La mairie de Levallois-Perret aurait-elle oublié le principe de laïcité? Depuis 10 jours, une photo grand format de La Mecque trône dans le hall d’entrée de L’Hôtel de Ville. Et juste en haut de l’escalier principal, les Dix Commandements sont projetés autour du buste de Marianne. Mais aucune inquiétude, il n’est pas question de remettre en cause la loi de 1905. En fait, le bâtiment accueille jusqu’au 21 février l’exposition « Il était une foi(s)« , sur le thème des religions. L’occasion pour les visiteurs de découvrir ou redécouvrir les liens unissant les trois principales croyances monothéistes.
Une Bible, une Torah et un Coran qui partagent une même pièce, le symbole est fort. Au deuxième étage de l’Hôtel de Ville de Levallois-Perret, l’exposition « Il était une foi(s) » n’hésite pas à entremêler les différentes religions pour mieux les comprendre. Dans la Galerie du Conseil, les visiteurs se baladent entre kippas, tapis de prières et chapelets. Une mise en scène qui tenait à cœur à la mairie. « Le challenge était de faire cohabiter les différentes croyances, explique Henry de Grissac, le coordinateur du projet. On ne voulait pas avoir une partie catholique, une autre juive, une musulmane… On n’a pas voulu nier les différences entre les cultes, mais l’objectif était aussi de montrer les convergences qui existent. » Pour Jeanne, une visiteuse catholique, le défi est réussi: « C’est expliqué assez simplement, c’est bien conçu. C’est intéressant parce que quand j’entends à la télévision « pas d’amalgame » ou « l’Islam n’est pas ce que vous pensez », j’ai envie de leur dire: « expliquez-nous alors! » .
« Les Chrétiens prient Dieu en disant « Allah » eux aussi«
Tout au long du parcours, l’exposition s’efforce de mettre en valeur les liens qui unissent les religions. Le rez-de-chaussée est consacré à la ville de Jérusalem, berceau des religions juive, chrétienne et musulmane. À l’étage, on peut lire sur un panneau: « dans les pays arabes, les Chrétiens prient Dieu en disant « Allah » eux aussi« . Forcément, dans le contexte actuel, cet entremêlement des cultes a une résonance particulière. « Lorsque l’on a pensé cette exposition, il n’y avait pas encore eu les attentats de janvier, précise Henry de Grissac. C’est vrai qu’aujourd’hui, cela prend encore plus de sens. »
Pour récupérer certaines pièces rares, la mairie a engagé un dialogue avec plusieurs institutions. La Bibliothèque Nationale de France, l’Institut Catholique de Paris, l’Institut du Monde Arabe, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme ou encore la Société de l’Histoire du Protestantisme Française ont prêté plusieurs objets de leurs collections. « Il y a eu des discussions. Mais après les attentats, tout le monde a compris l’importance de cette manifestation » explique-t-on à la mairie. « Toutes les religions ont la même place dans l’exposition, remarque Samia, une visiteuse de confession musulmane. C’est un signe important, tout le monde est respecté. J’attache beaucoup de valeur à la notion de laïcité. »
« C’est dur de faire changer les vieux »
Si la mairie de Levallois-Perret a souhaité organisé une telle exposition, c’est aussi pour prouver son attachement à la liberté de culte et au dialogue. À Levallois, cinq églises, deux synagogues, une salle de prière musulmane et une mosquée sont mises à disposition des habitants. « J’ai beaucoup de musulmans dans mon quartier, assure Marie-France. Je suis une fervente catholique, mais je pense qu’il faut progresser ensemble. Une fois le gardien de mon immeuble m’a déconseillé d’organiser une fête des voisins, de peur de voir ressurgir certains conflits religieux. Ça, je ne l’accepte pas. »
Dans cette ville des Hauts-de-Seine, les problèmes religieux sont très rares. « On discute souvent avec les responsables des lieux de cultes » assure Henry de Grissac. C’est d’ailleurs lors du dîner annuel avec les religieux que l’idée de cette exposition a été soulevée. « Cela nous tenait à coeur de montrer notre respect de la laïcité et de transmettre ces valeurs« . Si l’exposition se veut très didactique, c’est aussi pour que toutes les écoliers de la ville puissent s’y rendre et mieux comprendre l’histoire de ces religions. À l’étage, le Livre d’Or renferme d’ailleurs plusieurs remerciements d’enfants, à en juger par les écritures approximatives. « C’est dur de faire changer les vieux, ils sont trop têtus, s’amuse Marie-France. Autant éduquer les plus jeunes« .
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Photos: Jonathan Hayat
Tristan Baudenaille-Pessotto