Visite du pape François : le retour de Cuba sur la scène internationale

Le pape François et Kirilli se sont rencontrés pour la première fois ce vendredi 12 février à l’aéroport de La Havane. Depuis son rapprochement avec les États-Unis, Cuba joue un rôle très actif sur la scène mondiale. La venue du pape en septembre 2015 avait déjà marqué les esprits.

 

 

Le drapeau cubain est hissé sur le département d'Etat américain à Washington, lundi 20 juillet 2015. AFP/Paul J Richards
Le drapeau cubain est hissé sur le département d’Etat américain à Washington, lundi 20 juillet 2015.
AFP/Paul J Richards

 

Un moment historique pour Cuba

Nicolas Demerond reviens sur son blog sur l’histoire difficile de Cuba : « Le 3 février 1962, alors que Cuba installait des missiles soviétiques sur son île, John F. Kennedy décrétait un embargo qui allait priver les Cubains de nombreux biens et services. Lors de la chute de l’URSS en 1991, qui portait l’île à bout de bras, Cuba se referma entièrement sur elle-même, à l’exception de la base navale Guantanamo qui demeurait depuis 1902 une enclave américaine vendue pour un chèque de quelques milliers de dollars… jamais encaissé par les Castro. Depuis, les Cubains ont dû faire le grand écart entre une alimentation rythmée par des tickets de rationnement, et un afflux touristique qui explosa à partir des années 1980 et devint la principale source de croissance économique. »  Un demi-siècle plus tard, le 17 décembre dernier, Barack Obama mettait enfin un terme à ce « bloqueo » américain.

La dernière visite du pape François remonte au mois de septembre 2015. Il s’agit alors de la troisième visite d’un pape à Cuba en 17 ans, après Jean Paul II (1998) et Benoît XVI (2012). Un traitement privilégié pour ce pays, dont 10% de la population se revendique catholique, même si le nombre des baptisés est bien plus important, beaucoup mélangeant cultes afro-cubains et catholicisme.

Avec la rencontre entre le pape François et Kirilli, Cuba consacre son ouverture non seulement aux USA mais également aux pays de l’occident, après les nombreux déplacements officielle du président Raul Castro en Europe. Lors de sa dernière visite en France, le 1er février dernier, François Hollande a souhaité accompagner Cuba sur la voie de l’ouverture, et affirmait : « Nous sommes en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire entre l’Europe et Cuba et, plus encore, demain entre le monde et Cuba. Parce que nous voulons que Cuba puisse accompagner, participer pleinement à la communauté internationale, je confirme ici que la France fera tout son possible au sein de l’Union européenne pour faire disparaître les derniers obstacles. »

Une politique intérieure dictatoriale

À Cuba, les libertés sont toujours bafouées. Le nombre d’interpellations d’opposants augmente, avec souvent des agressions physiques contre les Dames en blanc – les épouses de prisonniers politiques – et autres manifestants. La censure et la pression s’exercent aussi dans la culture, comme si l’appareil idéologique du parti unique craignait de perdre sa fonction.

La Havane, qui a signé en 2008 les deux pactes des Nations unies sur les droits individuels et collectifs, ne les a pas ratifiés ni respectés. Les médias et la police politique agissent comme les derniers bunkers du pouvoir. L’usage d’Internet reste limité à une infime minorité, malgré la publicité donnée à quelques espaces Wi-Fi. La faible connectivité révèle les pesanteurs du régime, capables de désespérer à la fois les investisseurs étrangers et les simples usagers cubains.

Wassim Sabri Alem

 

 

De quoi l’égalité réelle est-elle le nom ?

Le président de la République a annoncé hier le remaniement du gouvernement. Trois ministres s’en vont, tandis que huit nouveaux ministres ou secrétaires d’État font leur entrée. Parmi eux, Ericka Bareigts, en charge du mystérieux secrétariat d’État à l’égalité réelle.

La députée de la Réunion Ericka Bareigts a été nommée secrétaire d'Etat à l'égalité réelle (Photo AFP)
La députée de la Réunion Ericka Bareigts a été nommée secrétaire d’État à l’égalité réelle (Photo AFP)

« Un ministre en charge de l’égalité réelle ? La prochaine fois on fera l’égalité supposée ? » s’indigne sur Twitter Jérémy Kreins, l’ancien directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy. Sur les réseaux sociaux, l’intitulé du nouveau secrétariat d’État d’Ericka Bareigts interroge.

Du côté du service presse de Matignon, on indique n’avoir aucune « idée ni renseignement » à donner concernant les prérogatives dudit secrétariat d’État. « Il est encore trop tôt pour le dire », répète-t-on.

Un secrétariat d’État pour l’égalité réelle des Outre-Mer ?

« Je véhicule aussi une fierté réunionnaise, c’est important de se souvenir qu’on représente aussi une population », insistait Ericka Bareigts hier soir sur Réunion Première.

Dans les territoires d’Outre-Mer où le chômage bat des records, le Conseil représentatif des Français d’Outre-Mer se félicite de sa nomination, estimant qu’elle permettra une accélération « de la mise en œuvre des projets en meilleure adéquation avec les attentes des populations ultramarines dans les Outre-Mer comme dans l’hexagone.» L’intitulé du poste rappelle d’ailleurs le plan pour « l’égalité réelle entre les outre-mer et l’Hexagone« , confié à l’ancien ministre Victorin Lurel en juin 2015.

