L’analyse de roches prélevées sur Mars ravive l’hypothèse d’une ancienne forme de vie sur la planète

Les résultats d’une analyse menée sur des échantillons du sol martien laissent ouverte la possibilité qu’une forme de vie ait pu s’y développer. S’il est encore trop tôt pour l’affirmer, les spécialistes évoquent une avancée majeure pour comprendre l’évolution de la planète rouge.

A-t-on enfin la preuve que la vie a existé sur Mars ? C’est ce que suggère une analyse parue dans la revue Nature mercredi 10 septembre. L’année dernière, le rover Perseverance, qui sillonne la planète rouge depuis 2021, a prélevé des nodules, soit des roches sédimentaires, dans une ancienne rivière d’eau liquide et les a examinés pendant un an. Les résultats ont conduit les chercheurs à formuler l’hypothèse d’une ancienne forme de vie martienne.

Les formations géologiques étudiées par Perseverance se situent dans la région dite Bright Angel. « C’est une découverte très intéressante car cet endroit contient des éléments oxydés et oxydoréduits », raconte à CelsaLab Caroline Freissinet, chargée de recherche en sciences planétaires et en astrochimie au CNRS. L’oxydoréduction est une réaction qui se produit lorsqu’une espèce chimique réductrice cède un électron à un agent oxydant. D’après la chercheuse, « la combinaison entre ces deux types d’éléments n’est pas commune ». Or, la vie est un phénomène qui peut l’expliquer.

Une « première fois » sur Mars

Les analyses de Perseverance ont ainsi mis en évidence la présence de composés organiques dans les nodules étudiés. « C’est la première fois qu’on voit sur Mars une chimie d’oxydoréduction en lien avec la présence de matière organique », rapporte Lucia Mandon, planétologue à l’Observatoire de Paris – PSL, auprès de CelsaLab. Les nodules sont enrichis en minéraux contenant eux-mêmes du fer, du soufre et du phosphore. « C’est intéressant, car ces éléments se retrouvent dans les sédiments terrestres, en lien avec l’activité de microbes », explique Lucia Mandon.

Pour Caroline Freissinet, cette découverte présente un double intérêt. D’une part géologique, car « elle montre les événements particuliers qui expliquent comment la planète s’est formée et a évolué ». D’autre part biologique, car elle soulève une question clé : « Est-ce que, à l’instar de la Terre, de la vie a pu se développer sur Mars ? » Si tel était le cas, il s’agirait plutôt d’une forme microbienne de vie, dont l’existence remonterait « à l’époque où Mars était habitable, soit il y a trois milliards d’années ».

Néanmoins, si la présence de vie peut expliquer la curiosité géologique identifiée par Perseverance, il ne s’agit pas de l’hypothèse la plus probable. « L’explication biologique est la dernière que l’on garde si l’on n’arrive pas à en trouver d’autres », reconnaît Caroline Freissinet. « Dans certaines conditions, on peut observer des réactions chimiques en l’absence de microbes », ajoute Lucia Mandon. Par exemple, la greigite, composée de fer et de soufre, peut se former sous l’effet de la chaleur. « Or on ne sait pas si elle a été chauffée sur Mars. » Selon Caroline Freissinet, « l’oxydation par molécules organiques » est également une possibilité. Mais la détection de telles molécules demeure hypothétique, Perseverance n’étant pas équipé des instruments adéquats.

Étudier Mars pour comprendre la Terre

Cette explication présente néanmoins autant d’incertitudes que l’hypothèse biologique. « La géologie de Mars est compliquée : on ne sait pas tout », admet la chercheuse. Pour en savoir plus, le retour des échantillons s’annonce nécessaire. Mais celui-ci est menacé par « les coupes dans les budgets présidentiels récents ». Même en cas de maintien du programme martien, « il faudra plusieurs années » pour obtenir des résultats plus précis.

Bien qu’elle ne prouve pas avec certitude l’existence d’une forme de vie passée, cette découverte est remarquable, car « on a affaire à des roches formées peu avant ou peu après l’apparition de la vie sur Terre, explique Lucia Mandon. On étudie Mars pour comprendre la Terre. On peut remonter l’histoire grâce aux roches. L’information perdue sur Terre est conservée dans la roche sur Mars. » Quant à Caroline Freissinet, elle se félicite : « On accumule des indices qui montrent que Mars a des particularités biologiques intéressantes. » Ces connaissances sur le passé de la planète rouge permettront ainsi de mieux comprendre son évolution, son atmosphère ou encore les conditions à sa surface. « C’est comme ça que la science progresse », se réjouit la chercheuse.

Eliott Vaissié.

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