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Tout ce qui est carton est trié. D’un point de vue hygiène, les cartons ne sont pas autorisés à rentrer dans la cuisine donc il faut les jeter en amont. C’est pour cela qu’ils sont triés. Pareil pour le verre. Par contre dans les cuisines le tri n’est pas respecté. Les emballages plastique, les cartons et les déchets organiques sont jetés dans une seule poubelle.
C’est impossible de trier pendant le service parce que ça prend trop de temps. Trier, c’est rajouter beaucoup de contraintes dans un milieu où il y en a déjà beaucoup. T’imagines, t’ouvres un pot de crème fraiche, tu le jette dans une poubelle, t’épluches un oignon, tu mets les épluchures dans une autre poubelle, c’est pas possible de faire le tri tout en travaillant rapidement. Et puis, il y a une désinformation par rapport à ce qui se met dans quelle poubelle. La viande, c’est un déchet organique ou pas ? Je la mets dans la nouvelle poubelle ou dans la poubelle verte ? Tout est chronométré, donc c’est vraiment un problème de temps, et si t’arrives à en dégager un peu tu donnes une pause à tes employés parce que leur bien-être passe avant. Il faudrait qu’il y ait également quelque chose à gagner pour le restaurateur qui fait le tri.
Peut-être faudrait-il développer des aides de l’Etat, en tout cas il faut quelque chose qui motive. Ou sinon mettre une amende aux personnes qui ne respectent pas le tri, comme en Californie, mais là les restaurateurs ne seraient pas contents. Les palaces essayent de mettre en oeuvre des démarches de tri mais c’est pour faire bonne figure mais c’est impossible à respecter en soi par manque de temps. Sur Paris, ce sont des grossistes qui livrent les restaurants, et les palaces par exemple utilisent des bacs en plastique réutilisables pour le transport de produits. Mais ça ne marche que parce que c’est des produits frais. En brasserie, avec les produits surgelés, ils doivent jeter beaucoup plus d’emballages et de déchets que les restaurants gastronomiques. Quand tu gères une entreprise, la première question c’est combien ça coûte, et combien ça va me rapporter, c’est tout. Les autres questions passent après.
Propos recueillis par Catherine Saliceti et Aline Bottin
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Bricardo se laisse doucement porter par le tapis roulant. Seulement, il voit au loin ce qui l’attend. Il est sur le point de se faire compresser avec des centaines d’autres bouteilles. L’heure de la renaissance sous une nouvelle forme a bientôt sonné.
Bricardo est une brique de lait. La semaine dernière, il se reposait doucement au frais dans un réfrigérateur du VIe arrondissement de Paris. Mais le lait qu’il comportait a été consommé, il a été jeté. Le matin suivant, un camion poubelle l’embarquait vers une nouvelle destination.
Bricardo fait partie des 417 336 tonnes d’emballages recyclables, hors verre, collectés en Ile-de-France en 2014, selon l’Observatoire régional des déchets d’Ile-de-France (ORDIF). Il a été chanceux, car chaque jour, certains de ses camarades ne sont pas collectés car ils cohabitent dans la poubelle des déchets recyclables avec d’autres déchets qui ne sont, eux, pas recyclables. Jean-Luc D., éboueur dans le IXe arrondissement de la capitale, refuse chaque jour le ramassage de certaines poubelles jaunes. « On a l’impression que les Parisiens ne comprennent pas le tri sélectif, alors qu’il y a des autocollants rappelant quels sont les objets qui y sont acceptés. Le plus souvent, on y trouve du bois, des vêtements… Une fois, j’ai quand même retrouvé deux colverts morts dans un sac jeté dans la poubelle jaune », raconte l’employé de mairie. Pour Franck L., lui aussi agent municipal à Paris, la faute incombe aussi aux éboueurs. « Il y a des collègues qui refusent une poubelle entière juste parce qu’un petit sac d’ordures ménagères, facilement mis de côté, a été jeté dans la poubelle jaune », déclare-t-il.
