Avec son débat Mélenchon-Zemmour, BFMTV veut faire de l’ombre à France 2

Ce jeudi soir, BFMTV programme en soirée un débat très commenté. Jean-Luc Mélenchon sera opposé à Eric Zemmour. En face, France 2 lance sa nouvelle émission politique Elysée 2022, avec Léa Salamé et Thomas Sotto. Une opposition de style. 

Tout était prêt. France 2 prévoyait, ce jeudi 23 septembre, de lancer sa nouvelle émission politique : Elysée 2022, avec à l’affiche un débat entre Valérie Pécresse et Gérald Darmanin, animé par les journalistes Léa Salamé et Thomas Sotto. 

L’occasion pour la chaîne du service public d’instaurer, à l’approche de l’élection présidentielle, un rendez-vous politique avec les Français. Néanmoins, ce dernier risque d’être moins plébiscité que prévu. Et pour cause, la chaîne d’information en continu BFMTV a récemment programmé, le même jour sur la même tranche horaire, un débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour.

Capture d’écran de la bande-annonce du débat de BFMTVOn ne plaisante pas avec l’audience

La nouvelle est tombée il y a quatre jours. Depuis, on grince des dents dans les bâtiments de France 2. Le site d’information Puremedias relève même, de personnes ayant requis l’anonymat, ces quelques mots : «Franchement, c’est minable. BFMTV se déshonore. C’est une volonté de nuire, pas une volonté d’informer». Pourtant, au micro de Franceinfo ce matin, Marc-Olivier Fogiel, directeur de la chaîne d’info en continu, défend son choix. « J’aurais préféré qu’on fasse ce débat un autre jour. […] Toutes nos émissions politiques sont le jeudi. Côté Mélenchon, ils voulaient y aller très vite. Côté Zemmour, un peu moins. On a regardé les emplois du temps, le seul jour possible était ce jeudi-là. ». Et le patron de la chaîne précise que « ce n’est pas Jean-Luc Mélenchon qui a imposé cette date. »

Ce qui se joue ici, c’est l’attention du public. Florian Guadalupe, journaliste de Puremédias, site d’information spécialiste des médias, nous le confirme. « C’est un évènement. Que ce soir BFMTV batte le score d’audience de France 2 ou pas, c’est un évènement. ». Etant donné qu’elle a la vocation de s’imposer comme l’émission politique qu’il faut suivre pour s’informer de l’élection présidentielle de 2022, c’est un coup dur pour Elysée 2022 de se faire voler la vedette au dernier moment, le jour de son lancement. 

« Société du spectacle »

Elsa Grangier, fondatrice du site jecomparelesprogrammes.fr, s’inquiète de la « dégradation de la personne politique ». A propos du débat de ce soir sur BFMTV, elle rappelle l’affaire des «gants de boxe de Bernard Tapie face à Jean-Marie Le Pen », en référence au débat qui avait opposé les deux hommes, organisé par Antenne 2 à l’époque. Le phénomène ne semble donc pas nouveau. Pour Frédéric Dabi, directeur de l’institut de sondage Ifop, il y a un « décalage entre la frénésie médiatique et l’intérêt pour l’opinion publique ». Avant de préciser que « Zemmour et Mélenchon sont deux personnalités très rejetées par les Français ».

Le débat de ce soir opposant Valérie Pécresse et Gérald Darmanin passe pour moins spectaculaire que celui, simultané, qui met face à face Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour. A ce propos, Elsa Grangier note qu’une « tranche croissante de la population veut du spectacle  : on cherche toujours à avoir l’affiche la plus clinquante, la petite phrase qui va peser. »

« Ce soir, on est sur un débat de droite avec Pécresse et Darmanin. Il y a un terrain commun. On a l’impression d’assister à un débat de primaire. En face, vous avez deux gros aboyeurs professionnels de la rhétorique, estampillés à l’extrême droite et à l’extrême gauche. C’est un débat clash« , poursuit la journaliste de formation. 

