Avec 4 millions de budget, le Parvis à Tarbes (65) diffuse chaque année des dizaines de films d’art et essai au pied des montagnes des Hautes Pyrénées. Pierre Magne, assistant de programmation depuis 5 ans, explique pourquoi les défis du cinéma en milieu rural.
Comment est né le projet ?
Ca a démarré comme une petite aventure. La Scène Nationale du Parvis Tarbes existe depuis 40 ans. On peut y trouver de l’art contemporain, de la danse, du cinéma et du théâtre. Petit à petit, les municipalités sont venues vers nous pour que l’on gère leurs salles. On fédère maintenant 11 cinémas, en grande partie municipaux. C’est comme un multiplexe de 12 salles, mais éclatées sur le département. Nous sommes 3 programmateurs qui gérons tout de A à Z.
Quels sont les avantages d’un tel système?
Le territoire des Hautes-Pyrénées n’a pas une offre pléthorique en terme de cinéma. Tout seul avec un mono-écran, ils n’avaient pas de levier pour demander des copies. En se fédérant, ça nous permet d’avoir une meilleure force de négociation au niveau des distributeurs. Ça permet aux mairies de faire vivre les salles.
A Arrens, par exemple, il n’y plus de librairies, pas de salle de spectacle, mais il y a un cinéma. Et puis, le numérique a rendu notre travail plus facile. Il y a encore deux ans, on avait qu’une seule pellicule que l’on passait d’un cinéma à l’autre. C’était la tournée du facteur! Le numérique a tout changé.
Comment se porte le réseau?
Ça marche bien. Les bonnes années, on peut aller jusqu’à 150 000 entrées sur les onze salles. Mais ça dépend beaucoup de la programmation. Ce premier trimestre, c’est la catastrophe. On a pas de films En 2014, toutes les salles ont augmenté leur fréquentation, celle de Cauterets a même doublé. A 1300 mètres d’altitude, c’est une des salles de notre réseau qui fonctionne le mieux. Il y a clairement un public, mais si les gens viennent, c’est aussi grâce à des gérants de salles qui connaissent le tissu local et savent se bouger pour l’entretenir. C’est un travail de terrain.
Comment faites vous pour encourager le public à se déplacer pour l’art et essai?
C’est parce que l’on passe des films qui font de grosses entrées que l’on peut se permettre de diffuser des films plus intimistes. Lorsqu’on fait beaucoup d’entrées avec un James Bond, ça nous permet de mieux faire notre travail. Si on faisait que de l’art et essai, on aurait mis la clé sous la porte depuis longtemps. Ce qui compte, c’est de diffuser du cinéma.
On organise des soirées avec des associations, des discussions, des débats. Par exemple, les séances Ciné Passion, sont réalisées avec les élèves des lycées d’Argelès-Gazost et de Bagnères de Bigorre. Les étudiants s’occupent de la communication et du choix du film. Bien sur, le succès dépend beaucoup de la volonté enseignants.
Et à Tarbes?
On manque d’attractivité. Sans accès en transports en commun après 21h, difficile de ramener des jeunes. Mais on se bouge. 1 fois par mois, on organise une soirée film de genre ou l’on offre des pizzas et met de la musique entre deux films. La semaine dernière, le gérant du Pub le Celtic est venu avec un groupe, et tout le monde dansait sur les sièges. Ça rajeunit le public, et nous on s’amuse beaucoup.
Pourquoi avoir choisi ce métier?
Nous sommes avant tout des cinéphiles. Contrairement à M. Gaumont ou M. Pathé, nous ne sommes pas là pour faire de l’argent, mais pour partager un art et sauvegarder la pluralité de l’expression. Le cinéma, c’est un point de vue sur le monde. Grâce au travail du CNC, nous avons une pluralité unique au monde.
Estelle WALTON