François Ruffin : « Nous devons placer le travail au coeur de notre projet »

Face à une France « profondément fracturée », le député de la Somme François Ruffin (La France insoumise) entend recentrer la gauche autour de trois piliers : « le travail, le partage des richesses, la démocratie ».

François Ruffin à Paris, le 5 mai 2018. Shutterstock.

Cavalier solitaire de La France insoumise, le député de la Somme François Ruffin a déroulé ce matin sur Franceinfo son projet politique en vue de « reconquérir une partie des classes populaires » captée par le Rassemblement national (RN). « Nous devons placer le travail au cœur de notre projet », affirme François Ruffin qui ajoute que « le partage des richesses et le renouveau de la démocratie » doivent en constituer les deux autres piliers. Le Picard entend ainsi « réconcilier une société » française qu’il juge « profondément fracturée ».

Le député de la Somme refuse toute « fatalité » à l’arrivée du pouvoir du RN, qui tente de recentrer son projet politique autour du sentiment de déclassement des classes populaires et moyennes. Dévoué à démystifier l’image sociale du RN, il rappelle que les mots « partage », « dividendes », « actionnaires » ou encore « égalité» sont absents du programme de la candidate à l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen. En 2022, la candidate RN avait engrangé 67% de vote chez les ouvriers et 57% chez les employés. Pour faire rebasculer cette France populaire et périphérique dans l’électorat de gauche, François Ruffin refuse l’«humiliation» : « on ne les méprise pas, on discute », a-t-il déclaré à l’antenne de Franceinfo.

Un candidat consensuel à gauche

Face à un « épuisement des esprits », l’ancien journaliste prône l’apaisement. Reléguant à l’arrière plan les sujets de société controversés de La France insoumise, François Ruffin s’impose par un projet qui se veut résolument social et démocratique. « On ne doit pas faire tout ce qui nous passe par la tête, tout ce qu’on souhaite, tout ce qui est peut-être même bon en soi. Il faudra chercher des chemins qui permettent de réconcilier la société. », argue-t-il. Très consensuel à gauche, sauf dans son parti, le député de la Somme apparaît plus rassembleur que le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Près de deux tiers des Français estiment ainsi que François Ruffin ferait un « meilleur candidat » que Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2027, selon un sondage Elabe pour L’Express.

Mis à l’écart de la nouvelle direction de LFI en décembre 2022 et partisan d’une stratégie plus en ligne avec l’intersyndicale pendant les débats sur la réforme des retraites, le député de la Somme s’est toutefois appliqué à garder un pied au sein du mouvement insoumis. Convaincu que la Nupes est toujours actuelle, François Ruffin estime qu’«à l’intérieur de la gauche, il y a des visages d’hommes et de femmes qui sont extrêmement intéressants et qui peuvent très bien constituer une équipe plurielle.» Pressenti comme candidat à l’élection présidentielle de 2027, le Picard répète néanmoins son souhait de ne pas constituer « un homme ou une femme présidentielle » mais « 60 millions d’hommes et de femmes providentielles dans le pays.»

Eloïse Cimbidhi

« Justice pour le vivant » : l’État français devant le tribunal pour l’effondrement de la biodiversité

Cinq associations accusent l’État français de permettre l’effondrement de la biodiversité. Lancée en 2021, la procédure « Justice pour le vivant » pointe une défaillance dans l’encadrement des pesticides. Cinq questions pour comprendre l’audience qui débute ce jeudi 1er juin.

Selon des études citées par les ONG, les populations d’insectes volants ont diminué de 75% ces 30 dernières années en Europe. © Titouan Allain / Celsa

  • Qui poursuit l’État ?

Le recours est porté par cinq ONG de défense de l’environnement : Pollinis, Notre Affaire à tous, l’Association nationale de protection des eaux et rivières, Biodiversité sous nos pieds, et l’Association pour la protection des animaux sauvages.

  • Qu’est-il reproché à l’État ?

