Le vin de Montmartre, une tradition perpétuée chaque année

La fête des vendanges s’est installée pour sa 84ème édition sur les hauts de Montmartre, ce mercredi. Entre tradition et folklore, les vignes du Clos Montmartre témoignent d’une richesse passée. Focus chez un caviste de la Butte.

Parmi les 1 762 pieds de vigne, on retrouve dans le Clos de Montmartre 30 cépages différents. Crédit : Garance Feitama
Parmi les 1 762 pieds de vignes, on retrouve dans le Clos de Montmartre 30 cépages différents. Crédit : Garance Feitama

Dans cette petite cave à vin située rue des Abbesses (18e arrondissement), à deux pas des vignes de Montmartre il est impossible de trouver une bouteille de la « Cuvée des Lumières ». Chaque année, la cuvée de la Butte est vinifiée dans les caves de la mairie du 18e arrondissement, actuel propriétaire, et célébrée lors de la fête des vendanges pendant quatre jours. A cette occasion, les centaines de bouteilles de vin produites dans l’année sont vendues à prix d’or, non pas pour leur qualité mais pour leur rareté. Au prix de 45 euros la bouteille, l’ensemble des bénéfices issus de la vente du Clos Montmartre est reversé aux oeuvres sociales du quartier.

La 84ème édition de la fête des vendanges de Montmartre aura lieu du 11 au 15 octobre. Crédit : Comité des fêtes de Montmartre
La 84ème édition de la fête des vendanges de Montmartre aura lieu du 11 au 15 octobre. Crédit : Comité des fêtes de Montmartre

Adossé à son comptoir, le caviste Jérémy Vincent grimace à l’évocation de cette cuvée spéciale.  » Cette microproduction est infâme à la dégustation: c’est un vin clairet, presque limpide et acide. Mais je comprends qu’on veuille s’approprier un bien unique de Montmartre », explique-t-il. Une production de qualité moyenne qui se justifie par sa situation géographique.

1 556 m2 de vignes

Au XVIIe et XVIIIe siècle, les vignes recouvraient les trois quarts de la colline. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 1 556 m2, plantés au Nord de la Butte, entre la rue des Saules et la rue Saint-Vincent. « De ce côté là, il n’y a pas de lumière. Les vignes ont besoin au minimum de cent jours de soleil. De plus, des cépages de toutes sortes sont mélangés : pinot noir, gamay et autres variétés. On ne s’y retrouve plus gustativement », poursuit le propriétaire de la cave à vin.

Cette carte postale est une reproduction d’une gravure de 1820. Crédit : Archives de Paris
Cette carte postale est une reproduction d’une gravure de 1820. Crédit : Archives de Paris

Installé dans la boutique juxtaposant la cave, le maire du Bas-Montmartre, Guy Florentin souhaite avant tout faire perdurer, à travers cette production, la tradition viticole à Paris. « Les premières vignes ont été plantées au XIIe siècle par les soeurs de l’abbaye de Montmartre. Elles ont par la suite progressivement disparu pour laisser place à des habitations. Puis, elles ont réapparu en 1933 », développe l’antiquaire féru d’histoire.

Malgré la fermeture des chais de Bercy où s’élaboraient vins et spiritueux au XIXe siècle, la capitale s’accroche à son héritage viticole à travers la conservation de ses vignes à Montmartre, mais pas seulement. A Belleville, on produit aujourd’hui du pinot meunier, quant au parc de Bercy, on y retrouve du Chardonnay et du Sauvignon blanc. Une manière de nous rappeler que l’Ile-de-France était au XVIIIe siècle, la première région vinicole et viticole de France.

Garance Feitama

Harvey Weinstein : quand le pouvoir étouffe les peurs

Les témoignages pleuvent contre le « monstre » du cinéma Harvey Weinstein. Harcèlement, violences, viols : deux actrices françaises racontent l’emprise du producteur sur leur jeune carrière. Décrit par certaines comme un « prédateur », Harvey Weinstein a bénéficié de la complicité d’une partie de son entourage. Derrière cette affaire, se pose la question du harcèlement sexuel en milieu professionnel et de la difficulté d’en parler.

