Agressions sexuelles de Shaïna Hansye : des peines durcies en appel

La cour d’appel d’Amiens a prononcé des peines de six mois à deux ans de prison avec sursis à l’encontre des quatre hommes qui ont agressé sexuellement en 2017 Shaïna Hansye, alors âgée de 13 ans. Un verdict en appel plus lourd que celui rendu en première instance. Le principal auteur des agressions sexuelles, âgé de 14 ans et petit ami de Shaïna au moment des faits, a été condamné à deux ans de prison avec sursis, et sera inscrit au fichier des délinquants sexuels.


«C’est le triomphe de la parole de Shaïna» face à des agresseurs qui ont montré lors des audiences, à huis-clos, «une forme d’arrogance dans leur contestation et négation des faits», a salué l’avocate de la famille de Shaïna, Me Negar Haeri. Le frère de la victime, Yasin Hansye, a lui déploré que la qualification de viol n’ait pas été retenue. Les condamnations interviennent avant l’ouverture lundi du procès d’un autre jeune homme, accusé d’avoir poignardé et brûlé vive l’adolescente en 2019.

 

Elisabeth Crépin-Leblond/ AFP

Un psychologue qui agressait sexuellement ses patientes

Ce lundi, s’est ouvert le procès aux Assises de Maurice M., psychologue accusé d’agressions sexuelles sur trois de ses patientes. 

Le psychologue s’est avéré peu loquace ce lundi, premier jour de son procès. Maurice M. est accusé d’agressions sexuelles par ses patientes. Il est jugé jusqu’à jeudi par la cour d’Assises de Nanterre. Problème : l’accusé ne reconnaît pas le terme d’agression mais parle de « soins » prodigués à ses patientes. Les faits remontent à 2015. Lors de séances dites « de relaxation », l’homme âgé de 70 ans aurait touché à plusieurs reprises les seins de ses patientes et procédé à des pénétrations digitales. Selon Maurice M., ces techniques ont été apprises en formation et permettent « de sortir du traumatisme grâce à une approche corporelle ». « Je touche les gens aux méridiens énergétiques, ce sont des contacts inspirés du shiatsu », a-t-il déclaré à la cour. Face aux multiples relances de la présidente lui intimant de développer ses méthodes, l’homme n’en dira pas plus. « Vous êtes quelqu’un de cultivé, vous avez du vocabulaire mais vous n’êtes pas capable d’expliquer clairement vos pratiques ? », s’impatiente la présidente. La cour n’en saura rien.

« La psychanalyse française est très fermée »

Mutique face aux questions de la présidente, le détenu est plus prolixe quand il s’agit de faire le procès de la psychanalyse française. « Ce sont des pratiques reconnues dans d’autres pays mais en France, c’est vrai que ce sont des pratiques à risques. », se justifie-t-il, « La psychanalyse française est très fermée ». Pour appuyer ses propos, l’homme, droit dans son box, avance les cas de patientes satisfaites de son travail. Pourtant, face à lui, deux femmes, le visage fermé et les traits tirés ont vécu ces méthodes comme une agression. Chez le prévenu, la question du consentement n’est jamais évoquée.

Le prévenu est coutumier des faits. En 1996, 2009 et 2014, il avait déjà été condamné pour viols et agressions sexuelle dans l’exercice de sa fonction.

 

Dorine Goth

Agressions sexuelles : autour de la parole, le tabou persiste

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Image tirée d’une campagne de sensibilisation aux agressions sexuelles en Italie. source

La récente polémique suscité par un extrait de l’émission « On est pas couché » où la romancière Christine Angot s’en prend violemment à l’écologiste Sandrine Rousseau a relancé le débat sur la parole autour des agressions sexuelles.

#ViolencesdeGenre La situation des victimes d’agressions sexuelles a beau avoir évoluée au cours des décennies, elle n’en est pas pour autant satisfaisante : Seulement 10% des femmes agressées déposent plainte, et 90% des affaires semblables ne donnent lieu à aucune suite. Cela prouve combien il est difficile pour les victimes de parler de ce qu’elles ont subi.

De plus, la parole n’est pas nécessairement salvatrice. Christine Angot et l’élue EELV Sandrine Rousseau l’ont prouvé lors d’un échange houleux durant l’émission « On n’est pas couché » du 30 septembre 2017. Christine Angot a violemment pris à parti l’élue venue promouvoir un livre dans lequel elle raconte avoir été agressée sexuellement par l’ancien député écologiste Denis Baupin (voir la vidéo ci-dessous) .Il se trouve que Christine Angot a également subi une agression sexuelle grave (elle a raconté dans trois de ses romans que son père la violait).

Extrait d’On est pas couché du 30 septembre 2017. (cliquez pour visionner la vidéo)

Il y a là un échange compliqué pour les spectateurs, et douloureux pour les deux femmes. Deux positions s’affrontent : Sandrine Rousseau propose la parole collective comme force de combat tandis que Christine Angot lui oppose l’impossibilité de la parole de groupe pour tenter de surpasser un traumatisme qui est avant tout personnel.

Parler ou se taire ?

Les associations d’aides aux victimes de violences sexuelles doivent sans cesse se confronter à cette posture : « Il est très difficile de recueillir la parole des femmes victimes de violences « , confie Ariane, 23 ans, en service civique au sein de l’association Ni Putes Ni Soumises depuis un an. »Bien sûr il faut d’abord tisser une relation de confiance avec beaucoup de temps et de douceur. Mais très peu expliquent clairement ce qui leur est arrivées. Certaines veulent de l’aide mais refusent en bloc de raconter.  Il est rare de les accompagner pour porter plainte ».

Le silence des victimes pose également la question de l’impunité des agresseurs. Si celles-ci ne s’expriment pas, comment empêcher la récidive ?  » Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir, mais parfois les victimes rentrent chez elles en sachant très bien ce qu’il se passera. Lorsqu’elles sont mineures, nous sommes tenus de porter plainte. Mais les femmes majeures, on ne peut pas les empêcher et là il y a des drames « , déclare Ariane.

Pour aller plus loin  : Le clash Rousseau-Angot, quel signal pour les victimes d’agressions sexuelles ?

Christine Angot parle de son oeuvre « L’inceste » chez Thierry Ardisson (1999)

plusieurs facteurs empêchent les victimes de s’exprimer publiquement sur les agressions : le caractère profondément intime du traumatisme, le sentiment de honte, voire de culpabilité, la conviction que personne ne peut comprendre, la peur d’être catégorisé comme « victime » de manière définitive. De plus, de nombreux préjugés subsistent encore sur les agressions sexuelles : en 2015, une étude conduite par le collectif Mémoire Traumatique et Victimologie démontrait que les sphères familiale et amicale étaient les plus favorables aux violences sexuelles, et que les agressions étaient commises par des membres de la famille dans la majorité des cas d’agressions sur mineures. Les résultats transcendent toutes les catégories sociales. Rien à voir avec le mythe de l’agresseur isolé et inconnu dans une ruelle sombre.

Ainsi, le clash entre Christine Angot et Sandrine Rousseau a eu le mérite de mettre en lumière la difficile parole sur les agressions sexuelles, mais aussi les nombreux tabous qui pèsent encore sur notre société. Pour libérer la parole des femmes victimes de violences sexuelles, il faut d’abord libérer les femmes tout court.

Asmaa Boussaha