Comment représenter l’inceste au cinéma ?

En salles depuis mercredi, L’été dernier de la réalisatrice Catherine Breillat revient sur la relation torturée et incestueuse entre une mère et son beau-fils. Un thème souvent abordé au cinéma, entre dénonciation et banalisation. 

Un secret entre nous, que personne ne peut comprendre. Au cinéma, la formule est courante et suffit pour planter un décor incestueux; un même sujet qui se retrouve au cœur du quatorzième film de Catherine Breillat, sorti mercredi dans les salles obscures. L’été dernier, c’est l’histoire d’Anne, avocate, et de Théo, son beau-fils de 17 ans. L’histoire de leur romance surtout, et du désir naissant qui finit par consumer Léa Drucker, érigée en Phèdre des temps modernes. La réalisatrice prend le parti de filmer le basculement de l’avocate incestueuse qui menace de briser l’équilibre familial et bourgeois qui régnait jusque-là. Jusqu’à voir cette passion assumée ?

Le chemin de croix des victimes

Ce n’est pas la première fois que la question se pose pour le septième art, où l’inceste, lorsqu’il est abordé, constitue souvent la clef de voûte d’une intrigue qui voit ses personnages sombrer ou se sacrifier jusqu’à « avouer » le crime dont ils ou elles ont fait l’objet. Le plus rapide à briser la tension étant le film du cinéaste danois, Thomas Vinterberg. Avec Festen en 1998, le fondateur du Dogme95 frappe fort et retranscrit le sentiment d’impuissance des victimes d’abus et le chemin de croix jusqu’à la reconnaissance du crime commis sur eux.

En filmant la réunion familiale à la manière de vieilles cassettes qu’on regarde tous ensemble à Noël, le réalisateur montre l’isolement du personnage principal, qui n’a de cesse de dénoncer les abus du patriarche devant sa famille au complet. Pourtant, le silence devient la pire des sentences; il ne faut pas déranger l’assemblée. Comme une page blanche où tous les reproches s’écriraient, la simplicité du silence inflige le refus d’une reconnaissance en tant que victime. Petit à petit, le doute finira par s’instiller; les convives peinent à y croire. Le spectateur, quant à lui, commence à récréer le fil des évènements, et comprend la détresse de chaque membre de la fratrie.

Ce même poids de la complicité se retrouve dans le récent Paula, d’Angela Ottobah. Pour son premier film sorti en juillet, la réalisatrice française aborde son histoire personnelle – les abus commis par son père. Cette fois-ci, la caméra épouse le regard incestueux du père à la dérive envers sa fille, retardant sans jamais montrer les moments redoutés. La menace plane, se devine, se dénie, devient une évidence. Aucune parole en ce sens ne sera pourtant prononcée. La mère, silencieuse et désintéressée campe à l’écran un spectateur impuissant. Autour, les amis de la petite fille s’interrogent, sans poser de questions.

L’élément de résolution

Pour d’autres films toutefois, le terme « inceste » n’apparaît que comme l’élément de résolution, implicite ou explicite. On peut ainsi citer Volver (2006), le chef-d’œuvre du réalisateur Pedro Almodovar, où les abus sont présentés comme une malédiction qui frappe les femmes de chaque génération et où chacune ignore que l’autre sait. La compréhension d’un schéma itératif permet de briser cette fatalité et ce secret de famille. Dans ce cas précis, l’ensemble des actes incestueux commis n’est révélé qu’à la toute fin, mettant fin au cauchemar d’une famille – et aux fantômes du passé incarné par la supposée grand-mère « ressuscitée ».

En feignant de ramener les morts à la vie, le cinéaste espagnol libère la parole de ses héroïnes, et met fin aux années de silence coupable; le même parti pris cinématographique se retrouve dans Le Monde de Charlie (2013), adapté du roman de Stephen Chbosky. Charlie, un adolescent dépeint comme un peu bizarre, pas en accord avec les autres de son âge, laisse transparaître son malaise grandissant jusqu’à hurler les abus qu’il a subis. Ce n’est donc pas tant la tragédie de l’inceste que ses conséquences irréversibles sur l’émancipation de leurs personnages que ces deux longs-métrages abordent.

Le spectre du fantasme

Ce qui fait que le désir basculant en passion incestueuse n’est que rarement filmé, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une relation entre une femme plus âgée et un enfant mineur – Dalva (2022) d’Emmanuelle Nicot se concentrait sur l’emprise exercée sur une petite fille. Le crime incestueux se mue souvent en personnage à part entière, à l’instar d’une ombre faisant planer un sentiment distillé de malaise tout au long de la narration. Sujet de cinéma, l’inceste manquerait parfois de devenir son fantasme.

