Condamné en 2013 à deux ans de prison dont un an ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier en bande organisée », l’avocat André Mikano est de retour devant la justice. Depuis lundi 8 février, l’homme surnommé l’avocat des clandestins est rejugé en appel avec six co-prévenus.
Le calme plane sur la Chambre 2.8 de la Cour d’appel de Paris ce mardi 9 février. Il est 13h30, l’audience va commencer. André Mikano, principal prévenu, entre calmement, trainant derrière lui une petite valise. L’avocat a été condamné en première instance en 2013 à deux ans de prison dont un ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier en bande organisée ». Il aurait travaillé sciemment avec un réseau de passeurs qui faisait entrer en France des sans-papiers venant du Maroc entre 2007 et 2010.
Déclarations à charge de son coursier
Me Mikano échange quelques mots avec ses avocats, puis s’assoit nonchalamment sur le banc, passant une main dans ses cheveux blanchis. Le procès en appel s’est ouvert hier, lundi 8 février. Le Président Burkol ouvre la séance. Il commence par la lecture des déclarations de Mody Fofana, coursier d’André Mikano. Le témoignage du jeune homme est accablant. Il parle d’un ami marocain, qu’il nomme Abdel, ce dernier « fait partie d’un réseau d’immigration clandestine vers la France », déclare le Président de séance, changeant de voix pour donner un aspect plus théâtral à sa lecture. Avant de poursuivre, citant toujours l’intéressé : « Je sais qu’Abel et Me Mikano travaillent ensemble depuis un an et demi au minimum. » Sur le banc, Me Mikano écoute calmement le Président, une main soutenant sa tête.
Dans sa déclaration, Mody Fofana revient sur tous les points sensibles du dossier : les faux passeports retrouvés chez l’avocat, les 1 500 euros versés par chaque immigré clandestin, la chasse aux garants à laquelle Me Mikano se serait livré. Deuxième lecture, celle des déclarations de Mohamed Bourg, organisateur de la filière clandestine, qui sera entendu au Maroc. « Mikano est un avocat Français qui travaille avec mon réseau, 1500 euros est le tarif qu’il demande », déclare le passeur dans la voix du Président.
L’homme détaille alors les dessous de son trafic. Le billet acheté à l’agence d’Air France à Casablanca pour un vol avec un transit à l’aéroport parisien de Roissy, l’acquisition d’un téléphone à carte pour se faire guider dans l’aéroport par un passeur qui a appris la couleur des portes par coeur. Quand cette méthode échoue, Me Mikano entre en jeu selon Mohamed Bourg.
« Moi j’ai fait la chasse aux garants ? Je ne vois pas comment ! »
A son tour, André Mikano est appelé à la barre. Le regard dur, d’un pas assuré, l’avocat s’avance. Immédiatement devant la Cour, sa posture se ferme. Ses bras se croisent sur sa poitrine, et l’homme commence par rejeter calmement les arguments avancés par le Président. Très vite, le ton monte. Le Président Burkol interrompt André Mikano et ce dernier le coupe, élevant la voix et marquant chaque parole de grands gestes de la main.
L’avocat, aujourd’hui sur le banc des accusés, est bon orateur. Son discours est organisé, sa prise de parole appuyée par des dossiers qu’il fait circuler au Président, à ses assesseurs et à l’avocat général. « Moi j’ai fait la chasse aux garants ? Je ne vois pas comment j’aurais pu en travaillant tous les jours ! », s’indigne-t-il. Me Cohen-Sabban et Me Stansal, qui assurent la défense d’André Mikano, restent à proximité de leur client, s’avançant doucement tour à tour quand le prévenu hausse trop le ton.
André Mikano ne se prive pas d’accuser les forces de police, qui lui auraient fait « subir des pressions » pendant sa garde à vue et seraient contre lui dans ce dossier. Il se défend de connaître Mohamed Bourg et se dit très déçu des accusations de Mody Fofana, qu’il considère comme une trahison. Il désigne même le jeune homme comme un Marabout. Dès que la Cour questionne André Mikano sur la somme en liquide retrouvée chez lui (205 520 euros et 47 615$), le calme retrouvé est immédiatement remplacé par la cohue. Chacun essaie de parler plus fort que l’autre et une fois de plus, Me Stansal s’approche pour faire revenir le calme.
Après avoir entendu les arguments d’André Mikano, le Président Burkol regarde le prévenu droit dans les yeux, derrière ses petites lunettes carrées. « En gros vous dites que les accusations contre vous ont été faites par quelqu’un que vous ne connaissez pas, quelqu’un d’autre qui vous a trahi, a subi des pressions et voulu vous marabouter », conclut-il sans cacher son scepticisme. Me Mikano a déjà fait l’objet d’une relaxe en 2014 dans un dossier similaire concernant une immigration clandestine venant des Philippines. Le procès en appel devrait se terminer mercredi.
Constance Maria