Amiante : le cri d’urgence des victimes

L’amiante, matériaux utilisé pour la construction, a été interdite en 1997 en France. Pourtant, cette micro-fibre fait encore de nombreux morts chaque année. Les associations de victimes ont manifesté leur colère près de la gare Montparnasse, à Paris. 

 

Vendredi 12 octobre, des associations de défense des victimes de l'amiante ont manifesté leur indignation, près de la gare Montparnasse. Crédit photo : G. de Préval
Vendredi 12 octobre, des associations de défense des victimes de l’amiante ont manifesté leur indignation, près de la gare Montparnasse.
Crédit photo : G. de Préval

Un cortège de tête un peu inhabituel ouvrait la manifestation des associations de victimes de l’amiante ce vendredi 12 octobre, près de la gare Montparnasse à Paris. Une dizaine d’hommes et de femmes, portant blouses de chantier et masques de protection, défilaient, d’un pas de légionnaire, avec des poussettes. Dedans, des poupons en plastique de différentes tailles, eux-aussi affublés d’un masque de protection. « Bâtiments non désamiantés, population en danger ! », voilà ce que l’on peut lire sur les écriteaux attachés aux poussettes. Et la première population à risque, ce sont les enfants.

Désamianter les écoles

En France, sur les 63 000 établissements scolaires existants, 85% ont été construits avant 1997, date à laquelle l’amiante a été officiellement interdite d’utilisation. L’amiante étant un matériau d’isolation très utilisé à l’époque, car bon marché, il est très probable que de nombreuses écoles soient encore emplies de cette fibre cancérigène. C’est le cas du lycée Georges Brassens, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne).

Novembre 2017, une enseignante a eu la surprise de découvrir un flocage – une sorte de mousse blanche servant d’isolant au plafond – tombé dans une classe. Une de ses collègues a pris la parole au début de la manifestation. « Quand on nous a appris que ce flocage comportait des taux d’amiante bien supérieurs à la moyenne autorisée, on s’est aperçu qu’on nous mentait. Depuis le début », rage cette enseignante. Elle travaille depuis huit ans à Georges-Brassens : « J’enseigne en zone défavorisée. Les élèves sont oubliés », s’indigne-t-elle au micro, très émue. Un groupe d’élèves et d’anciens du lycée sont venus, banderoles à la main, manifester leur désarroi face à tant de non-dits. L’un d’eux évoque même une « falsification » par la mairie de certains tests d’amiante. Depuis, les professeurs ont usé de leur droit de retrait et refusent que leurs élèves viennent en classe. Et ce, malgré l’injonction de la préfecture à faire reprendre les cours.

Empoissonnés sans le savoir

Même si cela fait plus de vingt ans que cette petite mais si meurtrière fibre est interdite, la reconnaissance du lien entre son inhalation et la mort d’une personne est loin d’être évidente. Alors même que ses effets sur la santé sont très facilement reconnaissables. Virginie Dupeyroux en sait quelque chose. Face à l’église Saint-Sulpice, alors que les manifestants commencent à se disperser, cette ancienne enseignante raconte qu’elle a perdu son père le 14 septembre 2015, d’un mésothélium, le cancer de l’amiante. Tout comme sa grand-mère, quelques années auparavant.

Virginie Dupeyroux a perdu son père il y a trois ans, empoisonné durant son enfance à l'amiante. Elle a écrit son histoire sous la forme d'un journal. Crédit photo : G. de Préval
Virginie Dupeyroux a perdu son père il y a trois ans, empoisonné durant son enfance à l’amiante. Elle a écrit son histoire sous la forme d’un journal.
Crédit photo : G. de Préval