Judith Godrèche est l'une des deux actrices ayant témoigné avoir été harcelée par le producteur américain Harvey Weinstein. (Georges Biard/CC)
Judith Godrèche est l’une des deux actrices ayant témoigné avoir été harcelée par le producteur américain Harvey Weinstein. (Georges Biard/CC)

1996. Judith Godrèche, 24 ans, rencontre Harvey Weinstein au Festival de Cannes. Le producteur vient tout juste d’acheter les droits du film « Ridicule », dans lequel joue l’actrice. Dans une enquête publiée par le New York Times, Judith Godrèche raconte comment ce prétexte a permis au producteur de l’isoler, avec lui, dans sa chambre d’hôtel. Weinstein se serait « collé » à elle, avant qu’elle prenne la fuite. « J’étais si naïve, je ne m’y attendais pas », avance l’actrice, vingt ans après les faits. A l’époque, Judith Godrèche affirme avoir appeler un membre de l’équipe de production pour lui signaler l’incident. L’équipe lui avait prié de ne rien dire. « Ils avaient mis mon visage sur l’affiche, explique l’actrice. C’est Miramax, on ne peut rien dire du tout ».

« Je sentais que plus j’avais peur et plus il était excité »

Autre journal, autres révélations. Dans une enquête fouillée, le New Yorker a révélé hier de nouvelles accusations concernant le producteur. En 2010, l’actrice Emma de Caunes accepte un déjeuner au Ritz, à Paris. Weinstein lui parle d’un rôle important, pour un film adapté d’un livre. Il invite l’actrice à monter dans sa chambre, pour lui montrer l’ouvrage. Une fois passé la porte, Weinstein file dans la salle de bain et en ressort entièrement nu. « J’étais pétrifiée, raconte Emma de Caunes, mais je ne voulais pas qu’il voit cette terreur parce que je sentais que plus j’avais peur et plus il était excité ». L’actrice affirme que dans le milieu hollywoodien, les frasques du producteur ne sont pas un secret. « Il ne se cache pas vraiment. Je veux dire, la manière dont il le fait, qui implique plusieurs personnes, qui deviennent autant de témoins potentiels. Mais tout le monde était trop terrorisé pour parler ».

La loi du silence

Cette peur, Franck Bénéï la connaît bien. À la Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des familles, il déplore le silence des femmes harcelées sexuellement au travail. « La loi est pourtant très claire sur le sujet, elle protège les femmes de ce genre de prédateur. Mais trop nombreuses sont les femmes qui ignorent leurs droits, affirme Franck Bénéï. Certains hommes en profitent. Le cas Weinstein est spectaculaire parce qu’il règne sur le 7e art et qu’il est proche du Parti démocrate aux Etats-Unis, mais cette affaire cache une réalité plus large, loin du monde des célébrités et du scandale. Le nombre de femmes victimes de viol est chaque année plus alarmant, or le sujet reste trop peu abordé dans les médias« .

Pour l’heure, plus de vingt femmes ont affirmé avoir été agressées par Harvey Weinstein, à divers degrés. Suite aux premières révélations du New York Times, le producteur a été licencié de la Weinstein Company. Hier soir, sa femme Georgina Chapman a annoncé qu’elle le quittait. « Mon cœur se brise pour toutes les femmes qui ont souffert d’une peine énorme à cause de ces actions impardonnables », a-t-elle déclarée dans un communiqué.

Les internautes expriment depuis leur colère sur les réseaux sociaux via le hashtag #HarveyWeinstein. Plusieurs personnalités politiques américaines proches d’Harvey Weinstein ont également dénoncé le comportement du producteur, dont Barack Obama et Hillary Clinton.

Léa DUPERRIN

« Detroit », le film qui résonne dans son époque

Le nouveau long-métrage de la réalisatrice oscarisée Kathryn Bigelow sort ce mercredi sur le grand écran. 

 

Capture d'écran youtube de la bande annonce de Detroit
Capture d’écran youtube de la bande annonce de Detroit

Le film s’appelle Detroit. Pas besoin de plus tant le nom de cette ville américaine évoque en lui-même le lourd passif raciste de l’Amérique. La métropole est la plus touchée par la ségrégation. Noirs et blancs sont divisés par la route 8 mile, la fameuse ligne évoquée par le rappeur Eminem dans son film semi-autobiographique.

