A la manifestation des enseignants, « il y a un ras-le-bol général »

Conditions de travail dégradées avec la crise sanitaire, salaires encore trop bas après des années de carrière, difficulté à recruter de nouveaux professeurs … Plusieurs milliers de manifestants ont montré leur colère jeudi en défilant à Paris. Des professeurs tous juste diplômés aux enseignants de longue carrière, tous ont marché pour réclamer plus de considération au gouvernement. Reportage.

Les drapeaux se massent petit à petit vers 13h30 au métro Jussieu, dans le 5ème arrondissement de Paris, au pied de la faculté. Les syndicats FO, CGT, FSU et Sud ont appelé ce jeudi à une grève massive des personnels de l’Éducation pour réclamer un « plan d’urgence » pour l’enseignement. Malgré ce vaste appel, le taux de grévistes est relativement faible à travers le pays. Entre 3 et 7 % d’après les autorités, jusqu’à 15 % d’après les syndicats.

Pour autant, les manifestants sont en colère, et déterminés. « Avec ce gouvernement, on ne voit pas bien à quoi peut ressembler l’école du futur qu’on nous promet » regrette un militant Force Ouvrière et instituteur en maternelle à Aubervilliers, qui ne souhaite pas donner son nom, de peur « d’avoir des problèmes ».

Pendant que des rangées d’étudiants marchent vers l’entrée de la faculté, les têtes curieuses ne peuvent pas passer à côté d’un groupe de manifestants bruyant. Les membres du personnel de nettoyage de l’université sont une trentaine à crier au « foutage de gueule » de la part de l’administration. Depuis dix jours, ils sont en grève. « On veut que nos heures sup’ soient payées » explique une gréviste au micro. Ils viennent ensuite gonfler le cortège des travailleurs de l’Education Nationale qui s’apprêtent à défiler.

Le maître mot de la manifestation semble être la désillusion. « On nous promet des primes pour les jeunes enseignants, mais de toute façon, le métier ne fait plus rêver » ajoute-t-il.

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Demande de moyens

« Enseignants quasi K.O. », « Tiens bon ta classe avec cent marmots » entend-on au micro de la voiture FSU. Si les revendications sont nombreuses, celle du manque de moyens et d’effectifs revient toujours. Catherine Da Silva, directrice d’école à Saint-Denis, est venue avec plusieurs professeurs de son établissement. « On a eu droit à cinq ans de politique néo-libérale avec Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer, maintenant il faut que ça s’arrête » insiste-t-elle. »Quand on est absent, on n’a pas de remplaçant, complète-telle avec dépit. En Seine-Saint-Denis, il manque plus de 500 professeurs. »

En tête du cortège, qui mène plusieurs milliers de manifestants de Jussieu vers le boulevard de Grenelle, le service de sécurité de la CGT et de la FSU encadre sans difficulté la foule, en plein soleil. Musique, bonne humeur et quelques slogans cachent néanmoins une certaine résignation des enseignants.

« Dans mon collège, on doit nous-même nettoyer les salles entre les cours faute de personnel de nettoyage. La moitié des ordinateurs ne fonctionne pas. Sincèrement, vous trouvez ça normal ? » s’emporte Elise Leroy, professeure de mathématiques de 27 ans dans un collège de Rosny-Sous-Bois. Avec deux de ses collègues, elles ne sont pas syndiquées. Mais elles ont quand même souhaité venir pour « exprimer leur colère ».

« Une précarité indigne »

Parmi les principales revendications des syndicats, la demande hausse des salaires pour l’ensemble du personnel de l’Éducation est évidente. « Il y a un ras-le-bol général dans ce métier » explique Elise Leroy. « J’enseigne depuis quatre ans, je gagne 1500 euros par mois ». La jeune femme donne des cours particuliers presque quotidiennement en dehors de ses heures de travail.

Du côté de la CGT, les manifestants dénoncent des conditions dégradées pour les professeurs comme pour les élèves. « Ce contexte d’austérité budgétaire dans l’Éducation nous rend le travail impossible. Il y a une précarité indigne » relève Isabelle Vuillet, co-secrétaire de la CGT Éducation et professeure de Lettres et Histoire dans un lycée professionnel de Lyon.

Si le taux de grévistes est relativement faible ce jour, les syndicats sont déterminés. « On doit être entendus. martèle la co-secrétaire CGT. On doit sauver l’Éducation pour les professeurs et pour nos enfants ».