Pour son père, cela s’est manifesté par une sensation étrange, comme un point de côté. « Nous devions partir en Bretagne, il était en pleine forme. Mais on est allés faire des examens de contrôle. » Les médecins auront mis deux mois à établir un diagnostic. Paul, son père, n’avait pourtant jamais travaillé dans une usine ou lieu en présence d’amiante. Et c’est ce qui interroge Virginie Dupeyroux. La réponse tombera comme un couperet le 26 novembre 2014. « Je me souviendrai toujours de cette date. Ce jour-là, le journal Aujourd’hui en France [édition nationale du Parisien, NDLR] titrait ’empoissonnés sans le savoir’, en parlant des méfaits de l’amiante à Aulnay-sous-bois, ville dans laquelle mon père avait passé toute son enfance ». Car au beau milieu de cette ville d’Ile-de-France, l’usine le Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP) broyait tranquillement de l’amiante, quotidiennement. L’école municipale était à deux pas. « Mon père, comme plein de ses camarades, est mort en allant apprendre à lire et à écrire ! », se révolte cette femme qui, pour faire entendre l’histoire de son père, vient de publier un livre : « Amiante et mensonge : notre perpétuité », sous forme de journal entre elle et son père. Aujourd’hui, son père n’a toujours pas été reconnu comme victime officielle de l’amiante. 

Guillemette de Préval

 

Taxe d’habitation : le sujet de la discorde

Emmanuel Macron l’avait promis. 80% des Français, soit 22 millions de personnes, devaient bénéficier d’un abattement de 30% en 2018. Cependant, les habitants de plus de 6 000 communes ont vu leur taxe d’habitation stagner ou augmenter.

Stupeur vendredi matin, lorsque Bercy a dévoilé la liste des communes qui ont augmenté leur taxe d’habitation. S’en est suivie une vague de critiques sur Twitter avec le hashtag #BalanceTonMaire, créé par les militants d’En Marche et repris par des habitants concernés par l’augmentation. Pas de doute pour le ministère de l’Economie, certaines communes ont profité de la baisse de 30% de la taxe d’habitation pour faire des économies supplémentaires :« La baisse est bien appliquée comme prévu, mais il y a des taux qui ne dépendent pas de l’État et certaines municipalités en ont profité pour les augmenter ». Les maires justifient cette augmentation par la baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales, mais Bercy réfute :« Il n’y a jamais eu de baisse des dotations ».

Pourquoi les municipalités peuvent-elles augmenter la taxe d’habitation ?

Dans le cadre de la décentralisation, les municipalités disposent de prérogatives fiscales qui leur sont propres. Libre aux communes d’augmenter leur taux communal comme bon leur semble. Certaines communes qui sont en grande difficulté ont augmenté leurs taux à hauteur de 30% comme Grand-Charmont (Doubs) et à plus de 20% à Puget-sur-Agens (Var) comme le montre le fichier de l’ensemble des taux votés en 2018 par les communes mis en ligne par Bercy.

Extrait de l'ensemble des taux votés en 2018 par les communes
Extrait de l’ensemble des taux votés en 2018 par les communes

Résultat final, 55 villes de plus de 10 000 habitants ont augmenté la taxe d’habitation. Le premier prix est décerné à Maizière-Les Metz avec 18.02% d’augmentation.

Qui bénéficie réellement d’une baisse ?

Si la polémique a très vite enflé sur les réseaux sociaux, 18 millions de foyers profitent désormais d’une baisse de leur taxe d’habitation. Sans compter les 6 millions de personnes qui bénéficiaient déjà d’une exonération. Cependant, les célibataires dont le revenu de référence est supérieur à 28 000 euros, un couple sans enfant ou une personne seule avec un enfant ayant un revenu supérieur à 45 000 euros ne pourront pas obtenir de baisse.

La pression monte entre Bercy et les municipalités

Depuis la proposition de la suppression de la taxe d’habitation sur trois ans soit 30% tous les ans, les maires de France manifestent leur mécontentement. Interviewé par le Figaro le 11 octobre, le vice-président de l’Association des maires de France, André Laignel (PS), accuse l’Etat de vouloir exercer une « tutelle morale » sur les élus locaux.

