Dans la ville Détroit aux États-Unis, une grève historique a été décidée aujourd’hui par le syndicat unique des ouvriers automobiles, mettant simultanément à l’arrêt trois sites de production des constructeurs Stellantis, Ford et General Motors. Interview.
C’est un coup de force rarement observé, dans le paysage syndical américain. Le syndicat United Auto Workers (UAW), fort de 391 000 membres actifs mené par Shawn Fain, président depuis mars 2023 a décidé ce 15 septembre à minuit d’entamer une grève sur les sites de trois géants de la construction automobile présents aux États-Unis. Pour le moment, 12 700 salariés sont en grève, avec pour menace de mettre à l’arrêt davantage de sites de production en cas de négociations difficiles. « Nous ne laisserons pas le « Big Three » (surnom des trois entreprises dans lesquelles UAW est en grève) continuer à faire traîner les discussions pendant des mois », a affirmé le leader syndical. Dans un contexte d’inflation, de baisse de pouvoir d’achat et d’une fragilisation du marché du travail, le syndicat UAW espère négocier en leur faveur le renouvellement de leur contrat de travail daté de 2021, arrivé à expiration. Dans une interview accordée au Celsalab, la chercheuse Marie Ménard, doctorante en sociologie et civilisation américaine à l’Université de Paris-Est Créteil détaille les causes et conséquences de cette grève.
Quelles sont les causes de cette grève historique ?
Aux Etats-Unis comme ailleurs dans le monde, l’inflation a impacté fortement les travailleurs américains en diminuant leur pouvoir d’achat et a révélé, au sein même d’une même entreprise, la fragilité économique de certains travailleurs maintenus dans la précarité alors que les bénéfices et les marges des actionnaires continuaient de s’envoler. La négociation du nouveau contrat porte sur plusieurs points‧ D’une part, sur une augmentation de 40% des salaires qui permettrait de compenser les pertes liées à l’inflation. D’autre part, les Big Three ont multiplié ces dernières années des embauches de travailleurs temporaires, avec des grilles salariales plus basses et des protections sociales moindres. Un autre enjeu du contrat et objectif porté par l’UAW est donc d’avoir une unification des statuts, la semaine de 4 jours, un droit de grève étendu, et un nivellement par le haut des conditions de travail de tous les travailleurs.
Ce mouvement social est-il sans précédent ?
Les revendications du syndicat ont elles une chance d’aboutir ?
L’administration Biden, bien que se présentant comme favorable aux syndicats, pousse à la résolution du conflit des deux côtés, syndical et patronal. Il faut donc attendre de voir si cette dernière va intervenir pour mettre fin au conflit ou non, et si elle se mettra du côté des syndicats ou des entreprises.
Concernant les autres organisations syndicales, beaucoup de solidarité a été observé, ce qui est encourageant pour UAW. En somme, même si le contexte politique est plutôt favorable aux syndicats, et que la grève de l’UAW est soutenue par l’opinion publique américaine, la fin de cette grève sera décisive : à la fois pour le nouveau leadership pour qui il s’agit d’un baptême du feu, et parce que les répression anti-syndicales peuvent être particulièrement sévères aux États-Unis, à la fois pendant le conflit, et après : licenciement des dirigeants, mesures de représailles pour les employés.
Jules Bois