La dernière annonce du président vénézuélien Maduro lundi de créer une nouvelle Constitution a fait monter d’un cran le mécontentement populaire qui se manifeste depuis des semaines. Les opposants organisent ce mercredi à une « méga-manifestation » contre ce projet, dénonçant une manoeuvre pour repousser les élections et s’accrocher au pouvoir.
Serait-ce la mesure de trop ? L’annonce faite lundi par le président vénézuélien Nicolas Maduro de créer une nouvelle Constitution, destinée à remplacer celle de 1999 instaurée par son prédécesseur et mentor Hugo Chavez, a enflammé l’opposition. Les contestations ne se sont pas fait attendre, dans un climat déjà très tendu, alors que les manifestations appelant à la destitution du président sont quasiment quotidiennes depuis un mois.
Les anti-Maduro ont rapidement dénoncé une « tentative de coup d’état » et une « tactique trompeuse » maquillant, derrière la perspective d’une sollicitation citoyenne et populaire, une « manoeuvre politicienne ». Ces critiques visaient notamment un décret signé par le président, destiné à convoquer une assemblée constituante « populaire » chargée de rédiger la nouvelle Constitution. Les 500 membres qui la composeraient ne représenteraient « pas une Constituante des partis ni des élites », a déclaré le chef de l’Etat, mais « une Constituante ouvrière, communale, paysanne, une Constituante féministe, de la jeunesse, des étudiants, une Constituante indigène, mais surtout, mes frères, une Constituante profondément ouvrière, profondément communale », a-t-il poursuivi.
Dans une déclaration, les parlementaires ont dénoncé la perspective d’une « Assemblée constituante sélectionnée frauduleusement » qui permettrait au gouvernement d’obtenir « le contrôle de tous les pouvoirs ». La nouvelle Constitution serait surtout, selon les opposants du chef de l’Etat, un moyen de gagner du temps, alors que le président Maduro, rejeté par 70% de l’opinion, n’a jamais été aussi impopulaire.
Crise économique et politique
Il faut dire que la confiance envers le gouvernement est au plus bas depuis le 30 mars, jour où la Cour Suprême, favorable à Nicolas Maduro, a levé l’immunité parlementaire. Elle s’est également octroyée les pouvoirs du Parlement, seul organe où l’opposition est majoritaire. La mesure, revenant dans les faits à concentrer les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires dans les mains du président, avait soulevé la colère des opposants au régime et de nombreuses critiques sur la scène internationale. Finalement abandonnée 48 heures plus tard, cette tentative n’a pas été oubliée par les anti-Maduro, qui y voient la preuve d’une dérive dictatoriale.
Ces derniers événements n’ont fait qu’accélérer la grave crise politique que traverse le Vénézuela depuis l’accession de M. Maduro au pouvoir en 2013. Après avoir connu une période prospère sous Hugo Chavez grâce à ses ressources pétrolières, le pays connaît actuellement une grave crise économique avec la chute des cours du brut. L’inflation vénézuélienne est la plus forte au monde, et les pénuries en denrées de bases et en médicaments empoisonnent la vie des habitants.
Une « méga manifestation »
Pour manifester leur colère, les opposants à Maduro ont appelé à descendre dans la rue. « Cette pantomime que [M. Maduro] veut organiser ne peut pas nous enlever notre plus grande force, celle du peuple dans la rue », a déclaré Freddy Guevara, vice-président du Parlement.
Dès lundi, des barricades fabriquées avec des déchets et des poubelles ont été érigées pour bloquer des rues de Caracas. Ce mercredi, les anti-Maduro doivent se rassembler lors d’une « méga-manifestation » sur une autoroute de l’est de la ville sous le mot d’ordre « Contre la fraude constituante ».
Le recours à la rue tourne à l’insurrection depuis le 1er avril. De violents affrontements éclatent fréquemment entre les forces de l’ordre et les manifestants. Lancés de pierre, grenades de gaz lacrymogène ou cocktails Molotov se répondent d’un camp à l’autre, dans des défilés émaillés de heurts et de pillages. En un mois, 29 personnes ont trouvé la mort dans ces affrontements et plusieurs centaines ont été blessées. Reste à savoir si les manifestants obtiendront gain de cause, soit la destitution de M. Maduro et la mise en place d’élections anticipées.
Emilie Salabelle