Anti-PMA : un air de déjà-vu

Alors que le droit à la procréation médicalement assistée pour toutes avait été promis par le candidat Macron, les Etats généraux de la bioéthique, qui se déroulent en ce moment, donnent matière aux opposants pour reprendre le combat là où ils l’avaient laissé en 2013, après l’adoption du mariage pour tous.

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Le 25 septembre dernier, la Manif pour tous avait donné rendez-vous à ses sympathisants devant le siège du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Le comité a rendu, le 18 septembre, un avis favorable à l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et une centaine d’opposants comptaient bien faire entendre leurs voix. « Nous sommes de retour », avertissait alors une manifestante à nos confrères de Libération.

Mais que penser du retour en scène des sympathisants de la Manif pour tous, cinq ans après leur échec contre la loi Taubira ? Et si les opposants au mariage pour tous profitaient du climat actuel et des débats autour de la PMA pour rejouer le match perdu de 2013 ?

Un engagement de campagne

« On demande simplement le consensus, c’est ce qu’avait promis Macron », soupire Héloïse Pamart, responsable presse de la Manif pour tous. Sans surprise, le son de cloche est légèrement différent chez SOS Homophobie, où l’on martèle que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes était « un engagement de la part du président de la République et de tout le gouvernement. »

En effet, le candidat Macron s’était prononcé en ce sens. Sur son site de campagne, on pouvait lire la chose suivante : « Nous sommes favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes. Il n’y a pas de justification juridique pour que la PMA ne leur soit pas ouverte. »

Mariage et PMA, même combat ?

Héloïse Pamart le répète à qui veut l’entendre, l’extension de la PMA était prévisible après la légalisation du mariage pour tous : « Depuis 2013, on dit que c’est la conséquence de la loi Taubira et que bientôt, il sera question de la GPA (gestation pour autrui, ndlr) » L’enjeu pour LMPT ne serait pas de prendre une revanche sur 2013, mais bien de « défendre l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Selon SOS Homophobie, la lutte actuelle en faveur de la PMA ne doit pas être associée en permanence à celle du mariage pour tous : « C’est un vrai combat, aujourd’hui la PMA est réservée aux couples hétérosexuels et l’ouvrir aux couples de même sexe est un véritable enjeu d’égalité. » Et pour le porte-parole de l’association pro-PMA, pas question de se laisser intimider par Ludovine de La Rochère et sa Manif pour tous : « Ce qui compte, ce n’est pas les gens qui s’opposent et descendent dans la rue, ils en ont parfaitement le droit, mais de lutter contre les propos homophobes que certains d’entre eux adressent aux familles homo-parentales. »

Après l’avis favorable du CCNE, un projet de loi devrait être discuté au parlement début 2019. Si la Manif pour tous ne remporte pas la partie d’ici là.

L’église suédoise de Paris vient en aide aux migrants afghans

L’église suédoise de Paris accueille des migrants afghans déboutés du droit d’asile en Suède. C’est toute une communauté qui aide ces jeunes qui cherchent en France une seconde chance d’obtenir le statut de réfugié.

Église suédoise de Paris
Les paroissiens de l’église suédoise de Paris donnent des cours de français aux migrants afghans © Zina Desmazes

Assis sur une chaise bleue au milieu de la cour pavée, Nesar est souriant. Depuis trois mois, il est officiellement réfugié en France. Dans l’enceinte de l’église suédoise de Paris, ce jeune afghan de 25 ans vient déjeuner avec d’autres compatriotes. Ils sont entre 20 et 30 jeunes à venir chaque jour dans cette église aux murs de briques.

Ces jeunes migrants viennent tous de Suède, où ils ont été déboutés du droit d’asile. Ce pays scandinave a donné la priorité aux Syriens, arrivés pendant la grande vague migratoire de 2015, pour l’obtention du statut de réfugié.

Quelques mois plus tard, les réactions hostiles aux migrants sont apparues et se sont accrues. Le gouvernement conservateur suédois a fini par refuser les demandes d’asile des mineurs isolés afghans devenus majeurs.

