Les procès intentés contre les gouvernements pour lutter contre le changement climatique se multiplient. Ces initiatives souvent citoyennes engagent la responsabilité de l’État pour la cause environnementale. Assistons-nous à une nouvelle forme de militantisme écologique ?
La cour d’appel de La Haye a rendu son jugement définitif. L’État néerlandais attaqué par l’ONG Urgenda en juin 2015 aura désormais l’obligation de prendre des mesures contre les conséquences du changement climatique. « Avant cette affaire, on ne pouvait même pas penser à engager un procès contre l’Etat. C’est une affaire historique rendue au lendemain du rapport du GIEC, qui est extrêmement alarmant » nous explique Émilie Gaillard, maître de conférence en droit privé à l’Université de Caen Normandie. Ce jugement historique a inspiré toute une génération de militants. Après l’initiative d’Urgenda en juin 2015, c’était au tour d’un agriculteur pakistanais de porter plainte contre son gouvernement. Considérant que la politique environnementale de son pays portait atteinte à ses droits fondamentaux. Selon un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement en mars 2017, 894 actions judiciaires liées au climat seraient en cours.
« Il y a une réelle mutation du droit »
La justice climatique est un combat de longue haleine. S’attaquer à un État pour des motifs environnementaux n’avait jamais été vu auparavant. En cause ? Un droit environnemental inadéquat. Cependant la multiplication des procès climatiques a permis de faire jurisprudence, explique Émilie Gaillard :« Il y a une réelle mutation du droit. Par exemple, le droit des Générations futures était complétement utopique en 1993, maintenant on y fait toujours référence. A termes, l’idée ce serait d’aboutir à une juridiction internationale comme dans le cadre de la Cour pénale internationale. »
« Ce n’est pas possible dans tous les pays, on a du mal à engager la responsabilité de l’Etat. Les liens de causalité sont difficiles à établir mais de manière générale, le changement climatique est de plus en plus lié aux droits de l’homme donc cela devient plus facile d’agir » assure Marie Toussaint, déléguée Europe Écologie – les Vert et présidente de l’association Notre affaire à tous.
Militantisme ou acte citoyen ?
Si criminaliser les États en matière d’environnement n’est pas chose aisée, les procès sont souvent le fruit d’une initiative citoyenne, participant à la médiatisation de la cause environnementale. Comme lorsqu’en janvier 2013, des citoyens européens ont lancé « directive écocide ». Ils demandaient la criminalisant l’écocide et pour viser pénalement des personnes physiques, décideurs et dirigeants, dont les ordres porteraient atteinte à l’environnement et aux populations qui en dépendent. Une initiative timide à l’époque qui avait participé à faire connaître le principe d’écocide. Ces initiatives permettent de convaincre de plus en plus d’individus explique Marie Toussaint :« On voit qu’il y a une prise de conscience qui s’accroit. Et la mobilisation citoyenne s’accroit avec. On a plus tellement de doutes sur les causes du changement climatique. Le citoyen lambda en a marre de couper l’eau, et de faire attention à l’électricité quand L’État ne fait rien. »
Cette mobilisation de plus en plus accrue pour l’écologie se traduit ainsi par l’augmentation des procès citoyens, mettant un peu à part le militantisme dans sa dimension politique analyse Émilie Gaillard « Pour moi ce n’est pas une nouvelle forme de militantisme mais une action citoyenne qui nous concerne tous. »
Capucine Japhet