Virginie Viard a annoncé dans la nuit du 5 au 6 juin son départ de la grande maison de couture, où elle occupait le poste de directrice artistique. La marque avait pourtant fait des résultats plus que satisfaisants ces derniers mois. Son chiffre d’affaire en 2023 – près de 20 milliards de dollars – ne laissait donc pas présager ce départ précipité. Difficile donc d’en déterminer les raisons exactes. Peut-être une volonté de Chanel de changer l’image de marque, après le défilé de la collection Croisière de Virginie Viard, présentée en mai, qui avait été huée sur les réseaux sociaux.
La directrice quitte donc Chanel après y avoir exercé durant 37 ans. Elle y avait fait ses premiers pas en 1987, en tant que stagiaire. Elle gravit les échelons et devient le bras droit de Karl Lagerfeld. Après sa disparition en 2019, elle est tout naturellement désignée pour le remplacer. Mais elle affirme l’avoir fait plus par loyauté que par ambition. Son départ précipité reste donc inattendu. Reste à savoir dans quelle maison elle souhaitera poursuivre son travail de créatrice.
Cette semaine, l’ensemble des citoyens européens sont appelés aux urnes. Mais tous n’éliront pas leur parlement selon les mêmes modalités. Tour d’horizon des modes de scrutin utilisés à travers l’Union.
Nous y sommes : les élections européennes ont débuté. Les Pays-Bas ouvrent ce jeudi le bal de la deuxième plus grande élection du monde (720 députés élus par plus de 400 millions de citoyens) après les législatives indiennes.
Avec sa proportionnelle intégrale et son scrutin à un tour, cette élection en France diffère grandement des autres scrutins nationaux, laissant moins de place au “vote utile” et créant plus de pluralité. Seulement, on peut encore accorder une attention plus radicale à la représentativité. À l’échelle de l’Union, où tout le monde ne vote pas de la même manière, le format français est même minoritaire. Voyage entre les différents modes de scrutin de ces élections européennes.
La méthode qu’on connait le mieux : la liste fermée
En France, chaque électeur vote simplement pour une seule liste. Les sièges sont ensuite attribués aux premiers candidats des listes en proportion de leur score. C’est le vote plurinominal à un tour en proportionnelle intégrale.
Autre particularité : les 38 listes parmi lesquelles les Français pourront faire leur choix cette année sont fermées. C’est-à-dire que les électeurs ne contrôlent pas l’ordre des candidats à l’intérieur d’une liste. Une liste qui obtient 8 sièges envoie à Strasbourg ses 8 premiers candidats.
Cette méthode de la liste fermée est en vigueur chez nos voisins allemands et espagnols, mais aussi en Roumanie, en Hongrie et au Portugal (voir notre infographie). Elle a l’avantage de la simplicité mais condamne les électeurs à accepter tous les candidats de leur parti favori… ou à avaler une couleuvre.
La méthode la plus répandue : le vote préférentiel
Ailleurs en Europe, c’est le vote préférentiel qui prévaut. Les électeurs choisissent toujours une seule liste, mais l’ordre des candidats en son sein est personnalisable. Un candidat en position éligible vous pose problème mais le programme du parti vous plait quand même ? Votez pour cette liste en le barrant. Vous aimeriez élire une candidate mais elle se place à une position trop lointaine ? Inscrivez un + à côté de son nom.
Quelques pays vont même plus loin avec une liste ouverte. Là, les partis soumettent toujours des listes, mais les électeurs peuvent faire leur marché et voter pour des candidats de listes différentes comme bon leur semble.
La méthode la plus innovante : le vote transférable
Ou de son doux nom scientifique : le scrutin à vote unique transférable. Appliquée à Malte et en Irlande, cette méthode permet aux électeurs de classer les candidats ou listes par ordre de préférence. Si leur premier choix n’atteint pas le seuil électoral (naturel ou légal), leur vote s’applique à leur deuxième choix, et ainsi de suite.
« Ce mode de scrutin est vraiment bien car il donne beaucoup de liberté, vante Théo Delemazure, dont l’expérience « Voter autrement 2024 » teste justement le vote par classement avec les listes françaises. Et il détruit le dilemme de vote utile puisque l’on peut mettre son favori en premier, puis le vote stratégique un peu plus loin dans le classement. »
On pourrait donc imaginer des dynamiques de campagne changeant du tout au tout. Tous les partis auraient intérêt à souligner leur proximité avec d’autres pour sécuriser des bonnes places dans le classement des électeurs. Les petits partis ne souffriraient plus du vote utile, ni les votants de la frustration qui l’accompagne.