Selon le rapport public annuel 2017 de la Cour des comptes, intitulé « Traitement des déchets en Île-de-France : des objectifs non remplis », seuls 17,4% des déchets produits en 2015 par habitant dans la capitale ont été recyclés. En Ile-de-France, ce taux de recyclage monte à 28%, mais la région est encore loin de l’objectif fixé par la loi de 2009 de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, fixé à 45%. Pourtant, l’Île-de-France produit 15% des déchets ménagers en France. Ce taux est également inférieur à la moyenne nationale, qui est elle de 39%, et bien loin de la moyenne de l’Union européenne, dont le taux de recyclage était de 44,6% en 2015. L’Allemagne est elle considérée comme bon élève en affichant un taux de recyclage de 64% en 2014. Le retard de la région Île-de-France, et surtout de Paris, en matière de recyclage est principalement dû à l’étape du tri, qui n’est pas respectée. Selon la mairie de Paris, plus de la moitié des ordures retrouvées dans la poubelle dédiée aux déchets ménagers est en fait recyclable. De plus, plusieurs immeubles parisiens ne sont pas munis de poubelles de tri. « Dans mon immeuble, il n’y a ni poubelle de verre, ni poubelle de déchets recyclables, je suis obligée de stocker puis de jeter mes déchets, souvent dans les poubelles des autres. À Paris, si l’on veut trier, il faut le vouloir », raconte Estelle C., habitante du quartier de Montmartre (XVIIIe).
Pour pallier ce taux médiocre, la mairie de Paris a lancé le « Paris du tri » en mars 2016. Cette vaste opération de communication vise à transmettre les bons gestes à adopter face à ses déchets. Un « guide du tri » a d’ailleurs été distribué à large échelle dans les boites aux lettres parisiennes. Plus récemment, la Ville a également misé sur un nouveau bac au couvercle orange, destiné à recevoir les ordures organiques. Le dispositif n’est néanmoins qu’à l’état d’expérimentation, seule une partie du XIIe arrondissement de Paris étant concernée.
Les déchets recyclables ayant passé l’épreuve du tri et donc placés dans le bon bac, à l’instar de Bricardo, sont ensuite transportés dans les centres de tri de déchets d’Ile-de-France. Ayant été jeté dans le VIe arrondissement, Bricardo est emmené au centre de tri du XVe arrondissement de Paris. Appartenant à l’entreprise Syctom, ce centre trie les déchets recyclables en fonction de leur matériau de conception. Ils subissent ensuite l’épreuve traumatisante du compactage, afin d’être acheminés vers des centres de traitement des déchets spécialisés dans chacun des types de matériaux.
Bricardo étant une brique alimentaire, il est composé de carton, de plastique et d’aluminium. Le carton est l’élément recyclable majoritaire d’une brique de lait. Après son passage en centre de recyclage, il commencera une nouvelle vie, sous la forme de papier toilette ou de papier cadeau.
Pour éviter le parcours du recyclage, dont peu de déchets passent finalement toutes les étapes, certains trouvent des solutions en amont, comme l’achat de produits en vrac. Laurent Quentin a ouvert une boutique spécialisé dans ce mode de vente sous la franchise Day by Day, dans le VIIe arrondissement de la capitale. « Il y a quelques années, je me suis rendu compte que chez nous on jetait à peu près 30% de ce qu’on achetait. Ça a provoqué un déclic chez moi, et j’ai commencé à m’intéresser au vrac. Puis j’ai réalisé que je pouvais ouvrir une boutique, franchisée de surcroit, et je n’ai pas hésité à tenter l’expérience », explique-t-il. Lui qui a travaillé dans l’industrie pharmaceutique pendant vingt-trois ans a donc décidé de sauter le pas il y a huit mois, et s’est installé Rue de Sèvres.
À l’intérieur, les tubes remplis de denrées sont nombreux, bien que la superficie de la boutique ne soit pas très grande. « C’est un parti pris d’avoir un magasin de taille restreinte, ça reste un commerce de proximité », explique Laurent Quentin, accompagné ce jour-là de Frédéric Dufour. Ce dernier a pour projet d’ouvrir un magasin Day by Day à Boulogne-Billancourt en septembre. Il vient cette semaine se former dans la boutique du VIIe arrondissement.
Si la taille du magasin est limitée, le choix lui ne l’est pas. Pâtes, riz, quinoa, bouchées de saucisson, céréales, lentilles corail, épices,… Il est possible de trouver n’importe quel produit, tant qu’il n’est pas périssable rapidement. Bricardo, la brique de lait, n’aurait par exemple pas sa place dans ce temple du sac kraft. Pour ce qui est du reste, tout est disponible sans emballage, même des produits de première nécessité comme le dentifrice. Encore faut-il braver l’aspect peu attrayant de ce produit en particulier. Le dentifrice en tube, bien connu de toutes les familles, laisse ici place à une pâte dure, verte, sentant anormalement fort la menthe. « Même si j’essaye d’appliquer le zéro déchet chez moi, mes enfants de 17 et 21 ans n’ont pas réussi à passer le cap du dentifrice, qu’ils trouvent très bizarre », s’amuse Frédéric Dufour.
