L’élevage en cage a de lourdes conséquences psychologiques sur les chiens et les chats

Dans un rapport publié ce 14 septembre, une autorité européenne préconise l’arrêt des élevages d’animaux domestiques en cage ou dans des espaces restreints et confinés. Des conclusions qui se heurtent pourtant à la réalité selon certaines spécialistes.
L’environnement dans lequel grandissent les chatons et les chiots influencent leurs comportements futurs une fois adultes. Photo: Krista Mangulsone via Unsplash

Dans le cadre de son étude scientifique, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) s’est penchée sur le bien-être des animaux domestiques dans les élevages, et plus particulièrement celui des chats et des chiens. Si elle a d’abord rappelé la dangerosité des opérations de chirurgie esthétique — comme les interventions visant à couper les oreilles pour certaines races de chiens, le dégriffage ou encore le retrait des cordes vocales pour empêcher les aboiements, trois pratiques interdites en France — l’Efsa a également donné ses recommandations concernant l’hébergement.

Elle a ainsi expliqué que « le confinement des chiens ou des chats dans des box à plusieurs niveaux ou des caisses peut avoir des conséquences sur leur bien-être et conduire à des comportements anormaux ou à de l’anxiété ». Pourtant, les réglementations en vigueur peuvent donner du fil à retordre aux professionnels du secteur. « Les éleveurs professionnels n’ont pas forcément le choix et ne peuvent pas vraiment faire autrement », regrette Sylvia Masson, vétérinaire et spécialiste européenne en médecine du comportement des animaux de compagnie.

La spécialiste ajoute: « Il y a des contrôles de la part des autorités qui ne s’appliquent pas aux particuliers qui font de l’élevage une activité secondaire. Mais les élevages de plus de dix chiens [âgés de plus de quatre mois, NDLR] doivent être déclarés et sont obligés d’avoir des cages pour des raisons sanitaires ». Actuellement en France, l’espace minimum requis pour un chien dans les élevages est de 5m². Quant aux chatteries professionnelles, dans lesquelles les chats de race sont élevés, elles « n’ont pas de cages » précise Anne-Claire Gagnon, vétérinaire et comportementaliste pour chats à domicile. Les normes préconisent 2m² pour chaque chat.

De lourdes conséquences une fois adultes

Pour Anne-Claire Gagnon, cela ne fait aucun doute: les espaces restreints et confinés ont des conséquences indéniables sur les jeunes félins. « Les chatons de deux mois ont besoin d’observer, d’explorer. Il leur faut un endroit avec des points d’observation et des arbres à chat. Ce sont des animaux qui ont besoin d’avoir l’impression de contrôler la situation, c’est dans leur comportement ». Autant d’éléments qui lui seront nécessaires dans sa vie d’adulte.

Même conclusion du côté des chiots âgés de zéro à trois mois. « A cet âge, ils ont une grande capacité d’adaptation, détaille Sylvia Masson, c’est la période de socialisation et c’est à ce moment-là qu’il faut les habituer à leur futur environnement. Par exemple, certains chiots qui sont isolés dans des cages deviendront des chiens craintifs parce qu’ils n’auront jamais entendu des bruits de machine à café ou d’aspirateur [avant leur adoption, NDLR]« .

L’environnement est donc crucial pour le bon développement de l’animal mais, selon la spécialiste, il ne fait pas tout. « Certains élevages professionnels avec des cages sont mieux que certains élevages de particuliers sans cages. Tout dépend de l’implication de l’éleveur, s’il sort ses chiots, s’il les connait bien… Le meilleur conseil à suivre avant d’acheter un chien est de visiter l’élevage ».

De l’accompagnement plutôt que des réglementations?

Difficile donc pour elle d’établir de nouvelles réglementations tant les cas différent entre eux. Mais l’accompagnement peut être une solution selon l’experte. « Je ne suis pas vraiment pour de nouvelles contraintes ou réglementations parce qu’il est toujours possible de les contourner, confie-t-elle, mais certains vétérinaires et éducateurs accompagnent les gens dans les élevages pour les conseiller et les aider à choisir leur chiot. C’est une bonne démarche mais qui reste encore trop marginale ».

