Twenty One Pilots attaque Temu en justice : l’épineuse question des droits de propriété intellectuelle sur les plateformes de e-commerce

À la veille de la sortie de son nouvel album, le groupe américain Twenty One Pilots porte plainte contre Temu, l’accusant de vendre « des myriades d’articles qui ne sont que contrefaçons et copies flagrantes » de leur merchandising. Une problématique connue sur les plateformes de e-commerce, malgré les réglementations mises en place.

C’est un évènement commercial majeur pour un groupe :  l’album du duo états-unien Twenty One pilots sort ce jeudi 12 septembre, une occasion de vendre les multiples produits à son effigie disponible sur le site officiel.

Le merchandising musical étant onéreux, il faut débourser aux alentours des 40€ pour obtenir un T-shirt. Or, des articles similaires bien moins coûteux sont disponibles par centaines sur  le site de e-commerce chinois Temu — un problème pour le groupe, qui perd ainsi de potentiels clients — sans accord préalable de la part du duo. La plateforme peut utiliser son statut d’hébergeur afin de minimiser ses obligations.

« Twenty three Pilots »

 

Face à cette infraction, le géant de l’industrie musicale plus de 10 millions de disques vendus et 12,3 milliards de streams sur Spotify en 2022— se trouve démuni. Les représentants du groupe, Josh Dun et Tyler Joseph, ont ainsi porté plainte contre le site pour contrefaçon de marque, concurrence déloyale et fraude par ressemblance, soulignant que « des myriades d’articles qui ne sont que contrefaçons et copies flagrantes » sont en vente. Plus de 12 pages de photos d’articles contrefaits du groupe ont été relevées.

Pour sa part, la plateforme déclare au CelsaLab  » respecte[r] les droits de propriété intellectuelle des tiers et traite[r] avec le plus grand sérieux toute réclamation relative à la contrefaçon », mais aussi défendre « fermement » ses intérêts « face à toute allégation infondée ».

En naviguant sur Temu, la recherche « Twenty One Pilots » ne présente plus aucun résultats. En revanche, en tapant « Twenty three Pilots », l’utilisateur voit s’afficher des centaines de produits reprenant le logo du groupe et les visuels de ses albums, dont « Breach », à paraître le 12 septembre : les T-shirts présentés coûtent aux alentours de 15€, contre environ 40€ sur le site officiel. Ce changement de mots clés semble être voué à camoufler ces produits.

De plus, en consultant les différentes annonces, on constate que les comptes les hébergeant vendent également de nombreux produits à l’effigie d’autres groupes de musique (a-ha, System of a Down, The Cure…), cette pratique s’avérant faire système.

Les plateformes de e-commerce face à la justice

« L’atteinte aux droits de propriétés intellectuelle sur les plateformes de e-commerce est récurrent », confirme Vincent Rodriguez, avocat en droit de la propriété intellectuelle. « Cette catégorie regroupe plusieurs  types de contrefaçons : dans le cas de Twenty One Pilots, il s’agit de contrefaçon de marque, le nom du groupe en étant une déposée aux Etats-Unis. L’atteinte globale aux droits de marque peut concerner ses propriétés, brevets, dessins et modèles ».
Quant aux obligations des plateformes sur ces risques de fraude, elles ont « évolué depuis le DSA (Digital Service Act) », entré en vigueur en 2022.

Leur nature dépend essentiellement de la qualification de la plateforme, pouvant être « hébergeur » et donc « mettre à disposition une plateforme aux internautes sans rien publier », ou « éditeur », « qui participe de manière active à ce qui est publié ». Dans ce dernier cas, elle a davantage de responsabilité et doit s’assurer de l’absence de contrefaçon avant même que l’annonce soit mise en ligne.

« Avant le DSA, Temu était considéré comme hébergeur », affirme Vincent Rodriguez, déclarant néanmoins que ce statut « peut changer selon les décisions juridiques », telle que celle qui pourrait être rendue à l’issue de cette plainte. Les hébergeurs doivent « afficher le nom des vendeurs professionnels, et mettre à la disposition des internautes un moyen de signaler les produits contrefaisants ».

Des artistes au cœur de batailles juridiques

Une contrainte s’avérant peu respectée, les titulaires de droits devant bien souvent mettre en place leurs propres mesures ou naviguer par eux-même sur ces plateformes pour constater les fraudes. Le 4 août dernier, l’illustratrice britannique Micaela Alcaino découvrait ainsi que ses images avaient été imprimées sur « des couvertures, des serviettes, des tapis, et même des rideaux de douche » et « exhort[ais] » ses collègues designers, illustrateurs et éditeurs à « regarder si Temu vend [leurs] œuvre sans [leur] consentement ».

En effet, les titulaires de droits peuvent « rencontrer de nombreuses difficultés » pour prendre connaissance de contrefaçons ayant été créées sur la base de leur travail, ajoute Vincent Rodriguez. En cause, le « flux continu d’annonces » et de leur « mise en place automatisée ». Pour contrer ce problème, ils peuvent « mettre en place des surveillances à partir d’une banque d’image, qui détecte les annonces contenant des visuels identiques ou proches grâce à l’intelligence artificielle ».

 

Margot Mac Elhone

« On ne le vit pas bien » : l’hôtellerie redoute le mouvement « bloquons tout »

Après les hausses de charges ou l’évolution de la loi sur les pourboires, ce mercredi, le mouvement social « bloquons tout » inquiète les hôteliers. Déjà fragilisés par des crises antérieures comme les gilets jaunes, les professionnels du secteur craignent  des conséquences économiques liées aux contestations.