Aussi bien dans Mommy (2012) que dans L’Associé du diable (1997) ou même dans la série Game of Thrones, le vice revêt des allures de fantasme inavouable. Plus classique, le conte Peau d’Âne, adapté par Jacques Demy, l’instaure en élément déclencheur, sans réellement mentionner l’immoralité d’une telle relation entre un père et sa fille. Sans condamnation morale de la part du réalisateur, il faudrait attendre du spectateur lui-même de tirer les conclusions d’une telle représentation d’actes incestueux. Mais au-delà du traitement entre dénonciation et banalisation, le septième art s’empare d’un sujet de société tabou. Alors que le gouvernement français vient de diffuser la toute première campagne de prévention télévisée sur l’inceste, sans doute que sa présence à l’écran ne peut qu’alerter de sa réalité.

Lise Tavelet

Saisons Hanabi : le festival de films japonais est de retour en France

Quelques mois après la dernière édition du festival de films japonais, l’association Hanabi Community annonce le retour des Saisons Hanabi dès le 31 mai 2023 jusqu’au 7 juin pour une nouvelle édition. À cette occasion, sept longs métrages japonais seront diffusés dans plus de deux cents cinémas français.

Les Saisons Hanabi, le plus grand festival de films japonais est revenu en France. 7 films japonais seront projetés dans plus de 200 cinémas français. Crédits : Michael Gaida / Pixabay

Êtes-vous passionné par la culture nippone ? Si oui, alors embarquez pour le Japon grâce à un film japonais par jour avec Les Saisons Hanabi, le plus grand festival de films japonais au monde. Durant cette nouvelle édition, sept longs-métrages japonais seront diffusés dans plus de 200 cinémas en France. « Le concept est simple : un film différent chaque jour de la semaine, agrémenté d’animations thématiques », annoncent les organisateurs.

Les cinémas de France sont libres de choisir leurs dates pendant la saison dédiée pour programmer les projections des films du festival. Des cinémas tels que le Mk2 Bibliothèque, le Pathé Convention, Max Linder Panorama ou l’UGC des Halles, accueillent le festival à Paris pendant cette nouvelle édition.

Rencontre emblématique

Pour la première fois, le festival organisera une rencontre avec le réalisateur japonais Kôji Fukada qui présentera au public son dernier film « Love Life », sélectionné au festival de cinéma Mostra de Venise, et l’un de ses premiers films, « La Comédie humaine », le mercredi 7 juin au cinéma Max Linder Panorama.

D’après les organisateurs du festival, le titre du film est inspiré de la chanson de la chanteuse de jazz et de pop japonaise Akiko Yano et de ses paroles emblématiques : « Quelle que soit la distance qui nous sépare, rien ne peut m’empêcher de t’aimer.« 

Le réalisateur a découvert ce morceau à l’âge de 20 ans et il a été bouleversé par l’oeuvre de la chanteuse. « Akiko Yano n’est pas quelqu’un qui cherche le succès, c’est une musicienne d’une très grande exigence », raconte Kôji Fukada au magazine Troiscouleurs. Il espère que le film sera l’occasion, pour le public français, de découvrir la créativité de la chanteuse. Le film Love Life invite les spectateurs à repenser l’amour, mais aussi l’intimité, la proximité, et la distance.

Tradition de l’Hanabi

L’association Hanabi est portée par des « passionnés » de la culture japonaise depuis 2018. Elle partage au plus grand nombre la culture nippone et ses spécificités. Le nom du festival fait ainsi référence à la tradition du Hanabi, littéralement des « fleurs de feu ». Il s’agit d’un spectacle de feux d’artifice qui se déroule en période estivale au Japon. Au mois de juillet et d’août, au moins 7000 hanabi éclairent le ciel, du nord au sud du pays. Les fusées les plus puissantes peuvent faire plus de deux kilomètres d’envergure.

Anna Vasylenko

 

A Compiègne, le festival Plurielles célèbre les femmes et l’inclusion

Le festival de films Plurielles se tiendra du 11 au 19 juin 2021, au cinéma le Majestic à Compiègne. Malgré les contraintes sanitaires, ses organisateurs ont tout mis en oeuvre pour maintenir cette quatrième édition, qui se déroulera en présence de grands noms du cinéma français, comme Emmanuelle Béart ou encore Aïssa Maïga.

Affiche officielle de l’édition 2021 du festival Plurielles. © Illustration: Aude T.L / AudeIllustration

« C’est un travail acharné, surtout là, à dix jours de l’événement. C’est le travail d’une année, il faut aller chercher les meilleurs films, trouver comment arranger la programmation… » Quentin Delcourt, réalisateur et co-créateur du Festival Plurielles, est sur le qui-vive. Pour la quatrième fois, le cinéma le Majestic, à Compiègne (Oise), accueille cet évènement unique dans la région. Son objectif : mettre en lumière les femmes et prôner des valeurs d’inclusion à travers le cinéma.

