Les NEET, une catégorie sociale qui inquiète les pouvoirs publics (1/4)

Jeune homme ivre sans-abri. CC0 Domaine public Gratuit pour usage personnel et commercial
En France, près de 30 000 jeunes NEET vivraient à la rue. Image libre de droit

Des jeunes perdus, exclus, à l’avenir incertain. Ils seraient très nombreux en France, près de deux millions. Mais leurs situations commencent seulement à être connues et leur détresse, prise en compte.  

En France, ils seraient près de 1,8 million à être hors-système. On les appelle les NEET (de l’anglais, Not in Employement, Education nor Training). Ils ne sont plus scolarisés, ni en éducation et pas non plus en emploi. Cette catégorie statistique, créée après la crise de 2008, représente 17% des jeunes de 15 à 29 ans en France.

D’après un rapport de France Stratégie datant de janvier 2017, les NEET sont généralement majeurs et plutôt issus de zone rurale. 24,4 % des 18-24 ans y vivent, contre 20,8 % en zone urbaine. Si 3% des 15-17 ans sont des NEET, la proportion monte à 16% pour les 18-24 ans et 20% pour les 25-29 ans. Parfois peu aidés de leurs parents, selon ce même rapport, ils seraient 190.000 à passer sous les radars institutionnels et privés de tout soutien familial. 30.000 d’entre eux vivraient même à la rue.

Il est cependant très difficile de cerner la variété des situations. “S’ils partagent des difficultés spécifiques, comme une plus grande exposition aux fluctuations économiques, les jeunes sont loin de former un groupe homogène”, précise le rapport.

Être NEET a de grave conséquences sur l’individu, la société, et l’économie

Dans un rapport de 2012, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) pointe du doigt l’effet d’une telle situation sur les jeunes européens. L’étude révèle qu’être NEET a de grave conséquences sur l’individu, la société, et l’économie. Sont notamment mentionnés “ une plus grande distance avec le système de protection sociale (beaucoup fondé en France sur le statut de travailleur), une relégation future dans des emplois précaires, la délinquance, ou encore des troubles physiques ou mentaux”. Le rapport européen signale aussi les NEET sont plus exposés au risque “d’aliénation politique (tentation des extrêmes) ou sociale (assistanat)”.

Depuis 2014, les Etats-membres de l’Union européenne ont lancé la Priorité jeunesse en Europe, qui vise à encourager l’emploi des jeunes. Sur la période 2014-2020, le Fond social européen (FSE) s’est d’ailleurs engagé à investir au moins 6,3 milliards € pour soutenir l’intégration des jeunes dans le marché du travail.

Julien PERCHERON

L’ensemble du dossier à retrouver ici :

À Bagneux, donner une seconde chance aux NEET (2/4)

Le risque pour les NEET : basculer dans la pauvreté et l’exclusion (3/4)

Alexis, le sport et le deal (4/4)

À Bagneux, donner une seconde chance aux NEET (2/4)

L'encadrement des jeunes consiste très souvent à leur redonner confiance, en eux-mêmes et en l'avenir. Julien Percheron
L’encadrement des jeunes consiste très souvent à leur redonner confiance, en eux-mêmes et en l’avenir. Julien Percheron

118 centre de réinsertion professionnelle compose le réseau des Écoles de la deuxième chance. Le but, comme ici à Bagneux, offrir une solution à ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification.

Dans les couloirs de cette école un peu différente, les travaux des années précédentes ornent les murs. Biographie de Lionel Messi, histoire de l’hôtel Hilton à Paris ou de la coupole Art Nouveau des Galeries Lafayette. Christian Larandière est le chef de site de Bagneux. Ici, on ne parle pas de professeurs, d’élèves ou de cours, mais de formateurs, de stagiaires et d’ateliers. Lunette rondes vissée sur le nez, son collier de barbe accompagne un large sourire.

« Ces jeunes sont arrivés il y a une semaine, dit-il en désignant quelques jeunes réunis autour d’une formatrice, on les fait entrer au compte-goutte, pour permettre l’individualisation de la formation. Chacun va suivre un parcours personnalisé en fonction de ses atouts et lacunes, mais aussi du métier qu’il choisit » explique le chef de site.