Avec cette affiche, BFMTV s’offre l’occasion d’une audience sans précédent, face aux grandes chaînes historiques. « Mais je ne suis pas sûre que les spectateurs restent [sur le long terme] », tempère Elsa Grangier. De son côté, elle plaide pour que le journalisme redevienne « pédagogique » et se méfie du « spectaculaire ».

Paul Guillot et Baptiste Farge 

 

 

 

 

Réforme de l’irresponsabilité pénale: « La justice cherche à s’immiscer dans un jugement médical »

L’Assemblée nationale a adopté ce mercredi le projet de loi modifiant la notion d’irresponsabilité pénale. Cette réforme vise notamment à réprimer certains actes commis après une consommation délibérée de produits psychoactifs. Des professionnels craignent que des personnes malades ne soient traitées sur le plan pénal plutôt que médical. 

La justice française va-t-elle « juger les fous »? L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, mercredi, le projet de loi visant à réformer la notion d’irresponsabilité pénale. Certains professionnels anticipent déjà des dérives, et craignent que soient jugées et condamnées des personnes nécessitant une hospitalisation psychiatrique.

Le texte réprime notamment la consommation délibérée de psychoactifs par une personne ayant eu conscience que cela pouvait la mener au passage à l’acte. Dans ce cas de figure, une personne ayant commis un homicide ou encore des violences volontaires sera jugée pour ses actes, même si son discernement était aboli.

Actuellement, l’article 122-1 du code pénal prévoit l’irresponsabilité pénale d’une personne qui « était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »

Cette réforme du droit pénal intervient en réponse à l’émotion suscitée dans le pays par le meurtre de Sarah Halimi, tuée par son voisin en 2017. En avril 2021, celui-ci avait été définitivement jugé irresponsable pénalement. Pris de bouffées délirantes à la suite d’une consommation de cannabis, les experts avaient conclu à l’abolition de son discernement au moment du crime.

La crainte d’une responsabilisation des patients psychotiques 

Le président de la république Emmanuel Macron avait alors jugé nécessaire de réformer la loi pour combler un « vide juridique ». Portée par le ministre de la justice Eric Dupont-Morretti, ce texte tente de répondre à l’objectif de « faire la distinction entre l’individu qui, atteint d’une pathologie psychiatrique, commet des faits répréhensibles, et celui qui doit sa folie à la consommation volontaire de produits psychotropes », a expliqué le garde des sceaux.

Karine Jean, psychiatre experte judiciaire près la Cour d’Appel de Paris, craint qu’une telle réforme puisse mener à une responsabilisation des patients psychotiques.  « Les choses iraient dans le sens d’une responsabilisation de la consommation de toxiques. Une personne psychotique stabilisée par un traitement, si elle consomme une substance et commet des faits, pourra être considérée comme responsable. »

Le problème, selon elle, est qu’une personne malade psychiquement « manque d’anticipation » face à ses actes. Il est donc souvent difficile de déterminer si celle-ci avait conscience qu’une consommation de stupéfiants allait la mener à commettre une infraction.

La médecin redoute ainsi que davantage d’individus ne se retrouvent jugés et emprisonnés, alors même que leur place se trouve en hôpital psychiatrique. « Je travaille à la prison de Fresnes depuis dix ans. Je vois déjà de plus en plus de psychotiques en prison, et cela va être pire avec cette loi. »

 

La réforme n’aurait pas changé l’issue de l’affaire Halimi

Yves Perrigueur, avocat pénaliste au barreau de Paris, partage les mêmes craintes. « Il faudrait les placer en hospitalisation d’office pour régler leurs problèmes de consommation de stupéfiants plutôt qu’en prison, où il n’y a pas assez de moyens pour une aide psychologique suffisante. Il faut se donner les moyens de réussir à stopper la récidive de faits graves», estime l’avocat.

Celui-ci voit, par ailleurs, avant tout ce texte comme une réponse politique à l’emballement médiatique provoqué par le meurtre de Sarah Halimi.