 

Joséphine Boone

Tennis : Lucas Pouille balayé à Metz par la tornade Hubert Hurkacz

 

Nouvelle déception pour le tennisman français qui continue sa terrible année 2021 avec une défaite en huitième de finale de l’Open de Moselle face à Hubert Hurkacz (6-2, 6-3).

La sixième victoire de l’année pour Lucas Pouille attendra. Opposé au dernier demi-finaliste de Wimbledon Hubert Hurkacz, le Français a eu toutes les peines du monde à exister face à la tête de série numéro 1 du tournoi de Metz. Le Polonais s’est aussi assuré de mettre toutes les chances de son côté en commençant la partie pied au plancher avec la bagatelle de trois jeux inscrits contre le Français en moins de 10 minutes.

Il aura fallu attendre le quatrième jeu pour voir le Français véritablement entrer dans la partie à l’aide d’un solide jeu de service (deux aces). Mais il en fallait plus pour déstabiliser la marche en avant du 14ème joueur mondial. Malgré un autre jeu de service blanc infligé en 3 minutes pour revenir à 4-2, Lucas Pouille va céder cette première manche en moins de 30 minutes à son adversaire et ne peut que regagner son banc l’air déçu.

Hurkacz trop fort 

La présence de Jo-Wilfried Tsonga, double vainqueur du tournoi, n’y aura rien fait, le Polonais continue sa marche inexorable vers l’avant et remporte sa mise en jeu d’entrée. Bien aidé par son excellent service (73% de points gagnés au service), le Polonais continue de s’affirmer en tant que grand favori de cet Open de Moselle. Pourtant, les quelques spectateurs présents croient au réveil de Lucas Pouille lorsque celui-ci va écarter trois balles de break pour conserver sa mise en jeu et éviter un bis repetita de la dernière manche.

Leurs espoirs seront de courte durée puisque le Polonais reprend consciencieusement son entreprise de démolition en empochant trois jeux d’affilée pour se mettre en excellente posture pour remporter ce huitièmes de finale. Lucas Pouille réagit brièvement en arrachant un nouveau jeu très disputé pour revenir une nouvelle fois à 4-2 mais ce break de retard lui sera encore fatal. Ce jeu décisif pour passer à 5-3 et disputer pendant plus de 10 minutes pour ne pas céder une nouvelle fois sur le score de 6-2 symbolise parfaitement cette rencontre. Lucas Pouille s’est beaucoup débattu mais s’est trop souvent heurté à la défense de fer de son adversaire du jour lorsqu’il ne commettait pas de fautes grossières durant de trop bref échanges. Hubert Hurkacz finit par l’emporter (6-2, 6-3) en un peu plus d’une heure de jeu et ira défier le revenant Andy Murray en quarts de finale ce vendredi.

Louis de Kergorlay

De la Guerre des Sables à la fermeture des frontières aériennes : 60 ans de conflit entre Maroc et Algérie

Depuis mercredi 22 septembre, plus aucun avion marocain n’est autorisé à voler dans l’espace aérien algérien. Afin de comprendre les enjeux d’une telle décision, revenons sur l’évolution du conflit entre Maroc-Algérie, en cinq dates clés.

 

 

Mercredi 22 septembre, l’Algérie porte un coup supplémentaire à la diplomatie du Maghreb. En joute, son rival frontalier depuis 60 ans, le Maroc, désormais privé de faire voler de son accès à l’espace aérien algérien. Cette lourde décision fait suite à une série d’incidents diplomatiques, particulièrement rapprochés depuis la mi-juillet : découverte de l’utilisation par le Maroc d’un logiciel israélien pour espionner les dirigeants algériens, soutien officiel du Maroc aux mouvements indépendantistes kabyles, lui-même en réponse au soutien que l’Algérie apporte aux indépendantistes sahraouis, privant le Maroc d’un territoire convoité. Par des jeux de ricochet, les deux plus grandes puissances du Maghreb se disputent le pouvoir. Afin de comprendre les enjeux de ces tensions, retraçons en cinq dates clés 60 ans de conflit entre Maroc et Algérie.

 

  • 1963, la Guerre des Sables : « On passe de l’alliance à la guerre« 

1962, l’Algérie gagne son indépendance. Parmi les modalités négociées avec la France, les colonisateurs cèdent aux colonisés un territoire de 2 millions de km² dans le Sahara. Territoire historiquement lié au Maroc, et ainsi convoité par ce dernier, qui réclame également sa part de désert.