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Ce mercredi, l’UMIH précise que le mouvement est très « circonscrit ». Crédits : fr.freepik.com

« On a vraiment hésité à tout annuler », confie Melissa en balade dans une avenue près de l’Arc de Triomphe. Sourire aux lèvres, cette touriste américaine originaire de Pennsylvanie profite aujourd’hui sereinement de la capitale, aux côtés de son mari Jonathan. Mais, il y a encore quelques jours, l’annonce du mouvement social « bloquons tout » avait semé le doute auprès du couple. L’appel à une journée de blocages généralisés contre la politique budgétaire du gouvernement Bayrou avait sérieusement inquiété ces touristes, au point de remettre en question leur départ.  « On avait organisé ce voyage depuis plusieurs mois et on avait déjà tout réservé mais quand on a commencé à voir sur les réseaux sociaux des posts qui annonçaient des grèves dans les aéroports et les transports en commun, on a vraiment stressé » explique la jeune femme. « Aux Etats-Unis on a encore tous en tête l’image des gilets jaunes. J’avais peur de me retrouver avec des policiers partout, des casseurs dans les rues, bloqués à l’aéroport et surtout sans logement. On a appelé notre hôtel il y a une semaine et il nous a dit qu’on n’aurait pas de soucis, ça nous a finalement motivé à venir » ajoute la trentenaire qui constate que pour l’instant « tout va bien ».

« Tous les mouvements sociaux dès lors qu’ils prennent de l’ampleur […] ne sont jamais un point positif pour l’attractivité de la destination France », Guillaume Beurdeley, secrétaire général adjoint des Entreprises du Voyage.

Maxime lui, s’est montré plus prudent. Ce commercial de 28 ans devait aujourd’hui se rendre à Lyon dans le cadre de son travail. Il a préféré renoncer à son déplacement. « Je me suis dit que ça allait être la galère pour y aller niveau transport, qu’il y aurait des manifs un peu partout donc j’ai annulé ma réservation d’hôtel » déplore ce parisien, aujourd’hui en télétravail.

Des professionnels inquiets 

En début de semaine déjà, les professionnels de l’hôtellerie s’inquiétaient des conséquences du mouvement social sur leur activité. « On ne le vit pas bien. On constate déjà des annulations de chambres car on sait très bien qu’en Île de France tout le monde sera en télétravail » présageait Franck Delvaux, Président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Paris île de France lundi sur BFMTV. Même si il ne se passe rien, le mal est déjà fait dans l’esprit des gens qui se disent « on ne sait pas ce qui va arriver» donc  on sait que le 10 ne va pas bosser » s’agaçait-il. Le représentant du syndicat patronal du secteur de l’hôtellerie-restauration a défendu clairement sa position vis-à-vis du mouvement : «  Nous sommes contre le blocage du pays mais on partage la colère sur beaucoup de points comme la loi sur les pourboires qui va entrer en vigueur fin décembre ou les charges trop élevées ». 

Des conséquences limitées 

Ce mercredi, l’UMIH précise que le mouvement est très « circonscrit ». « Il n’ y a aucune consigne de fermeture ni d’appel à s’associer à des actions en ce 10 septembre et pas de conséquences au niveau national » précise Ophélie Rota, directrice de la communication et des relations institutionnelles à l’UMIH. Si elle affirme disposer d’aucun chiffre concernant les annulations dans l’hôtellerie, elle attire cependant l’attention sur le boycott des paiements par carte bancaire au profit de ceux en espèces annoncé par certains restaurateurs et établissements hôteliers pour dénoncer le « ras le bol de la profession vis-à-vis des banques » selon Franck Delvaux. « Sur ce point, on indique simplement ce qui est légal ou non pour que nos adhérents n’est pas de mauvaises surprises. Ils peuvent le faire librement mais sous certaines conditions ».

« On constate déjà des annulations de chambres car on sait très bien qu’en île de France tout le monde sera en télétravail », Franck Delvaux, Président de l’UMIH.

À l’image de l’UMIH, l’Entreprise des voyages, organisation de représentation des experts du tourisme, reconnaît ne pas disposer de chiffres sur les conséquences de « bloquons tout » sur les recettes des établissements hôteliers ou les annulations de réservations mais observe cependant quelques perturbations liées au mouvement. « On a aujourd’hui des conséquences qui sont immédiates pour nous et pour nos clients notamment en ce qui concerne les déplacements. L’accès à certains aéroports comme à Toulouse ou à Nantes est bloqué. Certains départs sont perturbés mais on a pas de cas d’annulations notables ou de perspectives de fortes baisses de la fréquentation ou des réservations dans les établissements hôteliers ou les agences de voyage » observe Guillaume Beurdeley, secrétaire général adjoint des Entreprises du Voyage. Il espère cependant que le mouvement ne va pas s’étendre et va se limiter à la journée. « Tous les mouvements sociaux dès lors qu’ils prennent de l’ampleur et qu’ils sont repris dans la presse étrangère ne sont jamais un point positif pour l’attractivité de la destination France par rapport à d’autres pays européens plus attractifs qui peuvent prendre des parts de marchés dans notre secteur. Il y a toujours un impact sur l’accueil des touristes étrangers comme c’était le cas avec les gilets jaunes » met-il en garde même si pour l’instant cela ne semble pas être (encore) le cas. 

Ana Escapil-Inchauspé