Une cinquantaine de militants écologistes et de la cause animale était présente ce mercredi à 13h pour accueillir Sandrine Rousseau à son arrivée sur le parvis du tribunal judiciaire de Paris. Assignée en justice par la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) pour avoir affirmé « qu’un féminicide sur quatre est lié à une arme de chasse », la députée écologiste devait assister à sa première audience, finalement dématérialisée.
Des militants d’Europe Ecologie-Les Verts, beaucoup de Jeunes Ecologistes, quelques membres du Parti Animaliste … mais pas de Julien Bayou. Comme pressenti, le désormais ex co-président du groupe parlementaire, mis en cause par son ancienne compagne pour son comportement supposé violent, n’a pas fait le déplacement pour soutenir l’élue. Lors de la déposition de la plainte par la FNC le 25 août dernier, Sandrine Rousseau s’était étonnée d’être la seule cible du syndicat. L’instance la somme de lui verser 98 879.40€, soit 10 centimes par détenteur d’un permis de chasse, pour « dénigrement » et « propos stigmatisants ». En effet Julien Bayou avait tenu un discours similaire à l’encontre de la chasse en février 2022, et fait part de sa volonté de venir soutenir sa collègue au tribunal. Il ne se sera finalement pas rendu sur place. Interrogée sur l’absence du député de la 5e circonscription de Paris, Sandrine Rousseau botte en touche. « L’identité des personnes venues me soutenir aujourd’hui importe peu. Ce qui compte, c’est de construire ensemble une société non-violente. Il est plus que jamais nécessaire de repenser notre rapport aux autres et au vivant » a déclaré l’ancienne présidente du conseil politique de Yannick Jadot durant la campagne présidentielle.
Soutien sans faille des militants
Au pied de la tour de verre de 160m de hauteur imaginée par Renzo Piano qui abrite le nouveau tribunal judiciaire de Paris depuis 2018, les militants font bloc derrière leur championne. Plusieurs brandissent des pancartes sur lesquelles on peut y lire un laconique « #LaChasseTue. 1 féminicide sur 4 provoqué par une arme de chasse ». Le 22 février dernier sur le plateau des 4 vérités de France 2, Sandrine Rousseau avait déclaré : « Ca n’est pas un loisir que d’aller tuer des animaux les week-ends avec des fusils. Et par ailleurs (…), le reste de la semaine, on peut aussi le braquer contre sa femme. On a vu qu’un féminicide sur quatre est lié à des armes de chasse ». Irène Godard, adhérente au Parti Animaliste, souscrit complètement aux propos de la députée écologiste. « Un fusil, c’est pratique pour buter les animaux et sa femme », assène-t-elle. A ses côtés, Christian, un badge Viande = meurtre épinglé sur la poitrine, abonde : « Il faut mieux réguler la chasse. Il y a trop d’accidents, ce n’est pas normal». En février 2022, Sandrine Rousseau s’était exprimée trois jours après la mort d’une randonneuse dans le Cantal, victime d’une balle perdue. Membre des Jeunes Ecologistes depuis 1 an, Simon loue la résistance de l’élue en qui il voit une infatigable porte-parole. « Elle se fait très souvent attaquer dans les médias alors qu’elle ne fait que souligner des faits ». Originaire des Pyrénées, le jeune homme connaît bien le milieu de la chasse dans lequel il a grandi. Pour lui, la régulation de cette pratique ne se limite pas à un clivage entre ruraux et urbains : « Des amis ont peur de se promener en forêt. On a perdu le contact avec l’animal, la chasse est presque devenue industrielle », déplore-t-il.
Jean-Marie Hupel, militant écologiste, voit en cette audience une « procédure bâillon » visant à décrédibiliser le discours de Sandrine Rousseau. « Si la FNC conteste les chiffres qu’elle avance, il y a d’autres moyens de le faire savoir », observe-t-il. La députée de la 9e circonscription de Paris avait repris le comptage du collectif Féminicide par compagnon ou ex, selon lequel un fusil de chasse était employé dans un quart des féminicides en France en 2020 et 2021. L’homme, qui fait partie des organisateurs de l’événement, ne se formalise pas de l’absence de Julien Bayou. « C’est normal au vu de la situation depuis deux jours. Ce sont leurs affaires, déconnectées du combat que nous menons », juge-t-il. En interne, la cellule d’enquête et de sanction contre les violences sexuelles et sexistes continue de mener l’enquête. Aucune information judiciaire n’a encore été ouverte.
Le programme chahuté
Alors qu’ils attendaient patiemment la venue de l’assignée, les militants sont rappelés à l’ordre par un homme de la Préfecture de police. Habillé en civil, il somme les soutiens de Sandrine Rousseau de se déplacer de l’autre côté du tribunal. Motif : la manifestation n’a pas été déclarée sur le parvis mais à quelques centaines de mètres, le long du boulevard Berthier. L’évacuation se déroule dans le calme, sous le regard de trois agents de la paix. A son arrivée sur les lieux quelques minutes plus tard, la militante est chaleureusement accueillie par Marie-Charlotte Garin et Julie Laernoes, elles aussi députées écologistes, et Annie Lahmer, conseillère régionale écologiste francilienne. « Merci d’être là ! », lance-t-elle en souriant à ses militants qui l’applaudissent en chœur.
Au moment de pénétrer l’édifice, Sandrine Rousseau apprend que son audience a été dématérialisée. Imperturbable, elle propose immédiatement à la petite assemblée de s’attabler avec elle à la terrasse d’un café. « On va faire un Zoom en buvant un coup », s’amuse-t-elle. Profitant du micro tendu par une chaîne de télévision sur le parvis du tribunal, Sandrine Rousseau réaffirme ses propos tenus à l’antenne en février, et confie prendre l’affaire au sérieux. « C’est un combat passionnant à mener», décoche-t-elle sans se départir de son sourire. T-shirt rentrée dans son chino, une main dans la poche et parée d’un k-way, rien ne semble décidément perturber l’élue, prête à braver toutes les intempéries.
Antoine Bouchet