Les exploitants des carrières de Saint-Maximin promeuvent la pierre de taille comme un matériau de construction d’avenir, à l’heure où les bailleurs sociaux parisiens affichent l’ambition d’employer des matériaux plus nobles et écologiques pour le parc HLM.
Le bâtiment de la ZAC (zone à construire) Beaujon, inauguré dans le 8e arrondissement de Paris, passerait presque inaperçu dans le luxueux Faubourg Saint-Honoré. Il s’agit pourtant d’un HLM, construit de la même pierre que ses voisins haussmaniens, extraite des carrières de Saint-Maximin (Picardie).
Du noble pour le social
Ce projet immobilier, livré en 2021, répondait à l’obligation légale des municipalités de d’élever à moins 25% la part de logements sociaux sur la totalité de leur parc. Le 8e arrondissement de Paris n’en comptait que 3,6% selon le dernier recensement de 2020. À titre de comparaison, cette part atteint 42% dans le 19ème arrondissement.
« La beauté de la pierre de taille a peut-être contribué à l’acceptabilité du projet dans le 8e », estime Sarah Kabbat, architecte de l’agence NRAU, qui a porté le projet. Dans une municipalité ancrée à droite, les réticences politiques à la construction de logements sociaux sont fortes.
Aucun privilège accordé à un quartier fortuné, assure néanmoins Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris chargé du logement. Preuve s’il en est : un autre projet immobilier HLM en pierre de taille est en cours sur le site Eole, dans le 19e arrondissement. « Ce type de projets relève d’une volonté de monter en gamme dans l’usage des matériaux de construction du parc HLM », explique l’élu, qui ajoute que « l’objectif est de porter des projets plus nobles, durables et vertueux d’un point de vue écologique. »
Ancestral et bas carbone
La pierre de taille, dans ce sens, a ses arguments à vendre. Les carrières de Saint-Maximin, situées à 60km de Paris, ont servi de terreau à l’histoire urbaine francilienne, et échafaudé, au fil des siècles, les fondations parisiennes, les immeubles haussaniens ou encore le château de Versailles. Ce qui leur vaut même d’être plébiscitées par des constructeurs en Chine pour du bâti de luxe. Les exploitants des carrières mobilisent le lexique de la tradition, et louent les savoirs-faires « ancestraux » liés à la construction de pierre. « Et qui dit technique ancienne dit aussi bas carbone », souligne un cadre de l’entreprise Rocabat, qui exploite les carrières de Saint-Maximin.
Car l’argument est surtout écologique – pour autant qu’on n’exporte pas les pierres vers la Chine -. La pierre de taille est un matériau naturellement isolant et ne nécessite aucune transformation chimique. Taillées sur leur même site d’extraction, elles constituent une réserve de constructibles proches, nécessitant peu de transport polluant. L’entreprise Rocabat assure en outre que le site de Saint-Maximin dispose de larges réserves d’extraction pour les siècles à venir.
Le prestige et l’écologie ont certes un prix : le projet de qui a remporté l’appel d’offre du bailleur social associé à la ZAC de la rue Saint-Honoré, aurait coûté deux fois plus cher que la moins onéreuse des candidatures. « Mais les économies qu’on fait sur les matériaux de construction relèvent de logiques politiques court-termistes », souligne l’architecte Sarah Kabbat.
De la pierre à la brique crue
Le béton, massivement employé dans la construction des HLM dans les années 1970 et plébiscité pour ses faibles coûts, est désormais conspué pour son bilan écologique. Lourd émetteur de carbone tant aux étapes de sa production, de son transport que de son traitement, le béton se recycle en outre très mal. C’est aussi le cas des matériaux – laines de verre ou de roche ou encore polymères – dont il faut l’enrichir pour l’isoler.
Alors que le secteur de la construction émet 23% des gaz à effet de serre français, certaines agences d’architecture tentent désormais de promouvoir des matériaux biosourcés, c’est-à-dire d’origine naturelle, et à faible empreinte carbone. Parmi ces matériaux nouvelle génération qui s’inspirent de l’ancien : le bois, la paille, ou encore la brique – à l’instar de celle dont sont bâties les « habitations bon marchés » de la ceinture parisienne construite dans l’entre-deux-guerres. Mais crue, cette fois, car la cuisson de la brique émet aussi du carbone.
Le développement d’un parc HLM bas carbone risque néanmoins de heurter à l’obstacle financier. « Le prix de la construction a grimpé de 50% ces dernières années, et cette hausse est principalement due à l’augmentation des matériaux de construction », relève l’élu Ian Brossat.
À Paris, plus de 200 000 foyers sont actuellement en attente d’attribution d’un HLM.