En 1963, un conflit armé éclate, appelé la Guerre des Sables. 850 morts sont à déplorer dans les rangs algériens – selon leurs estimations – bien que leurs frontières demeurent inchangées in fine. Mais pour l’historien Pierre Vermeren, il s’agit là du « crime originel, d’où tout découle ensuite« . L’Algérie « se vengera » dès 1975 de ce qui est vécu comme une « trahison« , une « humiliation » énonce Pierre Vermeren.

Les bases du conflit Maroc-Algérie sont posées : conquête du Sahara, rivalités territoriales et « volonté hégémonique« , ajoute l’historien.

  • 1976, première rupture diplomatique entre Maroc et Algérie

En 1975, un territoire clef fait son apparition sur l’échiquier diplomatique : le Sahara Occidental. Jusqu’alors colonisée par les Espagnols, cette vaste terre désertique se retrouve aux mains du Maroc – qui contrôlait déjà 80% de la zone. L’occasion pour Alger de rendre enfin la pareille, après la tentative marocaine de conquérir leur part du désert en 1963.

Et c’est par un jeu de soutien indirect qu’elle y parvient. L’acteur clef ? Le Front Polisario, parti revendiquant l’indépendance du Sahara Occidental, et, par définition, opposé à l’occupation marocaine.

L’Algérie soutient donc le Front Polisario, encourage la proclamation en 1976 de la République arabe Sahraouie démocratique, soutient sa crédibilité auprès des instances internationales.
Non contente de faire face à un adversaire supplémentaire dans sa bataille pour le Sahara Occidental, Rabat accuse l’Algérie d’être « partie prenante réelle du conflit » et ne tarde pas à riposter : en 1976, c’est la première rupture diplomatique entre Maroc et Algérie.

  • 1994, fermeture définitive des frontières

Après une accalmie dans les années 1980, les années 1990 sont marquées par une des ruptures majeures du conflit Maroc-Algérie : la fermeture de leurs frontières communes, toujours en cours aujourd’hui.

En effet, l’Algérie s’est mise à représenter un danger pour le Maroc : révolution et montée en puissance des islamistes en 1988, puis début de la guerre civile en 1992. « Les Marocains ont eu peur d’être contaminés« , explique Pierre Vermeren. Ils utiliseront donc l’attentat de l’Hôtel Asni à Marrakech, perpétré par deux algériens, comme « prétexte » pour durcir l’entrée des algériens au Maroc : un visa est désormais nécessaire.

Une mesure perçue comme une « trahison » par les Algériens selon l’historien : « au lieu de se sentir aidés par leur voisin ils se sont sentis enfermés« .
La réponse algérienne est radicale et, jusqu’alors, toujours de mise : les frontières terrestres avec le Maroc sont fermées.

  • 2017, le Maroc réintègre l’Union Africaine

A partir des années 1990, l’Algérie perd en portée diplomatique à mesure que le Maroc en gagne. D’un côté, une puissance affaiblie par une guerre civile en 1992, et dont la figure diplomatique forte, le président Abdelaziz Bouteflika, se retire de la vie politique après un accident cardiaque en 1993; de l’autre, un pays en position d’outsider mais qui travaille en profondeur ses relations internationales… et en récolte les fruits ! Après 30 ans d’absence, le Maroc réintègre l’Union Africaine en 2017.

« Le Maroc a occupé cette place vide laissée par l’Algérie en marquant des points auprès de l’Union Africaine, des Occidentaux, et récemment auprès d’Israël« , analyse Pierre Vermeren. En effet, en décembre 2020, le Maroc accepte de normaliser ses relations avec Jérusalem.

La monnaie d’échange ? Le Sahara Occidental, une fois de plus. Les États-Unis ont donc ensuite reconnu la souveraineté du Maroc sur le territoire désertique, court-circuitant ainsi le Front Polisario, et l’Algérie qui le soutient.

  • 2021, l’Algérie ferme son espace aérien au Maroc

Depuis la mi-juillet, les incidents diplomatiques du Maroc à l’encontre de l’Algérie se sont faits plus nombreux et plus rapprochés.
D’abord, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, a clairement exprimé la volonté de son pays d’être aux kabyles ce que l’Algérie est au sahraouis lorsqu’il écrit « le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».

De plus, une enquête publiée par un consortium de médias, dont Le Monde, accuse le Maroc d’avoir utilisé un logiciel d’espionnage israélien à l’encontre de l’Algérie.

