Dans un rapport publié mercredi, deux ONG tirent la sonnette d’alarme sur le business de vente de passeports au sein de l’Union européenne. Si l’achat de ces visas ne rime pas forcément avec corruption, la pratique présente néanmoins des risques.
Acheter la citoyenneté européenne avec de l’argent sale ? C’est possible, assurent Transparency International et Global Witness, qui appellent l’Union Européenne à réagir. « Le premier risque c’est de laisser entrer des personnes au profil un peu douteux » explique Laure Brillaud, chargée des questions de la lutte antiblanchiment pour Transparency. D’après leurs observations, les pays proposant l’achat de visas ou titres de séjour contrôlent le casier judiciaire des postulants, mais ne prennent pas la peine de vérifier l’origine de l’argent qu’ils possèdent. Dans ces cas-là, le danger c’est de faire entrer des personnes criminelles et corrompues » ajoute-t-elle.
Mais les riches ressortissants étrangers ne sont pas les seuls suspects. Bon nombre de programmes de bonne gouvernance ne sont pas respectés, et ce sont les Etats mêmes qui posent problème. « Problèmes de transparence, de conflit d’intérêt, ou de supervision indépendante, certains Etats génèrent des risques de corruption » affirme Laure Brillaud. Un sujet brûlant qui s’est invité dans le débat européen depuis l’assassinat de la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia en octobre 2017, alors qu’elle enquêtait sur ce business caché.
Une tendance au « passport shopping »
Autre problème : l’absence de surveillance supranationale. « Il y un réel manque d’harmonisation au niveau européen » assure Laure Brillaud, qui dénoncent la tendance actuelle des postulants au « passport shopping ». Un programme légal qui permet d’offrir la citoyenneté à de riches ressortissants étrangers en échanges d’investissements dans le pays. A Chypre par exemple, le prix pour obtenir le fameux sésame est fixé à deux millions d’euros. Mais le problème est qu’il se concentre toujours dans les mêmes pays, affirme le rapport, où les normes en matières de transparence restent douteuses.
Au sein de l’Union, quatre pays vendent des passeports et douze accordent des droits de résidence sous condition. Parmi les premiers concernés figurent Malte, Chypre et le Portugal, mais aussi la Hongrie, l’Espagne et le Royaume-Uni. A titre de comparaison, 100 000 nouveaux résidents issus des visas dorés ont obtenus la citoyenneté européenne dans les dix dernières années, contre 6 000 par la procédure classique. Des chiffres porteurs d’interrogations quand on sait qu’aucune instance à l’échelle européenne n’existe pour contrôler ces programmes. Mais l’UE n’est pas sourde. Fin novembre, la Commission européenne a prévu de publier un rapport fixant les principes futurs à respecter.
Clara Losi