Avec 10 mois de cours, à raison de 35 heures par semaine, l’objectif est double : mettre les élèves à niveau dans les matières élémentaires et accéder à l’emploi ou à une formation qualifiante en alternance. « On est la marche qui leur permet d’entrer en CAP ou en Bac Professionnel » poursuit Christian Larandière.

« On cadre, on motive, on remobilise en permanence »

 

A quelques mètres de là, une autre salle, à l’ambiance studieuse. Sur la porte : Atelier Insertion Professionnelle. Ces stagiaires, arrivés en début d’année, travaillent leur CV. Au milieu de la pièce, Sandrine Araujo, formatrice. Brune, les cheveux bouclés et le regard bienveillant, elle s’adresse à Angel Cada, 20 ans, il arbore un T-shirt Star Wars et des lunettes loupe.

« Il faut que tu prennes conscience de tes compétences » dit-elle au d’une voix rassurante, penchée sur sa fiche de synthèse. Dessus, des triangles qui se croisent : mes valeurs, les valeurs que je rejette, mes intérêts, mes compétences et connaissances… L’an passé, Angel échoue en Terminal STMG et fait une dépression. Son redoublement est un échec, il fait une seconde dépression, plus violente. « Ici, on apprend des choses vraiment utiles » confie-t-il.

Après un premier stage “moyen” dans la vente, Angel se projette plus dans la logistique. « J’aimerai bien faire mon prochain stage à La Poste ou chez L’Oréal » sourit-il. C’est la grande particularité de cette école : trois semaines d’ateliers, trois semaines de stage. Juste à côté, un autre stagiaire fait mine de travailler son CV, légèrement affalé sur sa table. A 18 ans, Tyron n’a pas obtenu son Bac STMG.  « Les stages permettent d’acquérir des expériences et de se faire une idée d’où l’on voudrait faire l’alternance plus tard » explique le jeune homme, fan d’automobile, du PSG et des mangas.

L'atelier d'insertion professionnel est un temps pour que chacun avance dans ses recherches de stage. Julien Percheron
L’atelier d’insertion professionnel est un temps pour que chacun avance dans ses recherches de stage. Julien Percheron

Ce qui plaît aussi à la majorité des stagiaires, c’est l’indemnisation. Certes ils touchent aux alentours de 320 euros par mois. Mais ils gagneraient 100 euros de plus en préférant la Garantie Jeune. Pour cette raison, le dispositif de réinsertion professionnelle, sorte de pôle emploi pour les jeunes, attire bien plus que les écoles de la seconde chance.

Un phénomène que déplore Sandrine Araujo : chaque année, les écoles de la seconde chance ne sont pas remplies. « Je travaillais avant en Mission locale, se souvient-elle, il n’y a qu’un mois d’atelier puis deux rendez-vous hebdomadaire. Et les jeunes touchent les 400 euros, avec deux présence. Alors qu’ici, on donne beaucoup d’énergie, énormément même. On cadre, on motive, on remobilise en permanence. On est toujours derrière pour dire : tu vas y arriver » dit-elle, en serrant ses poings.

Une volonté partagée par les six formateurs de l’Ecole de Bagneux. D’ailleurs, chaque année, plus de 60% des jeunes stagiaires signent un contrat de travail ou suivent une formation professionnelle qualifiante dans un métier qu’ils ont choisi. 

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Galerie photographique : Une matinée à l’école de la deuxième chance

Julien PERCHERON

Nicolas Rohr, des chaussures responsables qui marchent depuis dix ans

Nicolas Rohr a fondé Faguo, une start-up de chaussures responsables. Crédits : Faguo
Nicolas Rohr a fondé Faguo, une start-up de chaussures responsables. Crédits : Faguo

Avec Faguo, il semble avoir trouvé une recette magique. Depuis bientôt 10 ans, la marque de chaussures responsables prend son essor. Aujourd’hui trentenaire,  Nicolas Rohr revient sur son histoire.

Pour des étudiants, était-il difficile de créer une start-up en 2009 ?