Alors, dans un élan que Pierre Vermeren qualifie de « politique du pire » et « d’aveu de faiblesse« , l’Algérie a finalement fermé son espace aérien au Maroc, après avoir rappelé son ambassadeur et officiellement rompu ses relations diplomatiques avec Rabat un mois plus tôt.

La prochaine étape ? « Ils ne leur reste qu’à asphyxier économiquement le Maroc » énonce Pierre Vermeren. En effet, l’Algérie aurait la possibilité de bloquer l’oléoduc produisant 25% de l’électricité au Maroc. Une hypothèse néanmoins peu probable selon l’historien.

 

Eléana Bonnasse

 

Croyance en Dieu : l’Eglise ne convainc plus, l’Islam oui

Plus de 51% des Français ne croient plus en Dieu selon un sondage publié ce jeudi par l’Association des journalistes d’information sur les religions (AJIR). Entre société matérialiste, scandales de l’Eglise et nouvelles problématiques sociales, les explications sont multiples. 

 

Qu’on l’appelle Dieu ou Allah, la moitié des Français ne croient plus en lui. Selon un sondage publié ce jeudi par l’Association des journalistes d’information sur les religions (AJIR), plus de 51% des Français ne croient plus en Dieu. Seuls 48% des jeunes y croient encore, contre 68% chez les plus de 65 ans.

Premières mises en causes : les institutions, selon Geneviève Delrue, présidente de l’AJIR. Elles sont selon elle devenues impuissantes face à une technique aujourd’hui omniprésente qui a façonné notre relation à l’inexplicable et donc à la religion : «La technique éloigne ce qu’on ne savait pas expliquer avant, à l’époque où on disait : « C’est Dieu qui l’a voulu ! »»

Pour autant, la spiritualité demeure : «Il n’y a pas de rejet du mystère, la question métaphysique demeure. Le problème, c’est plutôt l’image du dieu véhiculé par les institutions», raconte Geneviève Delrue.

L’Eglise, en particulier, ne convainc plus. Elle manque d’audace et de simplicité selon le père Emmanuel Péteul : «Elle gagnerait à oser dire ce qu’on vit, qui on est et comment notre foi nous aide. Dire que nous sommes heureux dans notre religion.»

 

La croyance, un sujet tabou

«Les Français n’ont plus besoin de Dieu», affirme le prêtre, prêtre de la paroisse Sainte Jeanne d’Arc à Versailles. Pour lui, la raison réside dans une société française à la fois riche et matérialiste, mais aussi une certaine gène qui s’est installée au sein des foyers: «Parler de sa foi, c’est devenu aussi compliqué que de parler de sa sexualité.»

Les personnes interrogées dans le sondage discutent effectivement de moins en moins de religion en famille. Un sujet devenu tabou donc, mais qui fait aussi face à de nouvelles problématiques .

« Les gens sont mal à l’aise parce que le christianisme est mis en péril par les théories du genre ou de sexualité. Si votre fille est homosexuelle, ce n’est pas facile de le concilier avec votre foi. On a peur de perdre ses enfants, alors on finit par se détourner de ce que dit l’Eglise », explique le père Emmanuel Péteul.

Des scandales sexuels à répétition

Et si cette crise de l’Eglise influence autant le taux de croyance en Dieu, c’est parce que la France, longtemps surnommée la fille aînée de l’Eglise, s’est historiquement construite sur cette religion.

«La république s’est fondée contre l’Eglise depuis la révolution française», selon Virginie Larousse, journaliste spécialiste des religions. Plus récemment, ce sont les scandales sexuels «qui contribué à l’éloigner des Français».

Des jeunes en quête de spiritualité

Une crise institutionnelle que ne connaissent pas les autres grandes religions de France comme l’Islam et le judaïsme. «Au contraire, il y a dans ces religions une croyance en Dieu beaucoup plus forte. Les jeunes musulmans ont par exemple un taux de pratique beaucoup plus important», raconte Virginie Larousse.

En France, 97% des musulmans croient en Dieu, contre seulement 62% des catholiques selon le sondage publié par l’AJIR. Bien qu’encore minoritaire en France, la religion musulmane rassemble tout de même 5.43 milliards de fidèles en 2020.

De plus, même si plus de la moitié des Français ne croient aujourd’hui pas en Dieu, la religion n’a pas dit son dernier mot. La question spirituelle connait un rebond chez les plus jeunes, selon la journaliste : «Ils sont en quête de connaissances. La croyance n’est pas amenée à disparaître.»

Lise Cloix