Renseigner les futurs propriétaires de chats et de chiens en amont peut également être une piste d’amélioration, avance Sylvia Masson. « Il y a une méconnaissance autour du bien-être animal en général, donc le plus souvent les propriétaires viennent nous demander des conseils une fois qu’ils ont acheté le chiot et rencontrent les premiers problèmes ». Une démarche qu’il faudrait faire bien avant l’adoption afin d’éviter les mauvaises surprises.

Pour le moment, les conclusions de ce rapport ne sont que des recommandations, mais la Commission européenne devrait réviser sa législation concernant le bien-être des animaux domestiques d’ici la fin de l’année 2023.

Elena GILLET

Emmaüs : dans le nord, la grève continue

Après plusieurs semaines de grèves inédites, des compagnons de trois antennes locales d’Emmaüs attendent encore que leurs revendications soient entendues. Les conseils d’administrations prévus jeudi à Paris et Grande-Synthe ont été annulés.

« Il faut que la direction parte, et que l’on retourne travailler ». Amara est porte-parole des grévistes de Grande-Synthe. Responsable meuble depuis deux ans à Emmaüs, sans-papier, il vient de Guinée. Depuis fin août, son antenne a rejoint celle de la Halte Saint-Jean dans la grève. Ils accusent la direction de les exploiter, sans leur ouvrir de perspective d’insertion.

Le conseil d’administration de Grande-Synthe devait se réunir, ce jeudi 14 septembre, avec les grévistes. Son président, Pierre Wexsteen, l’avait précisé : leur convocation est « le résultat de leur action, leurs insultes et de l’illégalité de leur mouvement« . Mais la journée ne s’est pas déroulée comme prévue. « On n’a fait en sorte que le conseil ne se déroule pas, raconte Christelle Veignie, secrétaire générale de l’Union locale du syndicat de la CGT à Dunkerque, les grévistes risquaient d’être exclus ».

« Quand cette direction part, nous on retourne travailler ». Amara, porte-parole des grévistes de Grande-Synthe

« Nous ne sommes pas salariés, le président nous a dit que nous n’avions donc pas le droit de faire grève », se désole Amara. Comme l’a rappelé Emmaüs France sur son compte Twitter, les compagnes et compagnons ont un statut de « travailleurs solidaires », non encadré par le code du travail. « Nous défendons ce que nous méritons de droit. Quand cette direction part, nous on retourne travailler ». Christelle Veignie s’insurge d’un « mépris et propos racistes » à l’encontre de certains compagnons. Ce que confirme Amara : « Le président nous a dit de « retourner d’où nous venons ». Ces propos sont inadmissibles ! ».

À Saint-André-lez-Lille, c’est la présidente de l’antenne Emmaüs de la Halte Saint-Jean qui risque sa place. Une enquête a été ouverte en mai pour « traite d’êtres humains » et « travail dissimulé » et confiée à la Brigade mobile de recherche zonale (BMRZ) et à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). Emmaüs France a par la suite demandé aux responsables locaux d’Emmaüs de mettre « en retrait » la directrice de la communauté concernée, Anne Saingier, qui est aussi présidente d’Emmaüs Nord-Pas-de-Calais/Picardie.

Emmaüs France tarde à réagir 

« On veut que la présidente dégage et que le fonctionnement général change », s’exclame Alixe Konbila, porte-parole de l’antenne de la Halte Saint-Jean. « Nos revendications sont laissées sans réponse depuis deux mois ». Elle regrette le manque de réaction d’Emmaüs France, envers leur antenne. « Vu que nous sommes pas OACAS (Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activité Solidaire) nous ne sommes pas prioritaires ». Ce statut, que la communauté de Grande-Synthe a adopté, prévoit une meilleure protection sociale des compagnons.

