Moins médiatisé que le racisme qui vise les communautés maghrébine ou d’Afrique de l’Ouest, le racisme anti-asiatique connaît une recrudescence. Héritier de l’orientalisme du siècle dernier, il se fait de plus en plus violent.
Depuis dimanche soir, le calendrier chinois est passé dans l’année du singe de feu. Alors, comme chaque année, une grande partie des communautés chinoise, vietnamienne et laotienne de France revendiquera sa culture à travers des défilés et des événements divers. D’autant que pour beaucoup, cette période de l’année représente la seule occasion d’afficher leur appartenance à cette diaspora cinquantenaire. Le reste de l’année, les communautés se replient entre elles. A Paris, les quartiers du Haut-Belleville (XIXe arrondissement) et des Olympiades (XIIIe) sont devenus emblématiques de cette dynamique d’auto-exclusion des immigrés de l’ancienne Indochine. La faute, sans doute, aux discriminations dont ils sont victimes, et qui pour autant ne font pas les gros titres. Rares sont les polémiques autour de propos violents ou simplement douteux sur les Asiatiques. La dernière date de 2006, lorsqu’en commentant les Jeux olympiques de Turin, le commentateur Philippe Candeloro avait évoqué le « bol de riz » que la patineuse japonaise Shizuka Arakawa avait bien mérité après sa prestation. Des propos qui avaient choqué, plus pour l’incident diplomatique international que pour leur attachement à un cliché tenace.
« Je mange du chien pour faire plaisir à mon correspondant chinois » (référence à la viande de chien consommée dans certaines régions d’Asie), « hommage à tous les Chinois qui ne peuvent rire et voir en même temps » (référence aux yeux bridés de la plupart des Asiatiques) sont des expressions humoristiques récurrentes sur les réseaux sociaux. Le simple usage du terme « Chinois » qui englobe les personnes d’origine chinoise, vietnamienne, japonaise ou encore coréenne, montre à quel point le concept est vague et étranger à une grande partie de la population française. « Il faut comprendre que la plupart des Français ne font pas la différence entre Français d’origine chinoise et les Chinois, regrette Alexandre, étudiant en affaires européennes à Paris. Ce qui m’a le plus choqué, c’est le côté prétentieux et de peur qu’ont les Européens sur la croissance économique de la Chine. » Car les professionnels de la communication et de l’information n’échappent pas à la règle, jouant souvent sur les clichés avec plus d’aisance que ceux qui concernent les populations originaires du Maghreb ou d’Afrique noire. Sur Internet, nombreux sont les vidéastes qui dénoncent avec humour cette tendance.
De Marco Polo et ses récits d’Orient aux films de kung-fu de Bruce Lee, ces images d’Epinal, souvent des fantasmes, ont envahi la culture populaire occidentale, au point qu’il a fallu du temps pour les considérer comme de vraies marques de racisme. « Si on compare au racisme anti-africain, anti-maghrébin ou à l’antisémitisme, jusqu’à une époque récente, le racisme anti-chinois était très faible, explique le chercheur Emmanuel Ma Mung, de l’université de Poitiers, dans une interview à Slate. Mais aujourd’hui, de plus en plus d’Asiatiques et de Français d’origine asiatique s’inquiètent de la montée des agressions et des marques d’hostilité. Alors les discriminations envers les Asiatiques se veulent-elles toujours « bon enfant », ou tiennent-elles désormais de la méfiance et de la violence ? « C’est un mélange des trois, témoigne Alexandre. La moquerie existe toujours, mais il y a aussi des vols, et une forme de jalousie, d’incompréhension d’une partie de la population. » L’Association des jeunes Chinois de France (AJCF) organise depuis plusieurs années des actions de sensibilisation pour mettre fin à la stigmatisation des immigrés et des personnes d’origine chinoise et asiatique. Car comme l’expliquait son secrétaire général Olivier Wang à Slate en 2010 : « la population chinoise en France n’est pas seulement plus nombreuse, elle est aussi plus visible. »
Paul Verdeau