Face à la vive polémique qui a agité Twitter, l’Association des maires de France a publié un communiqué sur le réseau social demandant des excuses suite à l’utilisation du hashtag #BalanceTonMaire, se justifiant encore une fois des raisons de l’augmentation : « 85 % des communes n’ont pas augmenté leurs taux de taxe d’habitation. Les 15 % qui l’ont fait n’ont pas été motivées par des considérations de politique nationale, mais par la recherche de financements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions dans un contexte de baisse de leurs moyens. Elles l’ont fait dans le cadre des responsabilités qui leur sont confiées par la loi et qui participent de la libre administration des collectivités locales garantie par la Constitution. »

Pour François Cornut-Gentille, député LR de la Haute-Marne et ancien maire de Saint-Dizier, il s’agit avant tout d’une tactique politicienne :« Tout le monde joue sur les mots, lorsque l’État dit qu’il n’y a pas eu de baisse de dotations, sur le papier c’est vrai. Mais, il y a eu une redistribution qui a largement pénalisé deux tiers des communes. » Bercy accuse ainsi les municipalités de ne pas participer à cette mesure sociale, une vérité bien plus complexe pour François Cornut-Gentille :« Les communicants de Macron étaient à la recherche d’une proposition populaire, le plus rapidement possible. Et cette mesure n’a pas été travaillée, ni fiscalement, ni politiquement avec les municipalités. » L’État devra alors trouver 10 milliards d’euros pour financer la suppression de la taxe d’habitation et espérer que les communes participent à l’effort.

 

Capucine Japhet

 

Datatextile: une start-up française développe un pansement connecté et intelligent

Mêler santé et électronique c’est le pari que s’est lancé Spinali Design. La start-up mulhousienne (Grand Est) va commercialiser fin 2019 un pansement connecté pour prévenir des risques d’infection des plaies qui peinent à cicatriser.

Après les maillots de bain et la crème solaire connectés, Spinali Design s’attaque au domaine médical. La start-up, née à Mulhouse en Alsace, est en train de développer un pansement capable de détecter un départ d’infection sur une plaie et en mesure de commencer un traitement. Un projet fruit d’une collaboration avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de Strasbourg.

Une véritable avancée dans le datatextile (textile connecté, NLDR) selon Romain Spinali le fondateur de la start-up, pour qui « le pansement devient alors un moyen d’assurer une surveillance continue de la cicatrisation d’une plaie afin d’avertir le personnel soignant ou le patient du début d’infection pour obtenir un meilleur taux de guérison. »

 

Pour être alerté d’une infection sur nos smartphones

C’est une puce présente dans le pansement qui rendra possible une telle prouesse. Dans l’idéal, un signal lumineux ainsi qu’une alerte sur smartphone permettront « d’avertir quant à une évolution défavorable de l’infection constatée », décrit l’entrepreneur.

Un agent anti-microbien permettra par la suite de déclencher une phase de traitement pour aider la plaie à cicatriser. « Ces agents sont une solution ils tuent rapidement un grand nombre de pathogènes et sot non toxiques, c’est une bonne réponse contre l’utilisation abusive d’antibiotiques », explique Romain Spinali.

 Ce projet novateur s’adresse au personnel hostpitalier comme aux particuliers, « pour aider des personnes souffrant de plaies chroniques comme les diabétiques », précise Maire-Hélène Metz Boutigue, directrice de recherche à l’INSERM Strasbourg, qui collabore avec la start-up dans cette phase d’expérience.

Un projet novateur commercialisé fin 2019

« L’idée a germé il y a six mois et nous en sommes encore en cours d’expérience en laboratoire pour miniaturiser le système de détection », souligne la chercheuse.

 

Le but étant d’aboutir à un objet facile d’utilisation et pratique pour le plus grand nombre d’ici la fin 2019, « dans sa dimension prévention, car sa dimension médicale et curative prendra plus de temps », ajoute Romain Spinali. Le tarif unitaire devrait osciller entre 20 et 30 euros.