Fonctions « interministérielles », de l’emploi, à la religion, aux Outre-Mer

Un secrétariat d’État pour l’égalité réelle des Outre-Mer ? Pas vraiment. « Ça n’est pas l’égalité réelle pour les Réunionnais, c’est l’égalité réelle pour la France », expliquait hier soir Ericka Bareigts, défendant son objectif de « faire en sorte que nous puissions avoir l’égalité, quelle que soit notre origine sociale, notre race, notre couleur ou notre religion. »

« Cette nomination est aussi une reconnaissance de l’engagement politique des femmes », a par ailleurs déclaré la désormais ex-députée de l’île. Le terme est d’ailleurs aussi connoté égalité homme femme : l’année dernière, Marisol Touraine et Pascale Boistard avait porté la loi « sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes »

« Si c’était cohérent, la notion d’égalité homme-femme devrait être comprise dans ce secrétariat d’État », estime Marie-Laure Fages, chargée d’enseignement en droit public à Paris I et auteure de « Egalité-Parité, une nouvelle approche de la démocratie ? ». « Il s’agit d’un ministère transversal, qui devra être la plaque tournante et fédérer les différentes compétences contenues dans les autres ministères », résume la chercheuse, joint par CelsaLab.

En effet, Ericka Bareigts est rattachée au Premier ministre. Et qui dit secrétaire d’État au Premier ministre, dit fonctions interministérielles. Ericka Bareigts prend en main un poste d’envergure nationale, pas cantonné à l’ultramarin, et dont les prérogatives pourront donc aller de l’emploi à la religion en passant par l’égalité homme-femme.

Un clin d’œil à la gauche de la gauche

« Le terme « égalité réelle » a été utilisé pour la première fois par Condorcet en 1793. Par opposition à l’égalité « formelle » en droit, l’égalité réelle s’attaque au freins qui empêchent deux citoyens d’être égaux, alors même qu’ils le sont juridiquement », explique Marie-Laure Fages.

« Généralement, le terme renvoie à la notion de discrimination positive », relève Laurent de Boissieu, spécialiste politique et journaliste à La Croix, contacté par CelsaLab. « Même si je ne pense pas que François Hollande aille jusque là, c’est un signe certain à la gauche de la gauche », analyse-t-il.

En 2010, Benoit Hamon avait concocté un texte pour « l’égalité réelle ». Le texte, balayant des sujets aussi vastes que l’éducation, le logement ou la fiscalité, avait reçu le soutien de Martine Aubry. Récemment, le terme a même fait l’objet d’un plaidoyer sur le blog de Jean-Luc Mélenchon. De quoi donner du grain à moudre à ceux qui voient dans le remaniement un moyen de flatter tout le monde en vue de 2017.

Retour sur le parcours d’Ericka Bareigts :


Marine Brossard

 

Le pape François et le patriarche russe Kirill peuvent-ils calmer le jeu ?

La rencontre historique entre François et Kirill, le vendredi 12 février 2016 a La Havane (Cuba), est la première depuis le schisme de 1054 des Églises catholique et orthodoxe. Un rapprochement aussi religieux que stratégique, lié à la situation de la Russie sur la scène mondial.

 

Entre le patriache Kirill et le pape François la guerre froide est finie , Credit Photo : Afp
Entre le patriache Kirill et le pape François la guerre froide est finie , Credit Photo : Afp

 

Le président Russe derrière cette rencontre inédite 

Une rencontre ni en Russie ni en Italie mais plutôt à Cuba, tenue secrète jusqu’au dernier moment. C’est presque un hasard qui a fait que le pape François et le patriarche Kirill ne soient pas loin ; le premier est en visite officielle au Mexique, et le second est invité personnellement par Raul Castro. Kirill est le chef des 150 millions d’orthodoxes de Russie. Les liens étroits entre le patriarcat et le Kremlin donnent aussi à la rencontre une dimension stratégique: « A l’arrière-plan, il y a un troisième protagoniste« , le président russe Vladimir Poutine, que le pape a reçu deux fois, analyse sur son blog le vaticaniste Marco Politi.

Henri Tincq, politologue, explique que « le pape François et le patriarche Kirill veulent tourner la page. Leur rencontre à Cuba s’inscrit dans une volonté de rapprochement entre les croyants catholiques et orthodoxes […]. Mais on ne peut ignorer les risques que prend le pape François de cautionner ainsi la collusion, accablante au fil des années, entre le régime de Vladimir Poutine et une Eglise orthodoxe de plus en plus inféodée. »

Poutine-Kirill: l’alliance de l’autel

Le rapprochement entre Poutine et Kirill peut-il présenter un risque pour la pape ? Pour plusieurs politologues, cette rencontre va prendre un tournant plus politique, avec le cautionnement entre Poutine et son Église nationale, ainsi que la politique russe en Ukraine et au Moyen-Orient. Mais le pape est l’un des rares à ne pas manifester d’irritation vis-à-vis du président russe, qu’il a déjà rencontré à deux reprises et qu’il s’est gardé de critiquer. Peut-être, s’accordent à dire les experts, parce qu’originaire d’un continent où la politique est brutale. Dans son blog, la professeure en culturologie et spécialiste des religions Elena Volkova explique « qu’il ne s’agit pas d’un événement ecclésiastique mais d’une manœuvre. Le patriarche Kirill est la deuxième tête de l’aigle bicéphale russe. Poutine a essayé de jouer les pacificateurs en Syrie, il a échoué. Il envoie donc le patriarche en missionMais à part des déclarations, que fait la Russie pour vraiment aider les chrétiens ? Elle accueille des réfugiés ? Elle ne bombarde pas les civils ? »

Wassim Sabri Alem