À Levallois, une expo qui redonne la foi

La mairie de Levallois-Perret aurait-elle oublié le principe de laïcité? Depuis 10 jours, une photo grand format de La Mecque trône dans le hall d’entrée de L’Hôtel de Ville. Et juste en haut de l’escalier principal, les Dix Commandements sont projetés autour du buste de Marianne. Mais aucune inquiétude, il n’est pas question de remettre en cause la loi de 1905. En fait, le bâtiment accueille jusqu’au 21 février l’exposition « Il était une foi(s)« , sur le thème des religions. L’occasion pour les visiteurs de découvrir ou redécouvrir les liens unissant les trois principales croyances monothéistes. 

Continuer la lecture de « À Levallois, une expo qui redonne la foi »

Pourquoi le Hellfest fait-il peur ?

Hier, la Région de la Loire retirait la subvention de 20 000 euros accordée au célèbre Hellfest Summer Open Air. Depuis 2006, le festival fait vibrer la campagne de Loire-Atlantique avec la venue de plus de 150 000 mordus de metal, de hard rock ou de punk. Régulièrement montrés du doigt, les adeptes de ces genres musicaux ne semblent pas faire l’unanimité. Pourquoi le Hellfest fait-il peur ?

 

Singer of US heavy metal band "Down" Phil Anselmo performs with his band during the Hellfest Heavy Metal Music Festival on June 17, 2011 in Clisson, western France. AFP PHOTO/FRANK PERRY / AFP / FRANK PERRY
Singer of US heavy metal band « Down » Phil Anselmo performs with his band during the Hellfest Heavy Metal Music Festival on June 17, 2011 in Clisson, western France. AFP PHOTO/FRANK PERRY / AFP / FRANK PERRY

 

C’est aux alentours du petit village de Clisson que chaque année le Hellfest installe ses scènes géantes. Devenu une référence en matière de « musiques extrêmes », le festival brasse des chiffres colossaux : plus de 150 000 visiteurs, six scènes, et surtout 16 millions d’euros de budget. Alors que l’édition 2016 est en pleine préparation, le deuxième festival de France se voit secoué d’une polémique. Phil Anselmo, le chanteur du groupe de métal Down, apparaît dans une vidéo où il fait un salut nazi pendant un concert à Los Angeles au mois de janvier dernier. Un geste qui n’est pas passé inaperçu aux yeux des politiques de la région, qui ont demandé le retrait du groupe à l’affiche du Hellfest 2016. Ce que Ben Barbaud, co-organisateur du festival, a refusé. Sur son compte Facebook, Laurence Garnier, présidente de la Commission Culture à la Région, écrit : « Je suis profondément choquée que Ben Barbaud refuse de déprogrammer Phil Anselmo, mais surtout qu’il considère que c’est « quelqu’un de bien ». Un reproche alourdi par d’autres nombreuses controverses souvent associées aux « metalleux » : racisme, extrême-droite, parfois marginalisation, voire satanisme de la part de groupes religieux traditionalistes.

« Tout part d’une grande ignorance »

Pour Phil’Em All, animateur du Rock-Fort Show sur AIR RADIO et interrogé par le Celsa Lab, il existe une méconnaissance totale de ce monde de la part du grand public. « Tout est construit sur des imageries. Mais les groupes en jouent également. Pour moi, c’est plus de la provocation, c’est sur cela qu’est principalement construit ce style de musique, c’est une musique provocante ! » Et de préciser que « oui, il existe des groupes de black metal où il y a un vrai culte dans les pays nordiques, mais ce ne sont pas ceux qui sont au Hellfest ». Aurélie , 24 ans, interrogée par le Celsa Lab, est une fan de metal plutôt assidue. Elle a connu le festival dans ses premières années : après y avoir assisté de 2007 à 2012, elle y retourne l’an dernier, en 2015. « Je n’ai jamais connu ou entendu de propos tels quels, juste des rumeurs. Et puis quand on dit qu’on écoute du metal, on a tendance à vite être catégorisé : « Ah, toi t’écoutes ça, t’es ce genre de personne ! »

Phil’Em All va même plus loin : pour lui, le message véhiculé dans les chansons n’est pas à prendre en compte. « Le hard rock est apolitique. Quand je passe des musiques à l’antenne, je n’écoute pas le message de la chanson, je porte de l’intérêt à la musique. Je peux autant passer des groupes qui ont tendance à être vus d’extrême gauche comme d’extrême-droite ». C’est la même chose pour Aurélie : « Il ne faut pas faire d’amalgames. Je veux juste apprécier la musique, je me fiche du message ».

