Google, Amazon, Facebook et Apple : les géants du numériques se tournent aujourd’hui vers les plus jeunes utilisateurs d’Internet, en leur proposant des contenus adaptés. Les moins de 12 ans passent chaque année un peu plus de temps sur la toile. En tant que futurs consommateurs, ils sont les cibles privilégiées des annonceurs.
Dimanche 10 décembre, le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer a rappelé son intention de renforcer l’interdiction des téléphones portables au collège. Un objectif ambitieux, à l’heure où les enfants obtiennent leur premier téléphone à l’âge de dix ans. Au total, 63% des 10-14 ans ont un téléphone et 34% des 7-12 ans possèdent une tablette. Chaque année, les heures passées sur les écrans s’allongent, dès le plus jeune âge. Les 1-6 ans passent en moyenne 4 h 37 sur internet par semaine, contre 2 h 10 en 2012.
Des applications spécialement conçues pour les jeunes enfants ont fait leur apparition, proposant des jeux éducatifs dès l’âge de 3 ans. Les GAFA ne sont pas en reste et se tournent désormais vers ce nouveau public. Après “YouTube kids” c’est au tour de Facebook de se lancer à la conquête des 7-12 ans. “Messenger kids” permet aux enfants de communiquer entre eux, sous réserve de l’accord parental. L’application n’est pour l’heure pas disponible en France. Si l’inscription sur Facebook reste limitée à 13 ans, cette nouvelle application pourrait faire des enfants de futurs utilisateurs du réseau social.
Jusqu’ici, rien d’alarmant. Ce qui inquiète en revanche, c’est l’utilisation des données personnelles des jeunes utilisateurs. “Pour les GAFA, les enfants sont des cibles privilégiées car ils sont les futurs consommateurs. Les marques vont faire appel aux GAFA pour avoir des informations sur eux”, explique Clara-Doïna Schmelck, journaliste et spécialiste des médias. De son côté, Facebook promet de ne pas diffuser de publicités via “Messenger Kids” et de ne pas vendre les données aux marques.
Numérique à l’école, entre outil d’éducation et de dispersion
Pour Clara-Doïna Schmelck, il est impératif que le téléphone portable soit interdit à l’école. » L’école doit être l’endroit où l’on peut écouter un cours, sans être surveillé par ses parents avec le téléphone. Le téléphone, c’est un outil de dispersion. En plus, il développe chez les enfants un esprit plus narcissique, parce qu’il y a toujours un écran, donc vous ne vivez plus qu’avec vous et les personnes qui vous contrôlent » commente la journaliste.
À l’heure du tout numérique, les écrans ont progressivement fait leur entrée dans les établissements scolaires. “ Il existe une catégorie d’outils que l’on appelle les exerciseurs, qui permettent de valider l’acquisition d’un savoir faire sous une forme ludique, tempère André Tricot, professeur en psychologie. Avec les tablettes, les élèves n’ont pas à se déplacer en salle informatique et ne sont pas encombrés d’un ordinateur. C’est un gain de temps très important. ”
Si les outils numériques peuvent se révéler utiles dans l’apprentissage, leur utilisation en dehors de l’école pose une autre question. Difficile de s’assurer que les enfants ne soient un jour confrontés à des contenus violents ou des publicités habilement dissimulées. “ Ce problème est ancien, et il est particulièrement aigu pour les enfants chez qui les dégâts peuvent être terribles. Certaines pathologies se développent, chez des enfants complètement coupés du monde réel ”, explique André Tricot. En 2015, l’agence américaine Federal Trade Commission dénonce la diffusion abusive de publicités pour McDonald’s et Coca-Cola sur la plateforme destinée aux enfants.
Les dommages physiques causés par une trop grande exposition aux écrans sont également mentionnés par les professionnels de la santé. Dans une tribune au Monde parue en Mai dernier, des médecins alertent sur les troubles relationnels observés. “Nous recevons de très jeunes enfants stimulés principalement par les écrans, qui, à 3 ans, ne nous regardent pas quand on s’adresse à eux, ne communiquent pas, ne parlent pas, ne recherchent pas les autres, sont très agités ou très passifs.”
Qu’il s’agisse des outils numériques ou des contenus consultés par les enfants, les pouvoirs publics se penchent de plus en plus sur l’encadrement de ces pratiques. En février dernier, le chargé de l’Enfance et des Droits des femmes organisait une campagne de “sensibilisation aux dangers des écrans”, proposant aux jeunes enfants des contenus appropriés. D’autres associations ou organismes indépendants comme le CNIL publient régulièrement des études pour accompagner les parents dans l’éducation des enfants sur internet.
Julien Percheron et Léa Duperrin