Detroit s’ouvre en musique, dans une fête où des noirs s’amusent, flirtent et se détendent. Puis la police s’invite dans ce bar clandestin et commence à embarquer tout le monde arbitrairement. Autour, la foule se rassemble et le mécontentement gronde. Nous sommes en 1967, la guerre au Vietnam fait rage, le mouvement pour les droits civiques prend de l’ampleur. Deux ans plus tôt, les émeutes violentes de Watts ont secoué Los Angeles. L’ambiance est explosive. La scène du bar est un détonateur. Detroit s’embrase.

La violence policière et le racisme

« Tu as quitté une guerre pour une autre« , s’entend dire un soldat noir-américain, tout juste rentré du Vietnam. La réalisatrice Kathryn Bigelow se concentre sur un épisode qui cristallise l’histoire des relations des noirs avec la police : la nuit de l’Algiers Motel. Le déroulé des évènements est retracé de manière précise et documenté grâce aux recherches de Mark Bial, le scénariste et aux images d’archives.

Là encore, il est question de jeunes qui s’amusent et de policiers qui débarquent après avoir entendu de possibles tirs. Dans ce motel, la police va se déchainer contre des noirs américains à peine sortis de l’adolescence. Coups, intimidations, insultes, manipulation et meurtres… Dans ce huis clos, le sadisme atteint son paroxysme. Le racisme des forces de l’ordre se donne en spectacle, impunément puisque les policiers responsables de la tragédie du motel seront acquittés.

A l’instar de son traitement de la torture à Guantanamo, Kathryn Bigelow n’épargne aucune scène de violence au spectateur. Elle semble chercher à faire comprendre à tous ce qu’est être un jeune homme noir aux Etats-Unis en 1967… mais aussi 50 ans plus tard. Les images récentes de Trayvon Martin et Eric Garner, victimes noires parmi tant d’autres, de la violence policière, reviennent en mémoire devant le film.

La bande-annonce de Detroit :

Anaïs Robert

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Violences faites aux femmes : la une des Inrocks ne passe pas

L’hebdomadaire culturel Les Inrocks a choqué ce mercredi en mettant en une l’ex-chanteur de Noir Désir, Bertrand Cantat, condamné en 2004 à huit ans de réclusion criminelle pour l’homicide involontaire de sa compagne Marie Trintignant. De nombreuses personnalités ont critiqué ce choix, dénonçant la banalisation de la violence faite aux femmes orchestrée par l’hebdomadaire. 

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La une des Inrocks sorti en kiosque ce mercredi matin, mettant à l’honneur Bertrand Cantat, l’ancien leader de Noir Désir, condamné en 2004 à huit ans de réclusion criminelle pour l’homicide involontaire de sa compagne Marie Trintignant, ne passe pas. L’hebdomadaire culturel présente la reconstruction de l’artiste, lui qui avait frappé l’actrice à coups de poings.

La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, s’est insurgée dans un tweet.

Comme elle, de nombreuses personnalités, journalistes et blogueurs ont exprimé leur désaccord face à cette une. Notamment la journaliste Nadia Daam qui a rappelé dans un tweet les faits qui l’avaient mené en prison.

De son côté, la bloggeuse féministe Crêpe Georgette a rappelé dans un post que ce choix de une n’est pas sans conséquence dans un pays où une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint.

« Les Inrocks en mettant cet homme à la Une, nous envoient un message clair. On peut en France tuer une femme et faire la une d’un journal comme si de rien n’était, comme si tout cela était de vieilles histoires sur lesquelles on peut bien tirer un trait. Une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint. Les chiffres ne baissent pas. Cette couverture envoie le signal clair qu’on peut commettre un féminicide et continuer sa vie tranquillement. Cela envoie comme souvent en ce qui concerne les auteurs de violences faites aux femmes, le signal d’une impunité totale. »

Comme pour ajouter à l’insulte, Les Inrocks joignent à leur numéro un CD promotionnel incluant une chanson du rappeur Orelsan, souvent critiqué pour ses textes violents à l’égard des femmes. L’ancienne ministre des Familles, de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol, a fustigé ce choix sur son compte Twitter.

 

Clara Charles