Y aura-t-il des soldats saoudiens en Syrie ?

L’Arabie saoudite a réitéré cette semaine son intention d’envoyer des troupes au sol en Syrie. Embourbé dans la guerre au Yémen, l’Émirat a-t-il les moyens militaires et financiers nécessaires à cette intervention ?

 

Saudi traditional dancers perform during the Janadriyah festival of Heritage and Culture held in the Saudi village of Al-Thamama, 50 kilometres north of the capital Riyadh, on February 8, 2016. / AFP / FAYEZ NURELDINE

(Crédit photo : AFP)

Déterminée, l’Arabie saoudite ne cache plus ses ambitions. Elle envisage bien d’intervenir au sol en Syrie. L’envoi de troupes se ferait dans le cadre de la coalition contre Daech, qu’elle a elle-même lancée en décembre dernier. Au total, on estime que 150 000 hommes venus de différents pays de « l’alliance sunnite » tels que le Soudan, la Jordanie, l’Égypte et d’autres pétromonarchies du Golfe pourraient poser le pied sur le sol syrien.

Selon Sébastien Abbis, chercheur à l’Iris et interrogé par le CelsaLab, « les Saoudiens ont deux obsessions. La première : ‘avoir la peau’ de Bachar El-Assad, ce qui les a conduits à déployer depuis cinq ans des moyens considérables pour obtenir sa chute, mais ils craignent aujourd’hui de subir une défaite politique sur le terrain syrien. La deuxième : former une alliance politique et militaire sunnite face à ‘l’axe iranien et donc chiite’ dont la Syrie est une pièce maîtresse. »

L’annonce d’intervention en Syrie n’est cependant pas un acte isolé : « Cette intervention s’inscrit dans la lignée de la nouvelle politique étrangère très offensive de Riyad. Menée d’une main de fer par Mohamed Ben Salman, fils ‘préféré’ du roi Salmane et actuel ministre de la Défense, elle vise à asseoir l’hégémonie saoudienne sur le monde arabo-musulman’, raconte Sébastien Abbis.

Car la Syrie n’est pas le seul endroit où l’Arabie Saoudite intervient. Depuis mars 2014, elle est établie militairement au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique où une rébellion chiite a renversé le président sunnite. L' »Opération décisive », qui a débuté en mars 2015 est en train de se transformer en bourbier pour les saoudiens. Différentes ONG accusent le royaume wahhabite d’avoir commis des crimes de guerre en ciblant notamment des civils yéménites.

  • Des ressources militaires limitées

Mais l’Arabie saoudite a-t-elle les moyens de sa politique étrangère ? Pour Marc Epstein, rédacteur en chef du service monde de l’Express contacté par le CelsaLab,  « L’Arabie saoudite ne dispose ni d’une véritable armée, ni d’experts militaires. Il suffit de regarder ce qui se passe au Yémen. Cette opération est un fiasco!”  lance-t-il. Il faut dire qu’investir dans une armée n’a pas toujours été une évidence pour les Al Saoud. Sous le parapluie militaire des États-Unis depuis 1945 avec le pacte de Quincy, les Saoudiens ne se sont jamais préoccupés des questions de défense. « Mais aujourd’hui, les choses changent. Avec l’accord iranien, les saoudiens se sentent abandonnés par leur allié et n’ont d’autre choix que de compter sur eux-mêmes pour assurer leur sécurité, » poursuit Marc Epstein. Et les chiffres sont éloquents : les dépenses allouées à l’armée ont vu une augmentation de 14 % entre 2012 et 2013, atteignant 67 milliards de dollars. Un record. Pour autant, Marc Epstein ne croit pas que les saoudiens enverront leurs propres soldats : « L’armée saoudienne est finalement récente et très peu formée. Les saoudiens ne prendront tout simplement pas le risque d’envoyer leurs ressortissants en Syrie. »

Autre façon pour les saoudiens d’être militairement plus présent : acheter le soutien de pays plus modestes:  « Lorsque L’Arabie Saoudite annonce qu’elle va former une coalition avec 33 pays musulmans pour combattre le terrorisme, en réalité beaucoup de pays ne sont pas au courant de leur participation à la coalition. Le Pakistan, par exemple, a fait savoir qu’il ignorait tout du projet de coalition. Pire, au Liban, c’est dans la presse qu’une partie du gouvernement à découvert son « engagement » dans la coalition saoudienne,” raconte Sébastien Abbis.

 

Alexandra del Peral 

 

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