Les cinq ONG remettent en cause une utilisation «immodérée» de pesticides dans l’agriculture. Elles soulignent une défaillance de l’État «dans la mise en place de procédures d’évaluation des risques et d’autorisations de mise sur le marché des pesticides». Elles attaquent également le manque de suivi des effets des produits autorisés, le manquement de l’État à ses obligations en matière de protection des eaux, et le non-respect des objectifs de réduction des pesticides dans les plans Ecophyto. Mis en œuvre après le Grenelle de l’environnement de 2007 qui avait fixé un objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides de synthèse en 10 ans, les plans Ecophytos 1 et 2 ont successivement été des échecs.

Pour appuyer leur recours, les ONG citent des études montrant la diminution de 75% des populations d’insectes volants ces 30 dernières années en Europe et la chute de 30% en France des populations d’oiseaux des champs. «Les pesticides sont aujourd’hui autorisés à l’issue d’un processus d’évaluation lacunaire, qui ne permet ni d’identifier, ni d’interdire les produits responsables du déclin des insectes, des oiseaux et de toute la biodiversité ordinaire», accusent les associations.

  • Que demandent les requérants au tribunal administratif ?

Les ONG portent trois requêtes devant le tribunal administratif. Tout d’abord, elles souhaitent faire reconnaître la responsabilité de l’État français et sa carence dans la protection de la biodiversité. Elles demandent ensuite que ce dernier mette tout en œuvre pour réparer le préjudice causé par son inaction. Enfin, les associations demandent la révision du processus de mise sur le marché des «pesticides responsables de la destruction de la biodiversité».

  • Que répond l’État pour se défendre ?

Dans son mémoire en défense, l’État, représenté par le ministère de l’Agriculture, affirme ne pas avoir suffisamment de marge de manœuvre au regard du droit européen. La procédure d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est entièrement harmonisée par le droit de l’UE qui «prend en compte la défense de l’environnement», met en avant le document, consulté par l’AFP.

S’agissant du non-respect des plans Ecophyto, l’État affirme que les objectifs fixés par ces derniers ont «une valeur programmatique et ne sauraient avoir une portée contraignante» estimant ainsi ne pas pouvoir être tenu juridiquement responsable.

Phyteis, syndicat professionnel qui regroupe les géants des pesticides comme BASF, Bayer ou Syngenta, s’est aussi mêlé à la bataille en déposant il y a quelques semaines un mémoire en soutien de l’État auprès du tribunal administratif. Dans un communiqué, le lobby souligne que la réglementation européenne est «l’une des plus strictes au monde». Il avance un «caractère multifactoriel» dans l’effondrement de la biodiversité et pose «les bénéfices et l’efficacité de l’usage raisonné des produits phytopharmaceutiques en termes d’approvisionnement des filières agricoles, de souveraineté et de sécurité alimentaire». Le syndicat met enfin en doute la compétence du tribunal administratif.

  • Est-ce la première fois que l’État se retrouve devant la justice pour des questions environnementales ?

Non. En octobre 2021, l’État français a déjà été condamné par le tribunal administratif de Paris à réparer les conséquences de son inaction climatique. Dans une autre affaire en 2022, le Conseil d’État a condamné l’État pour ne pas avoir agi assez rapidement contre la pollution de l’air.

Elisabeth Crépin-Leblond (avec AFP)

Élisabeth Borne annonce la création de 200 000 places en crèche d’ici 2030

Élisabeth Borne va présenter ce jeudi le plan du gouvernement en matière de petite enfance et de frein à l’emploi, comme la garde d’enfants. En cette Journée mondiale des parents, la Première ministre assistera cet après-midi au Conseil national de la refondation dédié à la petite enfance, à Laval (Mayenne). Elle devrait y détailler le financement de 100 000 places en crèche supplémentaires d’ici à 2027, avec l’objectif d’aboutir à 200 000 nouvelles places d’ici à 2030.