Face à ces refus, plusieurs ont fait le choix de venir en France. C’est le cas de Nesar, arrivé à Paris en août 2017. « Je suis resté deux ans en Suède et ça a été très dur de décider de venir en France, mais ma demande d’asile a été refusé trois fois en Suède, c’est le maximum, » explique le jeune homme à la coiffure très soignée avec des mèches blonde sur les longueurs.

J’ai vu passé plus de 300 jeunes depuis un an

Pendant près de 9 mois, la Suédoise Sara Brachet a été employée par la paroisse pour aider les migrants afghans. Aujourd’hui simple bénévole, elle est toujours très impliquée.

Tout à commencé lorsqu’une amie d’enfance l’a contactée : « Elle travaille pour un organisme qui s’occupe des mineurs isolés en Suède et elle m’a demander d’aider un jeune homme qui arrivait à Paris, raconte-t-elle. C’est là que j’ai appris que l’église suédoise accueillait les migrants dans la journée. »

A l’église, tout se passe en suédois. Grâce à un français parfait, elle aide les jeunes afghans en traduisant des documents administratifs ou en donnant des cours de français. Depuis octobre 2017, Sara Brachet a tissé des liens avec certains des jeunes qui comptent sur elle. Mais difficile de rester en contact avec tous : « J’ai vu passer plus de 300 jeunes depuis un an donc je ne sais pas tous ce qu’ils deviennent. Certains viennent régulièrement et d’autres viennent pendant une semaine ou quelques mois seulement. »

L’église suédoise, plus qu’un lieu de rencontre

Le lieu est lumineux et très chaleureux. Les murs clairs côtoient le mobilier en bois, dans la pièce principale tout le monde se retrouve pour discuter, manger des sandwiches ou boire un café.

Ce point de rendez-vous pour les migrants venus de Suède est un repère pour ces jeunes qui ne parlent ni français ni anglais. Sans papiers, ils ne peuvent pas avoir de compte en banque ni recevoir de l’argent. Certains étaient logés par des familles d’accueil en Suède, « certains reçoivent de l’argent de ces familles et grâce à l’église ils ont une adresse de référence, » précise Sara Brachet, installée depuis 30 ans à Paris.

Principalement afghans, les migrants sont en majorité musulmans mais certains font le choix de se convertir au christianisme. « Nous avons organisé plusieurs baptêmes dans l’église, des cours de religion sont également dispensés pour ceux qui veulent se convertir. » Pour Sara Brachet, il est important d’inclure les migrants aux paroissiens pour que la cohabitation se passe au mieux : « Tout se passe bien, certains s’impliquent pour aider les garçons mais il était crucial que leur venue ne soit pas brutale et bien vécue par les habitué de l’église. »

L’église suédoise de Paris offre un accueil exclusivement de jour, la nuit les nouveaux arrivés dorment souvent dehors. « Le plus difficile à Paris c’est le logement, en ce moment je dors chez l’habitant grâce à une association mais je change de famille tous les mois, » raconte le jeune homme.

 

Aujourd’hui Nesar est heureux parce qu’il a trouvé un travail, non sans difficultés : « C’est très dur de trouver du travail parce que je ne parle pas bien français et je n’ai pas de diplôme. » A partir de la semaine prochaine, il sera vendeur dans une grande marque de prêt-à-porter.

Parti d’Afghanistan en 2010, Nesar a obtenu un parti de séjour de 10 ans en France. Il peut enfin travailler alors que le reste de sa famille est en Iran : « Je n’ai pas voulu rester en Iran parce que là-bas les afghans sont renvoyés dans leur pays s’ils sont arrêtés ou envoyé en Syrie pour combattre. »

Zina Desmazes

 

 

En entreprise, l’invisibilité des conjoints LGBT

Peur des discriminations ou autocensure, plusieurs raisons poussent de nombreux employés LGBT à ne pas mentionner leur vie amoureuse en entreprise. Un tabou mis en lumière par l’Ifop dans un rapport publié ce jeudi, dont les conséquences elles, sont visibles. 