“Aujourd’hui les jeunes ont plus d’exemples auxquels se comparer. Pour Frédéric et moi, la première difficulté, ça a été de faire accepter à l’école, notre projet en tant que stage de fin d’année. Mais on a réussi. De juin à fin septembre, on a passé tout notre temps à la création de notre boîte. Le vrai premier déclic, c’était de faire un retroplanning précis, on l’avait pris à la chambre de commerce de Paris. On s’est trouvé un endroit neutre pour travailler. La bibliothèque de l’école. Tous les jours on y allait pour se forcer à travailler sur la boîte. En septembre on lançait un premier modèle. Pendant notre dernière année, on avait une double casquette. Dans la journée on suivait les cours et le soir on travaillait sur Faguo. On appliquait concrètement tout ce qu’on apprenait. On a pris des bureaux, en colocation privée avec d’autres entreprises. On n’a jamais reçu vraiment d’aide, ni financière, ni autre, mis à part un expert comptable que nous avons sollicité. En 2019, on fêtera les dix ans de Faguo. On a plusieurs boutiques dans Paris, et 40 salariés.”

Pensez-vous que les choses ont évolué ?

“Je pense oui, car les jeunes ont plus d’exemples sous les yeux. On en parle. Et puis, aujourd’hui, c’est dur de trouver du boulot, donc ça incite à entreprendre. La crise est le meilleur allié des entrepreneur. Il faut toujours se dire “sur un malentendu ca peut marcher”. Et puis maintenant, si un jeune monte sa boîte et que c’est un échec, il peut quand même aller voir les grands groupes pour chercher du travail. Ils aiment ces profils kamikazes. Ce n’était pas le cas il y a dix ans. Il faut leur prouver que je suis jeune, je suis dynamique je bouge. Avec de la chance et du mérite, ça peut fonctionner.”

L’entrepreneur est actif dans l’incitation des jeunes à créer leur entreprise. Il est l’un des exemples régulièrement mis avant, par exemple au Salon des entrepreneurs en 2014.

Votre âge vous apparaissait-il comme un avantage ?

« Quand tu as 21 ans, tout le monde veut t’aider. Tu représentes un peu le rêve que les plus vieux auraient voulu faire. Au début de Faguo, tout le monde voulait nous donner des conseils et nous soutenir : profs, connaissances, proches… C’était pratique. Oui, il y a des risques et on peut penser au pire, mais il faut surtout penser au meilleur. Sinon ça revient à de la spéculation immobilière. Je n’avais pas fait l’école de commerce dans l’idée de monter ma boîte. C’est venu au fur et à mesure. Avec mon ami Frédéric, en réfléchissant à ce qu’on voudrait faire une fois diplômés, on a réalisé qu’on avait envie de mener un projet de A à Z. Lors d’un voyage en Chine, on a imaginé ces fameuses chaussures et on s’est lancés. Pas de femme, pas d’enfants, pas d’emprunt : on était libres de se déplacer et de faire ce qu’on voulait. On était dans une vie hyper sociale, on savait qu’il fallait le faire à ce moment là. Les jeunes sont plus souples, ils ont moins d’a priori. Tout semble possible. C’est avec l’âge qu’on devient raisonnable. Et aujourd’hui, je ne regrette rien. Mais je crois qu’il ne faut pas se forcer à monter une boîte. C’est pas une mode. Certains sont très heureux dans le salariat. Mais si on a une petite envie, il faut aller jusqu’au bout”

Propos recueillis par Louise Boutard

 

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Le PSL-Lab, un lieu chaleureux où les start-ups des jeunes prennent leur envol

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Une centaine de porteurs de projets sont accueillis par le PSL-Lab, un espace de coworking à Paris. Ils ont moins de 28 ans, étudiants ou jeunes diplômés, et y mettent sur pied leurs entreprises. Un cadre convivial et une formule gagnante.

En lettres argentées, les mots PSL-Lab ornent le hall d’entrée des bureaux, hommage à l’union d’universités dont ils dépendent. Sur les murs, les photos de jeunes entrepreneurs et de leurs créations accueillent les visiteurs. Impossible de l’ignorer, on est dans un temple de l’entrepreneuriat, on y vient pour apprendre à entreprendre. Ici, une centaine de jeunes sont accueillis pour être accompagnés dans leurs projets depuis l’ouverture du Lab il y a deux ans. Pour y être admissible, il suffit d’avoir moins de 28 ans et l’envie d’entreprendre !

L'espace de travail du PSL-Lab.
L’espace de travail du PSL-Lab.