« C’est une bonne excuse pour faire chier le Hellfest »

Si le Hellfest fait peur, serait-ce donc à cause de ceux qui s’y rendent ? Phil’Em All évoque également l’ampleur qu’a pris le festival ces dernières années. « C’est une musique qui a une durée de vie de quarante ans, elle a un public de 7 à 77 ans, c’est un véritable folklore. » Mais depuis le succès du festival, le metal attire plus l’attention du grand public. « Le Hellfest a beaucoup évolué. Au début, l’organisation laissait vraiment à désirer mais il y avait des groupes un peu moins connus, aujourd’hui l’organisation est géante mais c’est devenu plus commercial, plus connu » raconte Aurélie. Un événement gigantesque qui a n’a pas manqué de faire réagir aussi les médias, souvent accusés par les « metalleux » de caricaturer leur univers.

L’an dernier, l’émission Capital sur M6 avait réalisé un reportage sur le Hellfest très controversé. Dès le début, la journaliste annonçait la couleur : « Des hordes de zombies gothiques débarquent sur la ville. (…) Pendant quatre jours, plus de 100.000 visiteurs aux looks parfois effrayants débarquent à Clisson. La petite cité se métamorphose en décor de film d’horreur« . Pour Aurélie, si les politiques, les journalistes et mêmes les gens se montrent critiques, c’est parce que « plus on devient connu, plus on a d’ennemis ». Une idée qui se retrouve chez Phil’Em All : « Des polémiques, il va sûrement y en avoir plein encore ! Au moins, on parle du festival, en bien ou en mal, et c’est déjà ça ».

Mathilde Pujol

Les séries politiques envahissent le petit écran

Un conseiller qui tente d’amener son mentor au pouvoir. Puis qui est évincé, lorsque cet objectif est rempli, et tente à tout prix de se venger. Un schéma narratif de plus en plus prisé dans les séries télévisées. C’est aussi le scénario de Baron Noir, une nouvelle production de Canal+, qui diffuse ses deux premiers épisodes ce soir. Une nouvelle série qui se tient dans l’arrière-boutique des décideurs politiques, symbolique d’une mode qui ne cesse de s’étendre. Car depuis House of Cards, qui a fait le bonheur de Netflix, les séries politiques se multiplient ces dernières années.

Les séries télévisées qui traitent du monde politique ne sont pas récentes. Déjà, avec la première version de House of Cards, lancée en 1990 en Angleterre, les spectateurs manifestent grandement leur intérêt, donnant à la série une audience très forte. Le succès appelant le succès, d’autres séries politiques voient le jour, à la fin des années 1990. Et ce, surtout aux Etats-Unis, qui multiplient les formats et les genres. On pense notamment à A la Maison Blanche, qui rencontre un franc succès entre 1999 et 2006. Les producteurs américains n’hésitent alors pas à s’engouffrer dans la brèche. Veep (2012) incarne le comique potache à l’intérieur de la Maison Blanche, alors qu’avec Scandal (2012), le spectateur suit les aventures d’une experte en gestion de crise, sujet éminemment politique. Borgen (2013) et Occupied (2015), toutes deux diffusées sur Arte, marquent aussi l’émergence des séries politiques scandinaves. Entre 1990 et aujourd’hui, les séries politiques, on le voit, se sont donc multipliées. Mais Baron Noir est l’une des seules productions française à emboiter le pas des showrunners américains.

Kad Merad incarne un politique véreux et vengeur © AFP
Kad Merad incarne un politique véreux et vengeur dans Baron Noir (Photo AFP / Jeff Bachoud)

De l’idéalisme suranné au manichéïsme total

Dans Baron Noir, Philippe Rickwaert (Kad Merad) met tout en oeuvre pour se venger du président de la République (Niels Arestrup) qui l’a trahi, alors qu’il a contribué à son élection. Plongé dans les bas-fonds de la manoeuvre politicienne, le protagoniste franchit la ligne rouge de l’éthique. Ce scénario, qui donne une vision sombre du monde politique, marque un basculement important de ce type de fiction. « On observe un glissement des séries politiques qui, au départ, marquaient l’idéal d’un pouvoir bienveillant et préoccupé par le bien-être des citoyens à une vision beaucoup plus sombre dans les séries récentes« , observe Yves-Marie Cann, politologue, directeur d’études politiques au cabinet d’études Elabe.