Gay pride 2011 à Toulouse
Gay pride 2011 à Toulouse

Une personne LGBT sur trois refuse d’indiquer le nom de son conjoint sur sa mutuelle. Peur des remarques, ou des discriminations, ils sont nombreux à refuser de mêler leur vie privée à la vie de bureau. Un constat alarmant que dresse une étude de l’IFOP commandée par l’agence Tell Me The Truffe, qui analyse l’évolution du « coming out » dans le milieux familial, amical et pour finir professionnel. Et concernant la vie amoureuse en entreprise, les résultats sont symptomatiques d’un malaise qui persiste. Sur 1 000 personnes LGBT interrogées, 34% refusent de mentionner leur partenaire sur leur mutuelle, quand 38% ont déjà renoncé à participer à des évènements d’entreprises où les conjoints sont invités.

Porte-parole de l’Autre Cercle, une association qui milite pour l’inclusion et le respect des orientations sexuelles en entreprise, Catherine Tripon connaît bien cette problématique. « Beaucoup de personnes LGBT ne profitent pas des droits auxquels elles ont accès par peur de se dévoiler » explique-t-elle. Si le mariage pour tous a apporté de nouveaux droits aux couples LGBT, l’étape du coming out est nécessaire, mais sa difficulté souvent négligée. « Le coming out doit s’envisager dès le début en plus, au moment de signer le contrat et de remplir sa feuille de mutuelle » ajoute Catherine Tripon.

« Il y a énormément d’autocensure »

Pourtant, parmi la communauté LGBT, révéler son orientation sexuelle n’est pas forcément nécessaire. « Les personnes LGBT estiment qu’il y a une séparation claire entre vie privée et vie professionnelle » analyse Thomas Cusson, responsable des partenariats et intervenants pour l’association LGBT Talents. « Mais vouloir étanchéifier ces deux sphères est totalement illusoire » poursuit-il. Depuis deux ans, il organise un évènement annuel dédié aux sujets LGBT dans la sphère de l’entreprise. Et le question du couple revient régulièrement. « En France il y a énormément d’autocensure. Le reste est lié au fait que l’entreprise n’est pas toujours un milieu inclusif » conclut Thomas Cusson.

Une invisibilité qui n’est pas sans conséquences, analyse Catherine Tripon, pour qui il y a également une grande porosité entre vie professionnelle et vie privée. « Pot de départs, fêtes de fin d’année, vacances du comité d’entreprise… pour profiter de tous ces avantages qui font le charme d’une atmosphère conviviale au bureau il est nécessaire de faire son coming out », explique-t-elle. Un point de vue partagé par le défenseur des droits qui dans un rapport en 2015 dressait la liste des conséquences de cette invisibilité. « Ainsi en vient-on à s’exclure de certaines conversations avec les collègues, à fuir les manifestations d’entreprises pour éviter toutes questions intimes » relève notamment l’article.

Un état des lieux qui diffère selon les pays

Da manière générale, moins de six homosexuels sur dix affirment que leur orientation sexuelle est connue par leur supérieur hiérarchique, selon l’Ifop. Un phénomène « très français » affirme Thomas Cusson de LGBT Talents, qui lui oppose le modèle anglo-saxon, bien plus « gay friendly ». Un nuance que confirme une étude du Boston Consulting Group réalisée avec le magazine Têtu en septembre 2018, où l’on apprend notamment que l’Espagne et l’Italie font figure de pires élèves en matière d’inclusion en entreprise.

Au delà des pays, la taille des entreprises compte aussi. « Dans les petites entreprises, les gens osent peu prendre la parole » explique Thomas Cusson, avant de se contredire. « Mais dans certaines grandes entreprises, des membres LGBT du comité exécutifs sont parfois invités à venir accompagnés avec une personne de l’autre sexe, parce que selon ses collègues, ça le fait mieux » détaille-t-il.

Une charte pour tous

Premier interlocuteur avec les salariés dès leur entrée dans l’entreprise, le directeur des ressources humaines tient un rôle important dans le débat. « Les RH doivent être moteurs de l’intégration à la sortie de l’entreprise » explique Pierre-Emmanuel Bourguoin, DRH pour la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Pour lui, « les RH ont un vrai rôle à jouer, surtout à l’embauche, en proposant si possible une clause de confidentialité pour ceux qui le désire ».

