Insertion professionnelle : des personnes en situation de handicap aidées pour obtenir une alternance

« Parlez de votre handicap, mais seulement en termes positifs lors des entretiens d’embauche », conseille François de Malliard, chargé de la Mission handicap chez Cap Emploi. Ce vendredi se tenait au 40 quai de la Rapée à Paris, le forum annuel pour aider les personnes en situation de handicap sur la voie de l’alternance, proposé par les associations, Cap Emploi, Agephip et l’Apec.

 

Le 2 juin 2023, à Paris (12e). À l’APEC, un forum a pris place pour l’insertion en alternance de personnes en situation de handicap. Crédit : Juliette Roussel

 

Au 13e étage d’un immeuble longeant la Seine près de Gare de Lyon à Paris, Samuel, souffrant de problèmes d’asthme très conséquents, participe à un forum d’insertion en alternance pour personnes handicapées. « Ma valeur ajoutée ? C’est d’être RQTH » (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, ndlr), répond le jeune homme au regard espiègle, quand on l’interroge sur ses qualités.

Dès 9h, il a participé à quatre ateliers afin de prendre confiance en lui, savoir se présenter, répondre aux questions difficiles, ainsi que comparer des offres d’alternance. « Je veux surtout faire du X design web en tant que chargé de projet ou designer », explique le jeune homme de 24 ans.

Aux côtés de consultants, sur des fauteuils en cuir de couleur, il a notamment appris comment se vendre en entretien d’embauche. Par exemple, une membre de l’association lui a conseillé de mettre en avant le fait qu’il soit déjà en alternance aujourd’hui pour sa troisième année de licence et qu’il sait donc comment agir en entreprise. « Vous avez sûrement dû accomplir des challenges lors de votre année, mettez-les en avant quand on vous pose des questions sur vous », lui recommande Keira Outsmani, du groupe APEC. Samuel arrive ensuite à mettre en avant trois qualités : autonomie, persévérance et sérieux.

Des futurs alternants très diversifiés

« Le forum ça permet surtout de me rassurer. L’année dernière j’avais trouvé mon entreprise surtout grâce au campus, mais aujourd’hui je pense que j’avais besoin de prise en charge pour apprendre à mieux me vendre », avoue Samuel. Il a déambulé avec trois autres personnes en situation de handicap entre les stands de conseil.Tous n’ont ni le même âge ni le même domaine d’études.

Mohamed, par exemple, a 50 ans et est en pleine reconversion professionnelle « Je quitte le domaine de l’assurance pour aller vers celui de l’immobilier », commente-t-il avec le sourire. Lui souffre de maux de dos, et doit donc avoir un fauteuil ergonomique au travail. Il a appris comment le mentionner en entretien d’embauche subtilement avec François de Malliard, représentant de Cap emploi. Ce dernier lui a donné une technique : « Vous devez faire la méthode sandwich ; une bonne nouvelle, une moins bonne, et pour finir quelque chose de positif« . Donc, pour annoncer son mal de dos, Mohamed devra dire : « Je peux travailler sans problème 8h par jour, mais je dois avoir ce modèle de fauteuil là pour m’aider, et Cap Emploi propose de le financer« .

En plus de ces conseils, l’enjeu du jour est double pour les 13 participants du forum. Après s’être amélioré le matin en entretien, en présentation et en rédaction de CV,  l’après-midi c’est face aux entreprises que le vrai travail commence. Elles sont une quinzaine à être partenaires des associations mobilisées et chacune propose une trentaine d’offres. Samuel, lui, en a profité pour s’inscrire à deux entretiens : l’un pour l’entreprise de publicité Publicis en web design et l’autre en chef de projet pour le comité des Jeux olympiques de Paris 2024. Une occasion de mettre à profit les conseils du matin.

Donner « concrètement » des solutions aux recruteurs

Mélissa Devenat, alternante à l’APEC, est là pour conseiller les futurs alternants. Elle a été recrutée suite au forum de l’année dernière et témoigne de son parcours. « L’accès à l’emploi et à l’alternance est encore plus compliqué pour nous, parce qu’un recruteur veut toujours prendre la meilleure personne pour un poste et nos conditions nous limitent parfois« , atteste-t-elle. Pour lutter contre ces difficultés, une seule manière : être concret lorsqu’on parle de son handicap. « Cela ne sert à rien de dire toute sa maladie ou son handicap, il faut juste concrètement expliquer quelles sont les solutions adaptées à nos problèmes« . Cette manière de ne pas laisser les entreprises démunis, d’apporter une solution directe permet, selon cette jeune femme, de montrer sa force et sa capacité d’adaptation.