Des locaux pour travailler dans de bonnes conditions, une salle de réunion, un téléphone professionnel, un mentor et une équipe capable de prodiguer des conseils et d’établir des contacts avec des experts, c’est ce qu’offre le PSL-Lab. Les murs couleur vert pomme accueillent aussi des espaces de détente, et une cuisine pour se restaurer et échanger avec d’autres jeunes entrepreneurs. Toutes ces ressources sont accessibles pour 20 à 25 euros par mois, à condition d’être choisi par l’équipe du Lab, jusqu’à 3 ans après l’obtention du dernier diplôme.

Le PSL-Lab est l’une des nombreuses structures en place pour les jeunes qui choisissent de se lancer eux-même plutôt que suivre la voie classique du salariat. Il n’y a pas que les étudiants qui y sont les bienvenus. “Vous pouvez être accompagnés ici à partir du moment où vous avez le bac”, explique Kim Salmon, animatrice du Lab. “Vous venez de finir vos études ou de sortir du lycée, vous ne comptez pas faire plus, alors vous avez possibilité d’intégrer le PSL-Lab.” En plus de l’accompagnement qu’offre cet espace, il y a un diplôme d’étudiant entrepreneur à la clé, à condition de suivre de courts ateliers hebdomadaires, pour se former à l’entrepreneuriat.

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Un environnement riche d’idées

Sarah Tondji, fondatrice de Job'n'Roll.
Sarah Tondji, fondatrice de Job’n’Roll.

Affairée sur l’un des tables du Lab, on peut croiser Sarah Tondji, l’air professionnel mais détendu. Si la table qu’elle utilise est prévue pour dix personnes, elle exploite tout l’espace disponible ; ordinateurs, classeurs, papiers en vrac et gobelets de café vides parsèment son espace de travail, témoins de son ardeur. Le projet sur lequel elle est penchée, c’est Job’n’Roll. Cette boîte met en relation les jeunes en recherche d’un emploi et les entreprises en recherche d’employés, pour des missions à court terme ou des temps partiels.

Sarah a monté ce projet pendant ses études avec deux associés. Elle profite de la vague d’ubérisation qui lui permet de créer un modèle économique viable avec pour seul support un site internet ou une application. Moins de coûts pour elle, mais une masse de travail à fournir pour maintenir le site, mettre au point les algorithmes et étendre son business. Des tâches qu’elle effectue au PSL-Lab. “Ici, on peut travailler à plusieurs, et on a un encadrement tant psychologique que technique, grâce aux ateliers”, explique-t-elle. “Il y a des problématiques qui se présentent aux entrepreneurs qui vont être liées à la comptabilité, à la fiscalité, au droit. Quand on est seul, ça peut vite nous décourager. Ici on a des intervenants qui peuvent nous apprendre comment faire un tableau de compta et nous lancer, c’est essentiel.”

Marion Favre, fondatrice de Ici Là Là.
Marion Favre, fondatrice de Ici Là Là.

A quelques pas de Sarah Tondji, des écouteurs dans les oreilles, une jeune fille plus discrète s’affaire sur son ordinateur. Les cheveux châtains et le sourire amenant, Marion Favre s’échine à mettre en contact entreprises et restaurants. Son business, Ici Là Là, est un pionnier du “dîner nomade” : on prend l’apéritif, le plat et le dessert dans trois restaurants différents. Ce qui permet de mélanger les convives, idéal pour les dîner d’entreprise par exemple. Le concept est né comme un projet étudiant pour Marion, mais il a rapidement évolué en parallèle de ses études. “Quand j’ai découvert le statut d’étudiant-entrepreneur, je me suis lancée”, explique Marion. “J’ai la chance d’avoir un projet qui marche, une petite graine qui a commencé à pousser. Je ne veux pas arrêter sous prétexte que je dois trouver un travail.

Marion se considère chanceuse. “Je suis accompagnée depuis deux ans par le PSL-Lab, j’ai un espace de coworking au coeur de Paris pour 20 euros par mois… J’y trouve une convivialité, des échanges. On mange ensemble, ça permet de développer son réseau et de ne pas se sentir isolé.” Cet environnement a porté ses fruits : Ici Là Là a reçu le Prix de la Start Up Étudiante de BNP Paribas en février dernier.

 

 

 

 

 

Jean-Gabriel Fernandez

 

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