Précarité, peur de l’avenir et privations : les jeunes Français sont en première ligne. Selon le baromètre réalisé par Ipsos pour le Secours populaire publié ce jeudi, les moins de 35 ans sont “particulièrement affectés”.

Un mot domine le rapport : l’angoisse. Un jeune Français sur deux se dit aujourd’hui insatisfait de son niveau de vie et déclare rencontrer des difficultés financières, notamment pour s’offrir une alimentation saine. Quinze ans après la première enquête, « tous les indicateurs se sont détériorés », constate l’association caritative. Conséquence : près de quatre jeunes sur dix ont déjà sollicité l’aide d’un proche pour éviter de tomber dans la précarité.
« Beaucoup de facteurs s’accumulent : on voit par exemple des jeunes qui hésitent à consulter un médecin par peur du coût ou par manque d’accessibilité, déplore l’association. Beaucoup doivent faire des choix difficiles, comme sauter des repas ou réduire drastiquement leur budget loisirs, ce qui les coupe peu à peu de la vie sociale et culturelle. Ce repli crée un isolement parfois lourd à porter, surtout quand il s’ajoute à une fragilité psychologique. »
« Parfois, je me dis que j’aurais préféré naître à une autre époque, quand la vie semblait plus simple. »
Dans son petit studio du 19e arrondissement, Camille, 24 ans, vit avec un budget serré. Étudiante en master de sociologie, elle enchaîne supermarché le week-end pour payer son loyer de 750 euros. « J’ai un tableau Excel avec toutes mes dépenses. Si je dépasse, je le sens tout de suite. Il y a des jours où je me demande même comment je vais finir la semaine. » Elle raconte avoir renoncé à ses loisirs : plus de cinéma, presque plus de restaurants. « Parfois, je me dis que j’aurais préféré naître à une autre époque, quand la vie semblait plus simple. »
Abdelsem Ghazi, secrétaire général du Secours populaire de Paris confirme que cette angoisse pour l’avenir est omniprésente. « Il n’y a pas vraiment d’horizon pour certains jeunes. Ils voient les débouchés se réduire, les aides baisser, et le discours ambiant de plus en plus pessimiste. Par rapport à ceux qui ont connu les Trente Glorieuses, ils ont le sentiment qu’on ne leur prépare pas une société dans laquelle ils pourront s’épanouir. »
Les jeunes parents en première ligne
La situation n’épargne pas non plus les jeunes adultes déjà installés. Locataires d’un deux-pièces à Montreuil, Élodie, 31 ans, et Karim, 33 ans, parents d’un petit garçon de deux ans, jonglent avec leurs revenus pour couvrir crèche, courses et loyer. Tous deux en CDI, ils travaillent à plein temps, mais le compte n’y est pas. « On a l’impression de courir tout le temps, mais de ne jamais respirer financièrement », souffle Élodie, assistante RH. Karim, graphiste, complète : « Avant, on pouvait mettre un peu d’argent de côté pour les vacances. Aujourd’hui, le moindre imprévu, comme la machine à laver qui tombe en panne, nous met dans le rouge. »
Des permanences spéciales pour les jeunes
Pour répondre à cette détresse, le Secours populaire renforce son action. « Nous avons mis en place des permanences spécifiques pour les étudiants, explique Abdelsem Ghazi. Nous proposons des aides matérielles, alimentaires et même des aides financières pour ceux qui ont eu un accident de la vie. L’objectif, c’est d’éviter qu’ils basculent complètement dans la grande précarité. »
Ces permanences s’appuient sur des bénévoles spécialement formés, capables d’orienter les jeunes vers les aides communales, régionales et associatives. « Il faut qu’ils puissent relever la tête, poursuit-il. Quand ils arrivent abattus, on essaie de leur redonner confiance pour qu’ils puissent se remettre debout. »
Jade DÜBBE