles-de-Gennes à Paris, François Hollande avait annoncé que l’ANR accepterait davantage de projets cette année.  Reste à voir sur quels critères les enveloppes seront réparties.

Des attentes politiques en contradiction avec la recherche

Pourtant, selon un classement établi par Thomson-Reuters  en mai 2016, le CEA, le CNRS et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) figurent parmi les dix premiers organismes de recherche en termes d’innovation dans le monde. Une dynamique dont les chercheurs craignent l’essoufflement.

« Il y a vingt ans les laboratoires étaient subventionnés par l’organisme de tutelle auquel ils étaient rattachés. Un financement complété par le privé si besoin. Aujourd’hui c’est l’inverse. » déplore Martine Cohen-Salmon.  Des restrictions budgétaires publiques qui vont de pair avec un autre problème « pour qu’un projet soit validé par l’ANR, il faut le tourner vers le développement. Or c’est totalement contradictoire avec la recherche qui ne peut pas donner de garantie, on ne sait pas ce que l’on va trouver à l’issue d’une recherche. »

Depuis sa création le budget de l’ANR est passé de 710 millions d’euros (M€) en 2005  à 535 M€ en 2014. Bien qu’il l’un des budgets les plus importants en Europe, elle est constante régression. En Allemagne les dépenses de recherche et développement ont augmenté de 75% en dix ans.

Sonia Ye

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