Bien que ça ne soit pas son objectif premier, Day by Day a une dimension sociale. « Chaque jour, il y a une vieille dame qui vient m’acheter vingt centimes de pâtes. La manière de procéder d’un magasin en vrac ressemble à celle des épiceries qu’elle connaissait à l’époque. », raconte Laurent Quentin. Mais la nostalgie d’une époque passée n’est pas la seule raison pour laquelle ils ne prennent des provisions qu’en petite quantité tous les jours. « Elle reste toujours un peu dans la boutique pour discuter, et ce n’est pas la seule. Je pense que les clients sont contents de pouvoir parler avec quelqu’un ne serait-ce que quelques minutes, surtout les plus isolés », poursuit le gérant.
Si le fait de ne prendre que la quantité voulue est un avantage, le prix, lui ne l’est pas. Même si Laurent Quentin affirme que les prix sont « 5 à 30% moins chers qu’en grande surface », une comparaison menée entre les prix d’un Carrefour City et Day by Day prouve le contraire. En supermarché, un kilogramme de pâtes coûte 1,74 € contre 4,25 € dans le magasin de la rue de Sèvres. Pour un litre de liquide vaisselle, il faut débourser 2 € au Carrefour contre 4,25 € à Day by Day. Un bloc de dentifrice, qui équivaut à un tube et demi, vaut lui 9,90 € en vrac, contre 1,74 € au Carrefour pour la même quantité. Reste à savoir si le prix est un gage de qualité. À Day by Day, les produits issus de l’agriculture biologique sont signalés par une étiquette verte, ceux qui ne le sont pas d’une étiquette orange. Mais aucune mention de la provenance des produits.
La Ville de Paris a fixé comme objectif le « zéro déchet » à terme dans la capitale. Mais un palier à l’horizon 2020 est d’ores et déjà fixé : réduire de 10% le volume de déchets ménagers produits. Si la réaction en amont, en se procurant ses denrées dans des magasins de vrac par exemple, semble être une bonne idée, il ne faut néanmoins pas délaisser le tri en aval. « Le guide du tri est une première étape certes, mais face à l’incivilité, pourquoi ne pas mettre en place des amendes, comme à San Francisco », avance l’employé de mairie Franck L. San Francisco, revalorisant presque 100% de ses déchets, est donc un exemple à suivre dans le domaine.
Catherine Saliceti et Aline Bottin
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Limiter sa production de déchets au maximum, sans que ça ne devienne une contrainte au quotidien. C’est la démarche que Pauline L. a décidé d’entreprendre il y a un an. Cette avocate généraliste a commencé par remettre en question ses achats vestimentaires. « Je ne pouvais pas cautionner que des mineurs soient exploités pour fabriquer des vêtements dans certains pays, j’ai donc commencé par acheter du Made in France », explique-t-elle. Seulement, le Made in France a un coût, elle s’est donc rapidement tournée vers les friperies.
Tout est ensuite allé très vite. « Si je ne cautionne pas l’exploitation d’enfants, je ne peux pas non plus cautionner le suicide des agriculteurs français », poursuit-elle. Pour ses courses, elle privilégie donc le Biocoop près de chez elle. « Maintenant, quand je vais dans une grande surface, j’ai l’impression de voir du vomi de plastique. C’est comme si tu te déplaces tous les jours en vélo et que tu reprends le métro après plusieurs mois », s’amuse-t-elle. Elle achète la plupart de ses produits en vrac, une tendance qui monte en France.
Dans son appartement parisien, les bocaux en verre s’alignent sur les étagères. Sur l’égouttoir, un bocal de graines germées poussant lentement, qui serviront à agrémenter ses salades. Mais au moment de se faire un café, elle s’empare de dosettes individuelles de café soluble, en emballage plastique. Elle justifie très vite ce geste : « J’ai mis mon appartement en location sur Airbnb il y a quelques semaines, et ce sont les locataires qui les ont laissées. Je ne suis pas fan, mais je ne vais pas non plus les jeter », raconte-t-elle.
Pauline a aussi décidé de fabriquer ses propres produits ménagers, à l’instar de sa lessive, qui n’est « qu’un mélange de paillettes de savon de Marseille et d’eau ». Ses recettes de produits faits maison, elle les trouve sur des blogs internet, qu’elle consulte uniquement dans ce but.
Pauline considère néanmoins que le zéro déchet est une « goutte d’eau », dans un « système politique qu’il faudrait totalement réformer », avance-t-elle. C’est son comportement global qui s’inscrit dans une logique de respect de l’environnement, dont le zéro déchet fait partie, mais n’est pas l’élément central. « Avoir une poubelle vide, ça n’est pas un indicateur, surtout si tu prends ta voiture tous les jours », conclue-t-elle.
Catherine Saliceti et Aline Bottin
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