Marc Lévy et ses fans : deux décennies d’attachement

Le dernier roman de Marc Lévy, Ghost in Love, sort aujourd’hui en librairie. 19 ans après la première parution de l’auteur à succès, son lectorat, majoritairement féminin est encore au rendez-vous.

 

Le roman trône sur les étalages, entouré du dernier roman de Guillaume Musso, son principal concurrent
Crédit : Esther Michon
Le rayon « actualités » est placé à l’entrée du magasin pour attirer les passants
Crédit : Esther Michon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rideau de fer de la Fnac des Halles vient à peine de se lever que les libraires s’affairent déjà à mettre un nouveau livre sur les étalages. Ce mardi 14 mai, sort Ghost in love, le dernier roman de l’écrivain.

Depuis quelques années, ses romans sortent au mois de mai. Une date qui n’est pas choisie par hasard par la maison d’édition, Robert Laffont. Pour Virginie Anton, libraire de l’enseigne, cette date est  « proche de la date de la Fête des Mères mais aussi de celle des beaux jours et des vacances « . Une temporalité qui se prête au début du printemps et aux lectures dites plus légères.

Succès en librairie

Car la littérature de Marc Lévy est souvent décrite comme celle des « best-sellers », un genre critiqué par les héritiers d’une tradition littéraire française élitiste. Ainsi, le juste milieu n’existe pas lorsque l’on parle de la littérature de Marc Lévy. Il y a les lecteurs qui adorent et ceux qui détestent.  Les deux jeunes créateurs de la chaîne de vulgarisation littéraire, Le Mock, Redek et Pierrot, se sont soumis à l’exercice  » Pour ou contre Marc Lévy ? » pour discuter du terme « bon ou mauvais roman ».

Depuis maintenant 19 ans, il est impossible de passer à côté de ses romans sur les étagères des librairies ou sur les affiches publicitaires. Comme son concurrent Guillaume Musso, autre mastodonte de la littérature à succès, l’écrivain publie à un rythme soutenu, presque tous les ans.
Selon la libraire de la Fnac,  les auteurs de romans à succès s’ajustent à ce qui marche. L’idée de la seconde chance et des nouveaux départs dans la vie est donc une thématique présente dans Ghost in love. Selon elle,ce thème entre dans la tendance du développement personnel, très à la mode aujourd’hui. « Quelque part, ces auteurs de bestseller ont initié le « feel good book« , l’équivalent anglais du « feel good movie » , un livre dont la lecture nous immerge, nous détend et nous propose un « happy end ».

La méthode d’écriture de l’auteur est bien huilée : des personnages attachants, des histoires abracadabrantes et magiques pour des dénouements surprenants et heureux. Les lieux des romans, eux, font voyager les lecteurs. « Au fil du temps, j’ai apprécié sa précision au niveau des lieux où il nous emmené : la France, la Turquie, les USA. C’est un vrai voyage touristique et culturel que de lire Marc Lévy » explique Mélissa Sadet, écrivaine et chargée de clientèle dans une maison d’édition. Sa lecture des œuvres de Marc Lévy s’est toutefois essoufflée depuis quelques années.  Après une courte pause, elle a pourtant racheté le dernier roman de Marc Lévy le jour de sa sortie. Et elle n’est pas la seule à l’avoir attendu.

Des fans, toujours séduits

Ghost in love a bénéficié d’un tirage exceptionnel de plus de 350 000 exemplaires. Depuis le premier roman publié en 2000 Et si c’était vrai, les fans du romancier attendent avec hâte chaque nouvel opus, quitte à se ruer le jour-même en librairie pour se le procurer.  Sur  les réseaux sociaux, certains ont déjà acheté le vingtième roman de l’écrivain et s’apprêtent à le lire d’une traite.

Les fidèles lecteurs de Marc Lévy ont leurs petites habitudes comme tous les fans : collectionner les romans, leur dédier une étagère de leur bibliothèque ou encore refuser de prêter leurs livres sauf à des personnes de confiance. C’est tout un rituel de « vrai collectionneur » qui est à l’œuvre. Certains ont même ont rejoint un groupe Facebook intitulé  » Fans de Marc Lévy », créé en 2015 et composé de plus de 1500 utilisateurs du réseau social. Pour ces  auteurs à succès, échanger avec ses fans est aussi un moyen de créer un lien durable et constant. Les séances de dédicaces sont notamment le moyen le plus sûr de fidéliser ses lecteurs.

Sandrine et son auteur préféré, en dédicace à la Fnac Saint-Lazare pour la sortie de « Un sentiment plus fort que la peur » Crédit : Sandrine Rizzotto

Pour les fans les plus passionnés, la correspondance reste un moyen d’échange privilégié. La romancière Amélie Nothomb est fréquemment prise en exemple pour illustrer le rapport intime entre un auteur et ses lecteurs. . Depuis 2001, Sandrine Rizzotto, assistante de direction, communique elle avec Marc Lévy une à deux fois par mois. « Un lien très amical et rigolo s’est créé » raconte cette grande passionnée, qui attendait avec hâte la sortie de « Ghost in land » comme un cadeau d’anniversaire.