Mais comment faire comprendre aux postulants LGBT qu’ils seront accueillis avec bienveillance par leur futur employeur ? « Nous allons bientôt signer la Charte » assure Pierre-Emmanuel Bourguoin. Portée par l’association l’Autre Cercle, la Charte d’engagement LGBT permet depuis 2013 d’assurer un accord sur des valeurs d’inclusion et de respect de l’orientation sexuelle au sein de l’entreprise. BNP Paribas, TF1, l’Oréal, IBM ou encore le Ministère du Travail, ils sont plus de 100 entreprises et organismes privés et publics l’avoir signée.

 

Clara Losi

Changement climatique : vers une justice citoyenne

Les procès intentés contre les gouvernements pour lutter contre le changement climatique se multiplient. Ces initiatives souvent citoyennes engagent la responsabilité de l’État pour la cause environnementale. Assistons-nous à une nouvelle forme de militantisme écologique ?

La cour d’appel de La Haye a rendu son jugement définitif. L’État néerlandais attaqué par l’ONG Urgenda en juin 2015 aura désormais l’obligation de prendre des mesures contre les conséquences du changement climatique. « Avant cette affaire, on ne pouvait même pas penser à engager un procès contre l’Etat. C’est une affaire historique rendue au lendemain du rapport du GIEC, qui est extrêmement alarmant » nous explique Émilie Gaillard, maître de conférence en droit privé à l’Université de Caen Normandie. Ce jugement historique a inspiré toute une génération de militants. Après l’initiative d’Urgenda en juin 2015, c’était au tour d’un agriculteur pakistanais de porter plainte contre son gouvernement. Considérant que la politique environnementale de son pays portait atteinte à ses droits fondamentaux. Selon un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement en mars 2017, 894 actions judiciaires liées au climat seraient en cours.

 

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Crédits: wikimédia

 

« Il y a une réelle mutation du droit »

La justice climatique est un combat de longue haleine. S’attaquer à un État pour des motifs environnementaux n’avait jamais été vu auparavant. En cause ? Un droit environnemental inadéquat. Cependant la multiplication des procès climatiques a permis de faire jurisprudence, explique Émilie Gaillard :« Il y a une réelle mutation du droit. Par exemple, le droit des Générations futures était complétement utopique en 1993, maintenant on y fait toujours référence. A termes, l’idée ce serait d’aboutir à une juridiction internationale comme dans le cadre de la Cour pénale internationale. »

« Ce n’est pas possible dans tous les pays, on a du mal à engager la responsabilité de l’Etat. Les liens de causalité sont difficiles à établir mais de manière générale, le changement climatique est de plus en plus lié aux droits de l’homme donc cela devient plus facile d’agir » assure Marie Toussaint, déléguée Europe Écologie – les Vert et présidente de l’association Notre affaire à tous.

Militantisme ou acte citoyen ?

Si criminaliser les États en matière d’environnement n’est pas chose aisée, les procès sont souvent le fruit d’une initiative citoyenne, participant à la médiatisation de la cause environnementale. Comme lorsqu’en janvier 2013, des citoyens européens ont lancé « directive écocide ». Ils demandaient la criminalisant l’écocide et pour viser pénalement des personnes physiques, décideurs et dirigeants, dont les ordres porteraient atteinte à l’environnement et aux populations qui en dépendent. Une initiative timide à l’époque qui avait participé à faire connaître le principe d’écocide. Ces initiatives permettent de convaincre de plus en plus d’individus explique Marie Toussaint :« On voit qu’il y a une prise de conscience qui s’accroit. Et la mobilisation citoyenne s’accroit avec. On a plus tellement de doutes sur les causes du changement climatique. Le citoyen lambda en a marre de couper l’eau, et de faire attention à l’électricité quand L’État ne fait rien. »

Cette mobilisation de plus en plus accrue pour l’écologie se traduit ainsi par l’augmentation des procès citoyens, mettant un peu à part le militantisme dans sa dimension politique analyse Émilie Gaillard « Pour moi ce n’est pas une nouvelle forme de militantisme mais une action citoyenne qui nous concerne tous. »

Capucine Japhet