Melissa Devenat, est actuellement en alternance à l’APEC, suite au forum de l’année précédente. Crédit : Juliette Roussel

Cette journée de forum d’insertion sous forme d’initiation de 8h permettra à certains d’avoir une alternance avec les entreprises présentes, ou au moins un premier contact. C’est aussi l’occasion pour d’autres personnes handicapées de s’inscrire à l’APEC et donc de bénéficier d’un réel suivi personnel plus poussé sur du long terme.

À lire aussi : « L’alternance comme entrée dans le monde du travail pour les salariés handicapés »

Juliette Roussel

Le gouvernement n’avance toujours pas sur le statut des accompagnants d’élèves handicapés

Des professeurs manifestent contre la réforme Blanquer, le 17 juin 2019 à Paris. – STR / AFP

Un rapport parlementaire préconisant la revalorisation du statut des accompagnants d’élèves en situation de handicap a été remis ce mardi au gouvernement. Depuis des années, les demandes de ces travailleurs restent sans réponse concrète de la part de l’exécutif.

Leur rôle aux côtés des élèves handicapés est essentiel au quotidien. Pourtant, le travail des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) n’est toujours pas reconnu et les formations manquent cruellement. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, avait d’ailleurs appelé à la professionnalisation du secteur. Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, avait elle assuré que la question de leur statut serait l’une « des priorités du quinquennat ». Pourtant, aucune avancée significative n’a été observée en ce sens à la rentrée 2019, qui a été vécue comme un cap extrêmement éprouvant à gérer pour bon nombre d’entre eux, alors que leur situation continue de se précariser.

Aurélie, membre du collectif AESH En action, est accompagnante d’élève en situation de handicap depuis bientôt 10 ans. Après cinq années exercées sous contrat aidé, elle a signé un nouveau contrat public avec l’Education nationale, en cours depuis maintenant 4 ans. Mais elle n’observe toujours aucune amélioration au quotidien. « Notre rôle est d’amener l’élève vers l’autonomie, mais sans faire partie de l’équipe enseignante. On est moins considéré parce qu’on est juste de passage. Souvent, les professeurs ne sont même pas prévenus de notre venue ».

Exerçant à Agen, dans le Lot-et-Garonne, Aurélie touche 730€ pour 23h travaillées par semaine. Depuis l’application de la réforme Blanquer, une série de mesures du gouvernement visant à redéfinir le fonctionnement de l’école, elle bénéficie d’un CDD de trois ans renouvelable une fois avant de pouvoir prétendre signer un CDI, contre un CDD d’un an renouvelable six fois auparavant. « Le gouvernement juge que ces contrats sont robustes, mais avec des salaires pareils, c’est surtout une précarité à vie et sans formation », explique-t-elle.

Une déstructuration de la profession

Nouveauté de cette rentrée, les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) avaient pour objectif de réorganiser les équipes d’accompagnants. Mais en réalité, ces nouvelles entités sont venues déstructurer une profession déjà précaire. « C’est le jeu des chaises musicales. On nous demande de nous démultiplier, on est balancé entre plusieurs établissements avec plus d’élèves à gérer. Cela a complètement déshumanisé notre métier », déplore Aurélie.

Souvent considérés comme du « sous-personnel », de plus en plus d’AESH préfèrent claquer la porte face au manque de reconnaissance qu’ils subissent. La formation reste quasiment inexistante dans le milieu et oblige les accompagnants à se former par leurs propres moyens. « Le gouvernement a revu à la baisse les critères de sélection. Ils embauchent désormais à partir du baccalauréat, même si la personne n’a aucune expérience antérieure auprès d’élèves en situation de handicap », déclare-t-elle.

La détresse de ces accompagnants a d’ailleurs connu un point d’orgue en cette nouvelle rentrée : des milliers d’AESH sont encore en attente d’une affectation ou d’un salaire. Face à ces problèmes récurrents, les rectorats restent souvent muets et le personnel est livré à lui-même. Soutenus par des associations de parents d’élèves, AESH En action demande que des mesures concrètes soient prises en urgence pour la reconnaissance de leur statut, mais également pour éviter que les élèves handicapés subissent les conséquences de cette précarité.

Valentin Berg