 

Esther Michon

 

 

« A Plague Tale » : sortie du jeu vidéo 100% français

Les joueurs de « A plague tale » suivront la jeune Amicia et son petit frère Hugo. / Crédit : 2019 Asobo Studio and Focus Home Interactive.

Le studio bordelais Asobo Studio sort mardi un jeu vidéo très attendu et qu’il a créé de toutes pièces : « A Plague Tale : Innocence ».  L’entreprise fait référence dans le domaine depuis plus d’une quinzaine d’années. Ses opus avaient été très salués jusque là, mais uniquement dans le cadre de commandes. L’équipe sort aujourd’hui ce nouveau jeu sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, l’aboutissement de quatre ans et demi de travail à la conception et au développement de cette aventure médiévale.

Dès les premières previews présentées il y a un mois et demi, le projet s’était attiré les enthousiasmes et les attentes. Le joueur pourra suivre la jeune Amicia et son petit frère Hugo qu’elle devra protéger, dans un périple entre la Dordogne et les Pyrénées et dans un XIVe siècle ravagé par la peste noire. Une reconstitution donc historique et fidèle, à la fois sensible et violente. Le projet a mobilisé 45 personnes et coûté environ 10 millions d’euros.

Maëlane Loaëc

Quand les affiches de Cannes racontent leur époque

Crédit: Festival de Cannes
Depuis 72 ans, les affiches du festival créent l’evénement. Cette année, deux affiches différentes rendent hommage à la réalisatrice Agnès Varda décédée en mars et à Alain Delon, qui reçevra une Palme d’honneur. Si les affiches sont une vitrine pour les festivités, elles sont également révélatrices de leur temps. Chronologie en images.
L’après-guerre

L’idée d’un festival international naît à la fin des années 1930 pour contrer le festival de la Mostra de Venise, politiquement très proche des gouvernements fascistes. En août 1939, le festival se prépare. Les stars affluent dans la petite ville littorale de Cannes. Le 1er septembre, jour de l’ouverture, les troupes nazis envahissent la Pologne. Le festival est annulé.

La véritable première édition a finalement lieu en septembre 1946, un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au sortir du conflit le plus meurtrier et destructeur de l’Histoire, l’envie de se rassembler autour du cinéma se fait encore plus forte.  Pendant une décennie, c’est une ribambelle de drapeaux qui colorent l’affiche du festival : URSS, France, Allemagne, tous ensemble tous ensemble eh eh… Dans les années 1960, les relations entre l’Ouest et l’Est se tendent. Fini les drapeaux.

Flower power

Alors que The Mamas and the Papas chantent California Dreaming, les affiches se peuplent de couleurs chaudes et de formes arrondies…  Un vent de liberté souffle sur Cannes.

En 1968, l’affiche devient carrément psychédélique. Le festival commence en plein pendant les événements de mai. L’édition s’achève six jours à l’avance suite à une mobilisation en soutien aux étudiants des personnalités du cinéma français – parmi eux François Truffaut, Claude Berri ou Jean-Luc Godard. La projection du film Peppermint frappé de Carlos Saura est perturbé par les contestations des réalisateurs qui souhaitent interrompre l’édition. Saura décroche lui-même l’affiche de son film pour empêcher sa projection. Roman Polanski, jury du festival cette année-là, démissionne en signe de solidarité. Comme on dit : sous la croisette, la plage.

La demoiselle de dos sur l’affiche de la 29e édition vous rappelle quelque chose ? Ne criez pas trop vite au plagiat… Ou pas dans le sens que vous croyez ! Sachez que Pink Floyd n’a rien inventé. L’affiche avec les six jeunes femmes callipyges date de 1997.

La décennie sans inspi’

Nous vous épargnons le détail des années 1980, qui commencent comme ceci.

Non, ce n’est pas une erreur. On t’aime quand même, Marylin.

La découverte de Paint

Les années 1990 marquent l’avènement de l’informatique. Les nouveaux outils technologiques en ont inspiré plus d’un… Vous vous souvenez les longues heures passées à vous éclater sur Paint ? Certes, l’art du détourage et du gribouillage a des vertus relaxante. Mais après avoir créé, vous fermiez la fenêtre sans enregistrer vos œuvres. Eh bien les graphistes du festival, eux sauvegardaient. Ce qui nous a valu un bébé Moïse marchant sur l’eau et une nuée poétique de pellicules. C’est beau la modernité.

Les heures sombres

Si c’est douloureux pour vous de repenser aux mèches décolorées sur le sommet du crane des Backstreet boys ou aux tenues de Britney, tenez vous bien. Alors que Diam’s gagnait sa première Victoire de la Musique, le festival se fendait d’une affiche en camaïeu de bleus. Les années 2000 ou l’élégance avant tout.

