Plus de 200 salariés attaquent l’Etat pour déni de justice ce mercredi 10 février, en raison des délais de procédures trop longs au conseil des prud’hommes. Une situation difficilement supportable pour les plaignants concernés, qui s’explique par un manque de moyens.
Sarah* commence à être une habituée. Depuis trois ans, l’agente de service en hôtellerie se rend régulièrement au conseil des prud’hommes de Paris. Accompagnée de quatre de ses anciennes collègues, elle se bat pour faire reconnaître les heures de travail non payées par leur ancien prestataire. « L’affaire est toujours renvoyée« , explique-t-elle simplement. Une situation loin d’être exceptionnelle, sur laquelle la justice se penche ce mercredi.
Plus de 200 salariés attaquent l’Etat français pour « des délais d’attente trop longs au conseil des prud’hommes ». Le tribunal de grande instance de Paris examine une première série d’assignations, déposées pour dénoncer des procédures qui peuvent durer trois, cinq, parfois six ans en cas d’appel. Une situation que reconnaissent les avocats et face à laquelle ils sont impuissants.
Pas de temps, pas d’argent
Xavier Matignon, avocat depuis 18 ans, pointe l’inflation des affaires :
La conjoncture économique, le taux de chômage et les relations employeur-salarié de plus en plus tendues ont mené à une explosion des contentieux. Aussi, les gens sont plus au courant de leurs droits, grâce à internet.
Marie X*, l’une de ses consœurs, évoque également un manque de moyens, financiers et humains :
Il n’y a pas assez de greffes, et pas assez d’avocats pour traiter toutes les affaires. Les calendriers procéduraux ne peuvent pas être respectés et souvent, quand les affaires sont renvoyées, c’est parce que les avocats des parties ne sont pas prêts à défendre l’affaire.
Le ras-le-bol des plaignants
Pascal Beni, salarié d’une entreprise informatique de 33 ans, est l’un des nombreux plaignants qui pâtissent de la situation. Il se rend aujourd’hui à son audience de conciliation, après qu’elle a été renvoyée parce que l’avocat de la parti adverse ne s’était pas présenté… début 2014 :
J’ai dépensé 4 000 € jusqu’à présent. Ma vie de famille en pâtit. On m’a dit que ça pouvait durer encore deux ans, plus deux ans en cas d’appel, et encore deux si on va en cours de cassation. En gros, j’en aurai fini en 2022, si je suis encore vivant.
Une amélioration incertaine
Ce n’est pas la première fois que l’Etat se retrouve confronté aux dysfonctionnements du système judiciaire. Il y a cinq ans, il avait été condamné à 400 000 € d’amende pour des faits similaires. Entre temps, le vote de la loi Macron, en août 2015, devait simplifier les procédures prud’homales pour réduire les délais. Des mesures difficilement applicables selon Marie X*, par manque de moyens.
Benjamin Pierret
*Ces noms ont été changés