Baptiste, 22 ans, devenu mannequin par hasard

Baptiste

PORTRAIT. Baptiste est entré dans le monde du mannequinat il y a maintenant cinq ans. En 2017, pour la première fois, être mannequin est devenu son unique activité.

Baptiste nous a donné rendez-vous dans sa chambre, au cinquième étage d’un modeste deux étoiles de la rue de Maubeuge, à deux pas de la Gare du Nord. Pas tout à fait apprêté, le jeune homme d’un mètre 89 nous accueille timidement dans une odeur de parfum frais, cabine de douche encore chaude. La pièce est mal éclairée,  juste de quoi distinguer deux grands yeux bleus et, quand il nous tend sa main, la finesse de longs doigts aux ongles soigneusement coupés. Une des ampoules au-dessus de son lit ne fonctionne plus. Baptiste passe un pull noir, enfile son trois quarts beige et nous voilà descendre les cinq étages les uns derrière les autres. Direction : le verre le plus proche.

L’apollon fait partie de ce qu’il appelle lui-même « le monde des mannequins commerciaux, moins prestigieux que le monde des ‘’model fashion’’. C’est moins bien payé mais il y a plus de travail parce qu’on dépend moins des modes et des goûts des designers. » Pour lui, pas de grande campagne d’affichage mondiale, juste une publicité à la télévision et très peu de podiums. La plupart du temps, il pose pour des catalogues, des boutiques en ligne ou dans les pages mode de magazines. Des shootings certes prestigieux mais qui ne rapportent pas un sou, « juste beaucoup de visibilité. »

Heureux hasard

Comme beaucoup, il est tombé dans le mannequinat presque par hasard. « Lors de ma première année de fac (à la catho de Lille en Biologie) ma copine m’a demandé que je l’accompagne dans une agence où elle espérait être prise comme mannequin. Comme mon père prenait beaucoup de photos, je me suis dit que tant qu’à faire, autant venir avec un book. Je n’avais jamais posé. Finalement, c’est moi qui ai été retenu… », dit-il dans un pincement de lèvres rieur. « Mon premier contrat c’était une seule petite photo dans un coin de catalogue, pour Castorama. J’avais gagné 150 euros. »

A l’époque, Baptiste décroche peu de contrats. « Ce genre de jobs à Lille est plutôt destiné à des hommes mûrs. J’avais tout juste 20 ans, et je faisais bien mon âge, » raconte-t-il. Pour gagner de l’argent, Baptiste fait comme beaucoup d’étudiants : des petits boulots. L’été, il est animateur dans des centres ou en colonies de vacances, ça lui rapporte alors « au moins autant que le mannequinat. » Autant dire pas grand-chose. Sa licence terminée, il commence un Master en Management et développement durable et descend à Paris pour collaborer avec de nouvelles agences. Les shootings se font moins rares, les aller-retour nombreux, mais il continue les cours, jusqu’à ces derniers partiels, l’an dernier.

New-York-Miami-Florence

« Je venais de décrocher un gros contrat à Londres, c’était une super opportunité, mais j’avais un examen le même jour. C’était l’un ou l’autre. J’ai choisi Londres. » Voilà donc bientôt deux ans que Baptiste s’écume sous les flashs des photographes, entre la Grèce, New-York, Miami, Florence, Lille et Paris. Pour cette première année pleine, il dit avoir gagné aux alentours de 40 000 euros.

Comment ? Comme après ces trois derniers jours, dans les studios du site vente-privee.com. Afin de garnir les rayons numériques de trois photographies par article, Baptiste a dû jongler avec 70 à 90 tenues chaque jour. « Pour les sites des Galeries Lafayette c’est la même chose, sauf que ce n’est pas trois mais cinq photos qu’ils veulent pour le site. Entre celles qui sont ratées et tout le reste, on arrive à près de 1 000 photos par jour. » Pour ses services, les deux sites internet paient le même tarif : « 1 300 euros par jour, c’est le ‘’minimum conventionnel’’ comme on dit. Sur le total, il faut retirer 33 % pour l’agence qui me mandate et 31 % de charges et de cotisations sociales. Il me reste environ 400 euros, en général je m’en tire plutôt pour 500. » Non, Baptiste ne se plaint pas.

Vieillir

En février dernier, il décide de quitter la maison familiale, à Bailleul, et choisit de louer un appartement à Lille, « pour économiser le temps de trajet jusqu’à la gare. » Une expérience qui fut de courte durée. « Je ne l’ai gardé que trois mois, je n’ai même pas eu le temps de le décorer. Quand je rentre dans le Nord, je préfère encore retourner chez mes parents. »

Sa mère le suit partout sur les réseaux sociaux, même si « ça me soule de raconter ma vie sur internet, on est un peu obligés, » explique-t-il. Elle aime tout, commente tout, partage tout. « Mon père est plus pragmatique, il est content bien-sûr mais ce qu’il veut par-dessus tout c’est que je ne me retrouve pas sans rien demain. » Car Baptiste en a conscience, « c’est très dur d’en faire son métier toute sa vie. On ne choisit pas comment vieillir. »

Sarafina Spautz et Antoine Colombani

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