L’antenne France n’a pas réagi à ces propos. Son conseil d’administration devait se réunir dans la journée de jeudi, en même temps que celui de Grande-Synthe. Il a été reporté au 3 octobre. Le délégué général, Tarek Daher, a indiqué : le conseil d’administration national prendra rapidement « des mesures à titre conservatoire ou des lancements de procédures de traitement des conflits ».

Emma Meriaux

La Pro D2, l’autre rugby à l’ombre de la Coupe du monde 

Alors que la deuxième journée de la Coupe du monde de rugby démarre ce jeudi soir avec le match de l’équipe de France contre l’Uruguay, d’autres matchs de rugby se sont tenus hier. A l’ombre des stars de la prestigieuse compétition, le championnat de Pro D2 trace sa route. 

29 joueurs de Pro D2 participent actuellement à la Coupe du monde de rugby (Photo by PHILIPPE DESMAZES / AFP).

Pays de Galles, Australie et Angleterre pour leurs coéquipiers. Valence-Romans, Nevers et Aurillac pour eux. Jusqu’au 28 octobre, date de la finale de la Coupe du monde de rugby disputée en France, les joueurs de Pro D2, la deuxième division du rugby professionnel, continuent d’arpenter les terrains. 4 journées, 32 matchs en tout, disputés à l’ombre du stade de France ou du stade Vélodrome. 

Chacune des 16 équipes du championnat compte au moins un joueur sélectionné pour la plus prestigieuse des compétitions de l’ovalie, ainsi que le recense la Ligue nationale de rugby (LNR). Vingt-neuf joueurs au total.

Une perte qui concerne souvent les meilleurs éléments des effectifs. “Quand on a des Géorgiens ou des Samoans dans nos équipes, on sait à l’avance qu’ils joueront la Coupe du monde. On s’adapte en conséquence, en préparant les effectifs et les joueurs”, explique Xavier Pameja, l’entraîneur de l’USON, le club de Nevers. Sans amertume, le dirigeant compte plutôt “profiter de l’expérience que les mondialistes ramèneront dans leurs valises”

« Une aubaine »

“Pour nous, c’est une aubaine. On profite tous de la Coupe du monde”, témoigne sur la même longueur d’onde Jean-Louis Louvel, président du Rouen Normandie Rugby (NMR), qui compte dans ses rangs un joueur sélectionné pour la Roumanie. L’opportunité d’accueillir une Coupe du monde en France est tellement belle que la perte de joueurs en vaut la chandelle”, ajoute-t-il.

Aussi, pour que la Coupe du monde se déroule sans anicroche, aucun doublon avec les matchs de Pro D2. Les matchs, qui se déroulent traditionnellement les vendredis, sont disputés en semaine. Le Top 14, sa grande sœur, s’est elle arrêtée. “Pour les joueurs, cela ne change rien. Le dimanche devient un mardi, le lundi un mercredi. Le temps se déplace”, raconte Xavier Pameja. Germain Burgaud-Grimart, troisième-ligne du club de Soyaux-Angoulême, acquiesce: “Jouer en semaine, on s’en fiche. Les jours d’entraînement changent, c’est tout. Cela nous permet même d’aller voir la Coupe du monde les week-end”, sourit-il, en pensant à ses deux coéquipiers qui disputent la compétition, un pour le Chili et l’autre avec le Portugal. 

Moins de monde dans les stades

La Pro D2 souffre cependant de la comparaison avec la Coupe du monde sur d’autres points. “En ce moment, faire venir des gens au stade est plus compliqué. Les matchs sont en semaine, et les familles ne viennent pas forcément les soirs. Et puis, la Coupe du monde offre une magnifique vitrine devant la télévision”, raconte Jean-Louis Louvel, pressé de voir les supporters revenir au stade Robert-Diochon. Le troisième-ligne angoumois Germain Burgaud-Grimart, est plus prosaïque: “En semaine, le rugby perd un peu de fête. Les fans vont moins boire de bières au stade entre copains”. 

