Enquête sur l’explosion de Beyrouth : le magistrat en charge de l’affaire menacé 

Alors que l’enquête sur la double explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth stagne, la campagne de dénigrement à l’encontre du juge chargé du dossier vient de passer un cap.

Après les pressions politiques, les menaces pures et simples ? C’est ce que rapporte France24, qui vient ainsi confirmer les rumeurs qui circulaient depuis le début de la semaine. Depuis que Tarek Bitar, juge d’instruction à la Cour de justice, a été chargé de l’enquête sur la double explosion du 4 Août 2020 au port de Beyrouth, les pressions politiques sont légions.

Le 18 février dernier, alors en charge de l’affaire, le juge Fadi Sawan avait démissionné après avoir « subi des menaces indirectes », rappelle au Celsalab Sejean Azzi, ancien ministre du travail. Mais un cap a été passé cette semaine.

Pour rappel, le cataclysme du port de Beyrouth avait fait 214 morts, plus de 6500 blessés et environ 300 000 déplacés. Plus d’un an après les faits, la Banque mondiale estime le coût des dégâts à plus de quatre milliards d’euros.

« Nous en avons assez de toi »

C’est un journaliste de la chaîne de télévision libanaise LBCI, Edmond Sassine, qui a le premier donné l’information via son compte Twitter, mardi dernier.

Traduction : « Le Hezbollah, par l’intermédiaire de Wafiq Safa, a envoyé un message de menace au juge Tarek Bitar, déclarant: Nous en avons assez de toi. Nous irons jusqu’au bout avec les moyens légaux, et si cela ne fonctionne pas, nous allons te punir. »

Au vu de l’ampleur qu’a pris cette nouvelle en quelques heures sur les réseaux sociaux, le procureur général de la Cour de Cassation, Ghassan Oueidate, a requis dès le lendemain un rapport au juge Bitar, lui demandant de statuer sur le bien-fondé de cette rumeur. Ce dernier, nous informe L’Orient-Le Jour, dans une lettre qui n’a pas été rendue publique, confirme les menaces qui le visent.

Selon Edmond Sassine, journaliste de LBCI, celui qui a proféré ces menaces n’est autre que Wafiq Safa, directeur des renseignements et de la sécurité du Hezbollah depuis 1987.

En outre, Sejean Azzi confie au Celsalab que Wafiq Safa serait « allé à la rencontre du procureur général pour lui signifier son mécontentement vis-à-vis du juge Bitar ».

« Les menaces de Safa confirment les craintes du Hezbollah »

L’enquête piétine notamment parce que les hommes politiques et les responsables de la sécurité du pays refusent d’être auditionnés, brandissant l’immunité qui leur est conférée par la Constitution. C’est d’ailleurs ce privilège que le mouvement populaire de la Thaoura (Révolution) voudrait voir aboli.

Néanmoins, il semblerait que l’investigation suive la bonne route. Sur ce point, l’ancien ministre du travail Sejean Azzi précise que « les menaces de Safa confirment les craintes du Hezbollah quant à l’issue de l’enquête », avant d’ajouter : « le Hezbollah ne veut pas qu’elle aboutisse ». Une position que partage Antonella Hitti, sœur d’une victime de l’explosion contactée par France 24, qui se livre à la chaîne d’information internationale en ces termes : « Les menaces contre lui nous confortent dans l’idée qu’il [Tarek Bitar] fait du bon travail et que la boussole de son enquête pointe vers la bonne direction, c’est-à-dire vers ceux qui se cachent pour fuir leurs responsabilités et qui ont peur au point de faire l’impossible pour le démettre. »

« La souveraineté libanaise ne peut plus être bafouée, elle n’existe plus »

Pour le chroniqueur humaniste de L’Orient-Le Jour, Antoine Courban, contacté par le Celsalab, c’est un fait: « aujourd’hui l’ennemi (les Mollahs iraniens via le Hezbollah) avance à visage découvert ». « Ils n’ont plus à ménager la population libanaise », estime-t-il. « Preuve en est les convois d’essence iraniens [commandés par le Hezbollah, qui s’arroge une des prérogatives régalienne du gouvernement] arrivés au Liban via la Syrie, en des points de contrebande connus. La souveraineté libanaise ne peut plus être bafouée, elle n’existe plus », confesse-t-il au Celsalab

« Il n’y a plus de nuance entre le Hezbollah et le parti aouniste [le Courant Patriotique Libre, dont est issu l’actuel Président Michel Aoun], l’assimilation est totale », déplore de son côté M. Azzi, ancien ministre du travail. Et d’insister sur le fait que, dans les semaines qui ont suivies le cataclysme du port, « l’Etat libanais, sous la tutelle du Hezbollah, a refusé toute enquête internationale sur son territoire »

 

Paul GUILLOT

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