Ce projet est le fruit de la rencontre entre Quentin Delcourt et Laurence Meunier, PDG du cinéma compiégnois. « On s’est rencontrés en 2017 au festival de Cannes », se remémore le réalisateur. Dans son métier, ce dernier met un point d’honneur à valoriser les femmes – il est notamment à l’origine du documentaire Pygmalionnes, dans lequel il interroge onze femmes sur leur expérience au sein de l’industrie du cinéma.

Le Majestic, que Laurence Meunier dirige depuis 2002, organise régulièrement des débats en présence d’associations pour la défense des femmes. L’idée de créer un festival plaçant les actrices sur le devant de la scène est ainsi venue naturellement. Un an après leur rencontre, l’évènement est né. Et ce dernier ne cesse de prendre de l’ampleur au fil des années.

Une édition adaptée aux consignes sanitaires 

La pandémie de Covid-19 n’avait pas non plus empêché l’édition 2020 de se tenir. Les organisateurs ont su s’adapter aux contraintes sanitaires et sont prêts à recevoir de nouveau le public. « La première difficulté, ce sont les jauges réduites, on ne peut pas dépasser 65% d’occupation. Il va falloir gérer les flux, et on ne peut pas avoir de grand cocktail d’ouverture et de clôture, souligne Quentin Delcourt. C’est un peu frustrant, mais en même temps ça aurait été pire de devoir annuler. »

Au programme de cette année, une sélection de films éclectique et internationale.  Rouge de Farid Bentoumi, True Mothers de Naomi Kawase, ou encore Sœur, avec Isabelle Adjani et réalisé par Yamina Benguigui, font notamment partie de la compétition officielle. Pour la première fois, documentaires et courts-métrages seront aussi en compétition.

 

Un jury d’exception et plusieurs nouveautés 

Le jury du festival Plurielles sera co-présidé par les actrices et réalisatrices Emmanuelle Béart et Aïssa Maïga. Parmi ses membres, on retrouvera Camélia Jordana, Sarah Stern et bien d’autres. De grands noms du cinéma français figurent également parmi les invités.

Autre nouveauté : la création du « jury Plurielles émergence ». « Il va récompenser le meilleur premier film français. Il sera présidé par Anne Parillaud et composé de sept membres », précise Quentin Delcourt.

L’évènement sera aussi ponctué de plusieurs rencontres littéraires : Enora Malagré sera notamment présente le 12 juin pour présenter et dédicacer son livre Un cri du ventre, dans lequel elle évoque son combat contre l’endométriose.

Les places pour le festival sont déjà disponibles et peuvent être réservées en ligne. Le tarif plein pour une séance est de 6 euros. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site du festival Plurielles.

Rachel Cotte

Cannes 2021 : les contours d’une sélection prometteuse

Le festival de Cannes dévoile ce jeudi 3 juin sa sélection de films en lice pour sa 74e édition. La programmation s’annonce faste. 

Le Festival de Cannes dévoile ce jeudi la sélection de films de sa 74e édition. © Merch Hüsey

Avis aux cinéphiles : le festival de Cannes, qui se déroulera du 6 au 17 juillet 2021, révèle ce jeudi sa très attendue programmation. Le délégué général du plus grand rendez-vous mondial du 7e art, Thierry Frémaux, a déjà annoncé trois noms parmi les films soumis au jury présidé par le cinéaste Spike Lee.

C’est un Français, Leos Carax, qui ouvrira le bal avec Annette. Le film réunit Adam Driver (vu dans la série Girls ou encore dans le succès Netflix Marriage Story) et la Française qui perce aux Etats-Unis, Marion Cotillard. L’histoire se situe à Los Angeles. Un couple à la renommée internationale voit sa vie bouleversée par l’arrivée de son premier enfant, une fille mystérieuse au destin exceptionnel.

Dans un autre genre, le sulfureux Paul Verhoeven (Basic InstinctElle) présentera son dernier film, Benedetta, sur une nonne lesbienne au XVIIe siècle, interprétée par Virginie Effira. Wes Anderson est aussi de retour avec The French Dispatch, un film tourné à Angoulême, dans le sud-ouest de la France, et déjà prêt l’an dernier. Le réalisateur américain a réuni au casting une farandole de célébrités. Outre son acteur fétiche Bill Murray, seront à l’écran Tilda Swinton, Timothée Chalamet, Adrien Brody, et côté français, Léa Seydoux et Mathieu Amalric.

Un suspens pour les cinéphiles

Les spéculations sur les heureux élus qui pourraient rejoindre les trois réalisateurs vont bon train : l’aîné des frères Coen, Joel Coen ? Le mystique thäïlandais Apichatpong Weerasethakul ? Ou encore Jane Campion, l’unique femme à avoir décroché la Palme d’Or, en 1993 ?

Et qui pour succéder à la Palme d’Or 2019, le succès mondial Parasite du Sud-Coréen Bong Joon Ho ? Le suspens est à la hauteur de l’attente des amateurs de films, frustrés par l’annulation de l’édition 2020 du festival, covid oblige. Réponse le 17 juillet.

Lola Dhers