« C’est dangereux, la justice cherche à s’immiscer dans un jugement médical de psychiatre, souligne-t-il. Alors qu’on part d’une affaire médiatique, dans un contexte particulier. »

D’autant qu’une telle réforme n’aurait pas changé l’issue de l’affaire qui l’inspire: il a été établi que le meurtrier, Kobili Traoré, n’avait pas conscience que sa consommation de stupéfiants le ferait passer à l’acte.

Rénovation de la Gare du Nord : l’origine d’un fiasco

La SNCF a mis fin, mardi 21 septembre, au projet de rénovation de la Gare du Nord, porté notamment par Ceetrus, une filiale d’Auchan. Loin de faire l’unanimité, le projet était critiqué de toutes parts. En cause, son coût exorbitant et sa logique marchande.

Lorsqu’elle est missionnée par la mairie de Paris, en janvier 2020, pour examiner le projet de rénovation de la Gare du Nord, l’architecte Caroline Poulin n’en revient pas. « Un projet avec aussi peu de qualités, à ce point-là, c’est rare ! ». La nouvelle de l’annulation du contrat géant passé entre SNCF Gare et Connexions et Ceetrus, filière d’Auchan, est donc, selon elle, une « très bonne » nouvelle.

Aujourd’hui mal aimé, le « StatioNord » – le nom du projet de rénovation made by Auchan – n’en était pas moins prometteur lorsque les travaux ont été lancés, en juillet 2020. Un budget ne dépassant pas les 500 millions d’euros, entre 175 et 180 nouveaux commerces, une inauguration juste à temps pour la Coupe de Monde de rugby de 2023 et les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Un véritable relooking à la hauteur de la première gare d’Europe.

Une rénovation à 1,5 milliard d’euros

Un an et demi plus tard, la désillusion est totale : une facture s’élevant à 1,5 milliard d’euros, des riverains mécontents, une inauguration prévue… pour 2030. Plus qu’un fiasco, le projet StatioNord était, dès son origine, mal pensé. Serge Rémy, président de l’association Retrouvons le nord de la gare du Nord, opposée au projet dès sa création, le sait bien : « Nous avons toujours dit qu’il fallait rénover cette gare, mais pas la changer en centre commercial ! ».

A l’origine du coût exhorbitant, selon lui, le contrat passé avec la filiale d’Auchan et la logique marchande du projet. « Pourquoi un géant de la distribution se chargerait de la rénovation d’une gare ? », questionne Serge Rémy. « C’est l’Etat qui a dit qu’il ne verserait pas un sous dans la rénovation de la gare. La SNCF est donc allée chercher Auchan pour trouver de l’argent ».

« Qui va à la gare pour acheter des pantalons ? »

Résultat : une rénovation taillée sur mesure pour les intérêts marchands de la grande surface. Et un parcours jonché de commerces, retardant de trois à quatre minutes le temps de trajet pour les usagers. « Qui va à la gare pour acheter des pantalons ? », s’emporte le président de l’association. « Il y a effectivement une logique aéroportuaire », admet Caroline Poulin, se référant à la multiplication des magasins de luxe dans les aéroports, où les voyageurs ont l’habitude d’attendre plusieurs heures avant d’embarquer.

Le centre commercial prévu par StatioNord, au-delà de doper le coût du projet, obérait le patrimoine de la Gare du Nord. « La gare historique n’était plus qu’une sortie, puisque l’entrée se faisait par le faubourg Saint-Denis », analyse Caroline Poulin. Un gâchis, comme le rappelle Serge Rémy : « On vient du monde entier pour voir les gares parisiennes ! ».

Un manque de transparence

Comment expliquer un tel échec, à la fois économique, logistique et patrimonial ? Il est le fait d’un « manque de transparence démocratique », diagnostique le président de l’association, pour qui un tel projet « ne peut se décider dans le secret d’un cabinet ministériel, de la direction de la SNCF ou de la mairie de Paris ». Aussi propose-t-il d’inclure tous les acteurs concernés, « usagers et commerçants locaux compris », pour un projet « sobre ».