Ce pansement sera dans le meilleur des cas disponibles en pharmacie, mais pour le moment Spinali Design et l’INSERM ne veulent pas s’avancer, « nous devons répondre à une législation particulière car nous utilisons de la data avec un smartphone, mais nous n’en sommes pas encore là », prévient la scientifique.

Un pansement qui associe détection, traitement et surtout prévention

 Outre Atlantique des chercheurs américains ont également inventé un pansement connecté, qui associe détection et traitement. Muni d’un capteur la variation de température et d’un régulateur du pH de la plaie il n’est pas pour autant préventif.

« Contrairement aux Etats-Unis, notre innovation est plus axée sur la prévention donc plus intéressante pour le personnel hospitalier », conclue Maire-Hélène Metz Boutigue.

Ce pansement est symptomatique « d’un changement plus profond entre un patient et son médecin, porté par la révolution numérique en cours », explique Romain Spinali soucieux d’utiliser les « nouvelles technologies » pour développer d’autres méthodes de prévention.

Nina Gambin

Indépendance de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine : des tensions ressenties jusqu’à Paris

Le ton monte entre la Russie et l’Ukraine depuis l’annonce, jeudi, de l’indépendance de l’Eglise orthodoxe ukrainienne. D’abord désaccord religieux, cette reconnaissance devient une source de tension politique perceptible jusqu’en France.

crédit: kwitkowski
crédit: kwitkowski

« Nous sommes très attristés de cette situation », confie Alexandre Kedroff, protodiacre de la cathédrale Saint Alexandre Nievski à Paris. Située dans le 8ème arrondissement, elle est le berceau parisien de l’Eglise orthodoxe russe, connue pour avoir accueilli les réfugiés politiques sous Staline. Au lendemain de l’annonce de l’indépendance de l’Eglise « sœur » de Moscou, prononcée  jeudi par le Patriarcat de Constantinople, Alexandre Kedroff est préoccupé. « Cela risque de provoquer un schisme, donc on ne peut pas ne pas être touchés » explique-t-il. Pour lui, pas de doute, c’est une décision purement politique mais surtout injuste. « On n’a pas de pape dans l’Eglise orthodoxe, et aucun patriarche aussi prestigieux soit-il ne peut interférer dans cette église » fustige-t-il, avant de conclure, tragique : « Il va y avoir mort d’homme ».

Pessimiste ? « C’est très inquiétant » répond Oleg Shamshur, ambassadeur d’Ukraine à Paris. Pour le diplomate, les propos de l’homme d’église ne reflètent en aucun cas les ambitions de son pays. « Nous voulons que la construction d’une Eglise indépendante se fasse dans un climat serein. Tous les pays ont le droit d’avoir une Eglise indépendante, et le cas de l’Ukraine n’est pas exceptionnel » explique-t-il. « C’était le cas jusqu’au 17ème siècle, donc pour nous aujourd’hui c’est un juste rétablissement des choses ».

La Russie va « défendre les intérêts des orthodoxes »

Considéré comme le « dernier outil de politique étrangère », l’Eglise orthodoxe de Moscou n’a plus à avoir une tutelle sur l’Eglise d’Ukraine explique l’ambassadeur. « C’est un acte d’indépendance en plus, la Russie perd ici son dernier levier d’influence sur l’Ukraine » résume-t-il. Un symbole important qui n’échappe pas au Kremlin, qui n’a pas manqué de réagir publiquement suite à l’annonce de jeudi. « Si des actions illégales ont lieu, (la Russie) va défendre les intérêts des orthodoxes » a déclaré vendredi leur porte-parole. Une déclaration aux allures de menace, même si ce dernier assure que tout se passera « dans la limite de la légalité» et par des moyens « exclusivement politiques et diplomatiques ».

De leur côté, les autorités ukrainiennes restent calmes, et affirment vouloir éviter toute « guerre religieuse ». Mais l’ombre d’une tension plane sur les deux Eglises, dont les relations se détériorent depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

 

Clara Losi