Entre la sortie de son premier album, et une tournée dans toute la France, le rappeur Jewell Usain n’a pas eu le temps de souffler. Après de nombreuses années de travail sans véritable reconnaissance, le natif d’Argenteuil a attendu de souffler sa trente-quatrième bougie pour réellement goûter à la vie d’artiste. Rencontre avec une pomme tardive du rap français, l’occasion pour lui de faire un premier bilan après « l’année la plus riche de sa carrière ».
En fin d’année dernière, tu sortais « Où les garçons grandissent », ton premier album en dix-sept titres. Aujourd’hui, à tête reposée, es-tu satisfait du projet ?
Jewell Usain : Oui, je crois. C’était vraiment ce que je voulais, un projet pur-rap, complet et sans concessions. Avant de sortir mon album, toute mon équipe avait peur qu’il soit trop long, et que les gens n’accrochent pas à la direction artistique du projet. Il faut dire qu’aujourd’hui, peu de rappeurs sortent des albums aussi longs. Généralement, au lieu de dix-sept titres, ils en sortent quatorze, grand maximum. Mais les gens ont adhéré à mon parti-pris, celui de mettre en avant l’écriture avant le reste, et de ne pas tomber dans la fainéantise du rap mainstream. En ce sens d’ailleurs, le public a aimé ce parti-pris de ne pas collaborer avec des artistes qui « vendent », mais bien avec artistes que j’apprécie et qui correspondent à mon travail, comme Tuerie ou Prince Waly. Je pense qu’il y a toujours un public lorsque le travail est bien fait.
En parlant de public, tu l’as enfin rencontré en tournée dans toute la France. Ça s’est bien passé ?
J. U. : J’avais déjà fait des concerts par le passé, mais c’est la première fois que j’ai eu l’impression de défendre un vrai projet. C’était vraiment un gros défi, mais un beau défi. Quand on organise une tournée, il faut faire des choix, des concessions qui t’amènent à faire un bénéfice à la fin. Dans mon cas, j’ai surtout privilégié la musique avant le profit. Sur scène, je fais venir un batteur, un claviériste, un bassiste, un trompettiste et mon backeur. D’habitude, les rappeurs sont presque seuls sur scène avec un DJ, et nous on voulait défendre le projet comme celui d’un groupe. Les gens ont vraiment eu l’air d’apprécier, car cela correspondait vraiment à la direction artistique du projet, et à cette envie de se détacher un peu des codes de l’industrie rap pour faire ce qu’on aimait vraiment faire.
Qu’est-ce que tu retiens en premier de cette année à grande vitesse ?
J. U. : Le véritable enseignement de ces derniers mois, c’est que je n’ai jamais aussi bien marché que lorsque j’ai enfin réussi à proposer un projet vraiment proche de moi. En racontant mon quotidien, en partageant ces choses que je ne dis jamais à voix haute avec un rap très introspectif, cela a plus aux gens. Au départ, la musique, c’était pour moi et pour personnes d’autres. Avec cet album, les gens ont appris à me connaître, à ne pas me ranger dans une case. Ils ont compris que les artistes de rue faisaient la même chose que les peintres, au fond. J’ai tenté de faire de mon premier album une toile authentique, sans peindre avec les mots des autres.
Même si le grand public te connaît depuis peu de temps, cela fait douze ans que tu fais de la musique. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis tes débuts ?
J. U. : En deux mots ? Mon équipe. On l’évoquait tout à l’heure, cela fait douze ans que je suis dans le rap, mais j’ai jamais été aussi bien entouré que maintenant. Entre mes amis, mes enfants, le label et les artistes présents sur scène avec moi ou qui m’aident à composer, j’ai vraiment l’impression de construire mes projets avec tout ce beau monde. Ce sont eux qui m’ont aidé à prendre ma revanche sur cette industrie qui n’a pas voulu me laisser une chance pendant longtemps. Leurs yeux, c’est le reflet de ce que je fais, c’est le recul que je n’ai pas toujours. Sans eux, t’arrives à que dalle.
Pour découvrir le premier album de Jewell Usain, Où les garçons grandissent : cliquez ici
À quatre jours du scrutin des européennes, les principales forces politiques de gauche apparaissent profondément divisées. De quoi interroger sur l’avenir d’une union qui avait vocation à barrer la route au Rassemblement national, que les sondages donnent vainqueur dimanche 9 juin.
« Il n’y a plus de Nupes […] Ce qu’on a construit est déjà détruit ». Le 1er décembre 2023 à Rochefort, Jean-Luc Mélechon avait définitivement enterré l’union des gauches, celle qui s’était imposée comme première force d’opposition devant l’extrême-droite à l’issue des élections législatives de 2022. À quatre jours du scrutin européen, au terme d’une campagne qui a vu se multiplier les mésententes entre têtes de listes de gauche, la question de divisions « irréconciliables » se pose à nouveau. Du moins, en apparence.