Sobriété budgétaire avant tout, admet Serge Rémy, pour qui la Gare du Nord « peut être rénovée à hauteur de 200 millions d’euros seulement ». Loin des 50 millions du nouveau projet que le gouvernement vient tout juste de demander à la SNCF, ce mercredi, après l’annulation. Un montant qui, de l’aveu de Caroline Poulin, ne peut garantir qu’un modeste ravalement de façade à la gare parisienne. Le changement de « structuration » en profondeur, dont rêve l’architecte et que l’association appelle de ses vœux, devra encore attendre.

 

 

Elections fédérales allemandes : comment fonctionne le mode de scrutin ?

Scrutin uninominal ou proportionnel, coalition des partis, élection du chancelier… On vous explique comment marchent les élections fédérales en Allemagne qui auront lieu le 26 septembre prochain.

© Maheshkumar Painam

Angela Merkel s’apprête à tirer sa révérence après seize années passées à la tête de l’Allemagne. Le 26 septembre prochain, les Allemands se rendront donc aux urnes pour élire un nouveau chancelier ou une nouvelle chancelière à la tête de leur pays ainsi que de nouveaux députés. Mais, comment ça marche, les élections allemandes ? Explications.

Commençons par les bases. La République fédérale d’Allemagne est un Etat organisé en démocratie parlementaire et composé de 16 Länder, c’est-à-dire des Etats fédéraux. Le pays est ainsi dirigé par un chancelier fédéral. Le pouvoir législatif outre-Rhin est, comme en France, exercé par deux assemblées : le Bundesrat et le Bundestag.

Pour qui s’apprêtent à voter les électeurs en Allemagne ? Ils éliront dimanche les députés du Bundestag, l’équivalent de l’Assemblée nationale en France, pour une législature de quatre ans au scrutin uninominal et proportionnel par compensation. Was ?

Deux voix pour un bulletin

Les législatives allemandes, c’est deux voix pour un bulletin : le jour du scrutin, l’électeur allemand coche donc deux cases. Dans la colonne de gauche, il doit choisir un candidat qui se présente dans sa circonscription. Celui qui arrive en tête remporte nécessairement un siège au Parlement fédéral, le Bundestag, donc. C’est la moitié des représentants allemands qui sont élus par cette voix, dite majoritaire.

Colonne de droite à présent : avec sa seconde voix, l’électeur vote cette fois-ci pour le parti de son choix avec une liste prédéfinie. Il s’agit de la même pour tout le pays. La tête de file est alors appelée à devenir chancelier ou chancelière et c’est une règle de proportionnalité qui détermine la part de sièges qui revient à chaque parti. Achtung : seuls les partis obtenant plus de 5% des suffrages à l’échelle nationale peuvent faire entrer leurs députés au Bundestag.

Coalition nécessaire

Pour gouverner, un parti doit nécessairement avoir plus de la moitié des sièges au Parlement. Mais le mode de scrutin allemand rend la chose improbable : c’est pour cela que les partis arrivés en tête des élections doivent s’allier avec un ou plusieurs autres partis. C’est ce qu’on appelle une coalition.

Les partis politiques allemands ont deux mois pour parvenir à s’entendre à compter de la date des élections. S’ils n’y parviennent pas, les élections sont annulées, s’ensuivent alors de nouvelles élections. Lorsqu’ils y arrivent, ils doivent alors s’entendre pour désigner le futur chancelier. Ce dernier se présente alors devant le nouveau Bundestag qui doit l’élire officiellement.

Qui pour succéder à Mutti (comme les citoyens allemands prénomment Angela Merkel) ? Si les sociaux-démocrates d’Olaf Scholz sont donnés gagnants dans les sondages, ils devront former une coalition avec d’autres partis. Et si une alliance avec les écologistes est plus que probable, les deux partis auront sans doute à s’unir à un autre pour obtenir une majorité. Ce serait alors la première fois en Allemagne que trois partis doivent former un gouvernement.

Lola Dhers