Avec A la Maison Blanche, les scénaristes s’intéressent à la vie des proches d’un président démocrate. Des problèmes économiques proches de la réalité de la vie politique américaine à des discussions émouvantes sur les attentats du 11 septembre 2001, A la Maison Blanche ne traite pas tant du monde politique comme il est, mais comme il devrait être. La série donne à voir des personnages animés d’un véritable idéalisme, assez loin de ce qui doit réellement se dire dans les couloirs de la Maison Blanche. Une série qui montre un monde politique idéalisé, donc, mais ne fait pas forcément florès.

Martin Sheen est l’acteur principal d’A la Maison Blanche. (Photo AFP / Andrew Burton)

Après elle, les séries vont avoir une représentation plus sombre, beaucoup plus manichéenne des représentants politiques, qui tiennent le rôle des « méchants ». Baron Noir n’échappe pas à ce mouvement. Pour Yves-Marie Cann, la raison de ce basculement est simple : « les Français, mais aussi les citoyens de beaucoup d’autres Etats, sont très critiques vis-à-vis de leur classe politique. Une critique qui se renforce depuis une quinzaine d’années. Les séries ressemblent à l’image renvoyée par les dirigeants« . On voit donc les séries politiques se transformer en thrillers à suspens, dans lesquels les politiques ressemblent plus à des ripoux qu’à des modèles à suivre. A cet égard, le personnage de Frank Underwood dans House of Cards est révélateur de ce basculement. Cynique, prêt à tout pour arriver à ses fins, il incarne la figure d’un Richard III moderne, qui n’hésite pas une seule seconde à se salir les mains pour les besoins de son ambition démesurée. « Quand l’argent vient dans votre direction, on ne demande pas pourquoi« , déclare le personnage de Frank Underwood (Kevin Spacey), manifestant ainsi son manque d’attachement aux principes éthiques de A la Maison Blanche.

L’effet de réel au service de la fiction

Le point commun de toutes les séries politiques qui ont une vision plus sombre du monde qu’elles dépeignent réside notamment dans ses scénaristes. Eric Benzerki, le co-scénariste de Baron Noir, est un ancien conseiller de Julien Dray au parti socialiste. Beau Willimon, le showrunner de House of Cards, lui aussi, a conseillé Hillary Clinton dans une campagne sénatoriale en 2000.

Beau Willimon est un ancien conseiller politique. © Peabody Awards – Creative commons – Flickr

Une immersion dans le monde politique qui donne lieu à des scénarios inspirés de faits réels. Dans Baron Noir, un des ressorts de l’intrigue est totalement inspiré du financement discuté de la campagne du RPR sous Jacques Chirac, avec un versement frauduleux d’argent de la société de logements sociaux de la ville de Paris. « Le personnage central de Baron Noir, c’est la politique elle-même« , affirme Jean-Claude Delafon, son co-scénariste. Il faut dire que la matière tirée des faits divers et des scandales politiques a tout pour faire de bonnes séries à suspens. Dans Occupied, diffusé en France par Arte, la série s’appuie sur un scénario prospectif : dans un avenir très proche, la Norvège est contrainte de reprendre sa production de pétrole sous contrôle russe, qui a enlevé le Premier ministre norvégien. Un scénario qui, bien que poussé à l’extrême, n’est pas sans rappeler la situation en Grèce l’an dernier. « Les consultants issus du monde politique sont souvent présents sur les plateaux de tournage. Il participent au développement d’un fil scénaristique crédible, mais qui est conçu aussi pour susciter l’audience. De cette façon, les séries qui traitent de politique ne sont pas différentes des autres séries. Leur schéma narratif est complètement identique« , explique Marjolaine Boutet, analyste des séries TV à l’Université de Picardie.

 

Les séries politiques étaient, il y a encore quelques années, des anomalies dans le paysage télévisuel. Elles sont désormais très nombreuses. Une tendance qui ne semble pas prête de s’arrêter, puisque la plateforme Netflix lance en mai prochain sa première production française : Marseille. Un collaborateur de l’actuel maire de la cité phocéenne va tout faire pour évincer son ancien mentor. Sans surprise, le scénario n’a rien d’original, mais devrait largement trouver son public. Pour Yves-Marie Cann, « le succès de ces séries qui se ressemblent toutes un peu s’explique par la volonté des spectateurs de se rapprocher du coeur du pouvoir« . Et de comprendre une classe politique qui semble de plus en plus détachée des citoyens.

 

Clément Brault