 

L’ère Instagram

A l’heure des réseaux sociaux, les affiches du festival se parent de leurs plus beaux filtres. Toaster et Nashville niveau 100. Les couleurs ne sont jamais assez vives, les contrastes jamais assez marqués. Les retouches trahissent également l’obsession du corps. En 2017, la photographie de la sublime Claudia Cardinale avait suscité la polémique pour avoir aminci l’actrice.

Antonella Francini

Romain Gary entre dans La Pléiade : portrait d’un écrivain « insaisissable »

Il est le seul écrivain a avoir reçu deux fois le prix Goncourt. 40 ans après sa disparition, Romain Gary entre dans La Pléiade.
40 ans après sa disparition, l’auteur Romain Gary entre à La Pléiade. / Yann Forget – Wikimedia Commons – CC-BY-SA-3.0

« Ouvrir un livre de Gary, c’est consentir à passer du rire aux larmes » mais aussi « aller à la rencontre d’un homme insaisissable, paradoxal et contradictoire », raconte l’universitaire Mireille Sacotte, qui a dirigé les deux volumes de La Pléiade consacrés à Romain Gary. Les deux tomes paraîtront officiellement ce jeudi, quarante ans après la disparition de l’auteur.

Le tome 1 de La Pléiade (1 536 pages, 63 euros) s’ouvre avec le premier roman publié par Gary, Éducation européenne (1945, couronné par le prix des critiques). Le tome 2 (1 728 pages, 66 euros) se clôt avec son dernier roman Les cerfs-volants (1980). A 35 ans de distance, ces deux livres ont pour sujet la Seconde Guerre mondiale et plus précisément la Résistance, un thème toujours en filigrane dans ses romans.

L’édition de La Pléiade a mis de côté les nouvelles, le théâtre, les articles, les entretiens et les essais de Gary pour ne conserver que ses romans et récits. On y retrouve donc ses deux romans récompensés par le prix Goncourt : Les racines du ciel en 1956 et La vie devant soi en 1975, signé sous le pseudonyme d’Émile Ajar. Parmi les autres titres rassemblés dans la Pléiade figurent entre autres La promesse de l’aube, une autobiographie à ne pas prendre au pied de la lettre, Lady L., roman de pure fantaisie et La danse de Gengis Cohn qui a comme narrateur un Juif revenu hanter la conscience de l’ancien Nazi qui l’a fusillé.

Parallèlement à la sortie des deux volumes de la Pléiade, Gallimard propose un album richement illustré (offert pour l’achat de trois Pléiade) consacré à l’écrivain. C’est un Gary plus intime, « éternel insatisfait de soi, éternel écorché vif », qui apparaît dans ce recueil réalisé par Maxime Decout, maître de conférences à l’université de Lille.

 

Écrivain insaisissable

Durant toute sa vie d’adulte, Romain Gary s’amuse à faire planer le doute sur son identité. Dans ses différentes déclarations aux médias, il fait varier son nom, son lieu de naissance, la nationalité de sa mère. Il va jusqu’à renier son père, se présentant comme un « bâtard juif russe, mâtiné de Tartare ». Il laisse même courir la légende, dans divers écrits et interviews, qu’il est le fils du comédien russe Ivan Mosjoukine.

En réalité, Romain Gary est né Roman Kacew en mai 1914. Il est le fils d’un fourreur et d’une modiste de Wilno (actuelle Vilnius, capitale de la Lituanie), ville tour à tour russe, allemande puis polonaise. Élevé seul par sa mère Mina dès ses 11 ans, ils partent tous les deux pour la France en 1928. Sa mère est persuadée que dans ce pays, son fils pourra s’accomplir pleinement en tant que diplomate ou artiste.

Après des études de droit, il est mobilisé pour la guerre. Romain Kacew sera l’un des premiers à rejoindre le général de Gaulle en 1940. En 1943, il est rattaché en Grande-Bretagne au groupe de bombardement de Lorraine. C’est durant cette période qu’il choisit le nom Gary, signifiant « brûle ! » à l’impératif en russe. « C’est un ordre auquel je ne me suis jamais dérobé, ni dans mon oeuvre, ni dans ma vie », racontait-il.

Au total, il effectue plus de vingt-cinq missions, totalisant plus de soixante-cinq heures de vol. A la fin de la guerre, il est fait Compagnon de la Libération et nommé capitaine. Il entame par la suite une carrière de diplomate au service de la France et publie, parallèlement, ses premiers romans.

A ceux qui l’interrogeront encore et encore pour connaître sa véritable nationalité, le pilote de guerre, Compagnon de la Libération, répondait invariablement : « Ma nationalité, c’est Français libre. »

Romain Gary se suicide d’une balle dans la bouche en décembre 1980, à 66 ans. Il laisse derrière lui une lettre pour expliquer son geste. « Peut-être faut-il chercher la réponse dans le titre de mon ouvrage autobiographique : La nuit sera calme et les mots de mon dernier roman: « car on ne saurait mieux dire » ». « La nuit sera calme, note Maxime Decout, l’expression est celle que le pilote murmurait pour se fortifier et se rasséréner avant le combat ».

Alice Ancelin