Dès le début de sa campagne, la tête de liste Parti socialiste (PS) – Place publique Raphaël Glucksmann a affiché sa volonté de rompre avec le parti de Jean-Luc Mélenchon, en incarnant une gauche qui ne se prend « ni pour Jupiter, ni pour Robespierre ». En réponse, la candidate de la France insoumise (LFI) Manon Aubry a consacré une belle part de sa campagne à fustiger son homologue, affirmant qu’il agissait en « diviseur de la gauche ». Elle lui reproche certaines prises de positions contraires à celles du programme de la Nupes, notamment sur la défense de la retraite à 60 ans, à laquelle le leader de la liste socialiste s’est finalement dit être opposé. Il avait aussi rejoint Valérie Hayer, tête de liste Renaissance, sur une opposition à une sortie du marché européen de l’électricité.
Le marché européen de l’électricité a fait exploser nos factures de plus de 45% en deux ans.
Mais je suis la seule à avoir voté la sortie de ce marché qui ne marche pas pour reprendre la main sur la production d’énergie et sur les prix ! #UnionPopulairepic.twitter.com/HbhPoFoT0D
Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) à Manon Aubry (LFI): « Concentrez-vous sur l’extrême droite, lâchez moi un peu les baskets »#debatBFMpic.twitter.com/KsNidXKrUz
Sur le papier, les programmes des principaux candidats de gauche ne sont – dans l’esprit – pourtant pas si différents. Manon Aubry, comme Raphaël Glusckmann et Marie Toussaint, souhaitent par exemple renforcer les pouvoirs du Parlement européen en le dotant de l’initiative législative. Tous trois portent des propositions visant à taxer – à hauteurs variables – les superprofits, et mettre fin aux accords de libre-échange, du moins pour l’agriculture, en ce qui concerne Raphaël Glusckmann. Sur le pan écologique, LFI et les Écologistes visent l’objectif des 100% d’utilisation d’énergies renouvelables d’ici 2040. C’est 75% pour le PS – Place publique.
En matière de diplomatie, les trois têtes de listes se disent également favorables à la reconnaissance d’un État palestinien. Un point de divergence majeur réside cependant dans la question de l’élargissement de l’UE : seule Manon Aubry se dit défavorable à toute intégration de l’Ukraine qui se ferait sans « harmonisation sociale, fiscale et environnementale » préalable, tandis que ses homologues du PS et de EELV la soutiennent.
Il y a sans doute une logique de compétition électorale qui peut donner lieu à des tensions – Jérôme Letournel, chercheur en histoire politique
Alors, oppositions de fond ? La chercheuse en science politique Laura Chazel a consacré une étude aux similitudes et aux divergences des votes des eurodéputés LFI, PS et Europe Écologie les Verts (EELV), dans plusieurs catégories et entre 2019 et 2023. Sur cette période, elle a identifié que le pourcentage global de cohésion de votes entre LFI et le PS était de 76%, et de 86% entre EELV et le PS.
« Le PS voit l’occasion de reprendre le leadership à gauche »
Mais alors, pourquoi les divisions sont-elles apparues si marquées pendant la campagne des européennes ? « Il y a sans doute une logique de compétition électorale qui peut donner lieu à des tensions, estime Jérôme Letournel, chercheur en histoire politique. Il y a aussi des stratégies de campagne qui sont assez différentes : la liste de LFI a choisi un axe de campagne très orienté sur conflit israélo-palestinien. La manière de faire campagne autour de ce thème n’est pas forcément partagée [par les autres listes de gauche].»
Il faut aussi rappeler qu’en 2019, LFI et le groupe socialiste avaient terminé aux coudes à coudes aux élections européennes, héritant chacun de six sièges au Parlement européen. Depuis, LFI s’est imposé dans l’offre électorale face au parti à la rose – dont certains avaient diagnostiqué la « mort » après le quinquennat Hollande –, en témoignent les quelques 1,7% des voix recueillies par Anne Hidalgo à la présentielle de 2022.
Mais à présent, c’est la liste menée par Raphaël Glucksmann qui prétend concurrencer celle de Valérie Hayer, en se plaçant seulement deux points derrière, avec 13,5% des voix dans les derniers sondages. LFI, elle, pourrait terminer à 9%, à trois points devant les Écologistes. « Le PS voit l’occasion de reprendre le leadership à gauche, durablement ou pas, suggère Jérôme Letournel. Il y aurait là un certain succès symbolique. » Le chercheur de l’université de Caen reste toutefois prudent, estimant qu’il serait « prématuré » de tirer des conclusions sur la durabilité de cette dynamique favorable au PS. Un appel à la prudence notamment lié au fort taux d’abstention traditionnellement associé au scrutin européen.