Le joueur de Soyaux-Angoulême estime toutefois que l’ensemble du rugby professionnel profite de la Coupe du monde. « On voit que les petits s’intéressent, que les jeunes se licencient et regardent à la télé les grands joueurs. Tout cela va profiter à la Pro D2« , observe-t-il.

Un ruissellement version rugby acquiescé par Xavier Pameja. “A Nevers, ça bouge beaucoup. Il y a une fan zone, du monde dans les bars, on sent l’effet de la Coupe du monde. Même chez nos jeunes, on sent l’émulation, estime-t-il, avant de poursuivre : « quand on voit notre équipe de France, le bonheur qu’elle peut apporter, on se dit qu’après la compétition il y aura encore du public. Tout le monde aura envie d’être Antoine Dupont ! »  

Ulysse Llamas

 

Entre citoyens et services publics, une confiance en berne

Un rapport publié aujourd’hui par un collectif pointe une dégradation du rapport de confiance vis à vis du services publics.

La confiance s’émousser au pays de l’État providence. « Si l’attachement de la population aux services publics est réel, la confiance pratique qu’elle accorde à ces services est amoindrie », avance le rapport d’un collectif transpartisan Nos Services Publics, constitué de fonctionnaires, ayant collaboré avec une centaine de chercheurs. Ce travail, commencé en janvier 2023, est une analyse sur le temps long de l’état des services publics en France. « Les moyens des services publics augmentent depuis vingt ans », remarque le rapport, mais cette amélioration apparente masque une baisse puisque ces moyens engagés augmentent « moins rapidement que les besoins sociaux, et l’écart entre les premiers et les seconds tend à s’aggraver ».

Un écart propre à créer « une rupture entre services publics et ses usagers », selon Arnaud Bontemps, haut-fonctionnaire et co-porte-parole du collectif à l’origine du rapport. « Il existe une vraie désocialisation dans la réponse aux besoins, dans la mesure où l’évolution des services publics est trop centrée sur les enjeux budgétaires, et non sur les besoins des citoyens ». Même son de cloche dans une étude du Conseil d’État publiée en juillet, qui pointe lui aussi « une véritable crise de confiance qui rend difficile une action publique au plus proche des réalités concrètes des usagers ».

Graphique issu du Rapport sur l’état des services publics du 14 septembre 2023 par le collection Nos Services Publics.

Des choix gestionnaires et politiques contre-productifs

Le collectif Nos Services Publics met en cause une expérience effective des services publics trop souvent « décourageante et frustrante », notamment en matière de justice et de sécurité mais surtout, « des inégalités d’accès et de traitement aux services publiques ». C’est aussi un « manque de ressources humaines malgré une constante augmentation du nombre d’agents publics », qui est pointé du doigt, la faute à des « choix politiques et gestionnaires contre-productifs », d’après le rapport.

Plusieurs administrations se sont engagées dans une transformation

Rapport du Conseil d’État de juillet 2023

Une analyse que le Conseil d’État tempère, notant que « plusieurs administrations se sont engagées dans une transformation centrée sur le service de l’usager », avec un souci de « simplifier la vie des gens qui s’est amplifié ». C’est par exemple ce que met en avant la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), qui se prévaut de « faire des avis des Français la clé de l’amélioration continue des services publics, à travers une démarche portée par les agents publics », avec un programme intitulé « Services Publics + » présenté en juin dernier.

Si les solutions et évolutions possibles sont nombreuses, ce rapport affiche pour ambition « de rouvrir les débats -sans prétendre les régler – sur la signification que devraient aujourd’hui revêtir les principes qui fondent l’ambition du service public : démocratie, égalité, émancipation, universalité ». Une démarche dont les répercussions restent à observer dans une France aux services publics sous le feux de nombreuses critiques.

Jules Bois