Ce matin, elle était à Angers (Maine-et-Loire) où elle a visité une crèche labellisée AVIP (à vocation d’insertion professionnelle). Ce type d’établissement permet aux parents en recherche d’emploi d’être prioritaire dans l’affectation des places et de bénéficier d’un accompagnement en vue de leur intégration sur le marché du travail. Une centaine de manifestants munis de casseroles étaient présents à proximité de la crèche jusqu’à 11 heures environ.

Marie Scagni/AFP

 

Fridays for future France, un mouvement pour le climat qui irrite

Vendredi 23 septembre 2022, le mouvement Fridays for future France a organisé une nouvelle grève pour le climat à Paris. Accusé trop proche des partis politiques ou pas assez démocratique, le mouvement divise au sein des militants écologistes.

La grève historique pour le climat du 15 mars 2019 qui avait regroupé 35 000 jeunes semble loin. Ce vendredi 23 septembre 2022, une centaine de personnes se sont rassemblées place Baudoyer à Paris à l’appel du collectif Fridays for future France. La petite foule est essentiellement constituée de journalistes, de représentants de syndicats étudiants ou de groupes de jeunes affiliés à un parti politique. Les jeunes moins politisés, venus sécher les cours pour la cause climatique, sont très minoritaires.

La faute à un problème de communication? « On est allés devant le Panthéon avant de voir que c’était ici », explique une étudiante. Sur Facebook, un autre événement annonçait la tenue du rassemblement devant le Panthéon. Arrivée là-bas, l’étudiante n’a trouvé personne. « C’est à cause d’une sorte de scission, ils ont essayé de saboter le rendez-vous », glisse une élue à son voisin qui ne trouvait pas l’adresse. “Ils” ne sont pas nommés, mais désignent le mouvement local de Youth for climate France. Car les deux groupes, qui se réclament tous deux du mouvement international Fridays for future se disputent son héritage. Ces grèves mondiales des vendredis pour le climat ont été initiées par la jeune militante Greta Thunberg le 20 août 2018 devant le parlement Suédois. L’objectif : interpeller les politiques sur le réchauffement climatique. 

La grève de vendredi était organisée par le groupe Fridays for future France. L’antenne française du mouvement international Fridays for future? Oui et non. D’ailleurs c’est plutôt flou dans l’esprit de Grégoire, étudiant en première année d’économie. « Ils ont tous un peu repris le mouvement de Greta Thunberg, de faire des grèves pour le climat, non? » A l’origine les mouvements francophones (France et Belgique) issus des Fridays for future international se nomment Youth for climate. Actif depuis 2019, le mouvement réunit une soixantaine de groupes locaux dans toute la France.

des membres dissidents de youth for climate France

Alors qu’est ce que le mouvement Fridays for future France (FFF France) ? Le groupe a été créé à la veille de la manifestation internationale pour le climat du 25 mars 2022, « par deux personnes du mouvement de Youth for climate qui n’étaient pas d’accord avec la stratégie », pointe Martin, militant à Youth for Climate (YfC) Ile de France. Des questions de stratégie qui concerneraient la répartition du pouvoir, « horizontale » chez YfC.

Pour Pablo, l’un des membres fondateurs de FFF France, l’objectif était « de se concentrer sur les grèves pour le climat du vendredi », face à une organisation qui engloberait d’autres luttes, en lien avec la question sociale et anticapitaliste. « Il y a d’autres pays où plusieurs groupes sont issus de Fridays for future, il n’y a pas de barrières et il faut encourager les jeunes à intégrer ce mouvement ». Une vision qui ne passe pas auprès de Youth for Climate qui se réclame seul héritier du mouvement international : « le groupe joue sur l’ambiguïté du nom, et veut récupérer quatre ans de lutte ».

 « Il faut se concentrer sur les grèves pour le climat »

– Pablo, cofondateur de Fridays for future France

L’organisation verticale du nouveau collectif est aussi vivement critiquée. « Il y a seulement deux porte-paroles alors que la jeunesse est plurielle et diverse », reproche Martin. Fridays for future France regrouperait « plus d’un millier de personnes en France », garantit Pablo. Un chiffre, qui prend sa source sur le nombre de personnes assistant aux événements français inscrits sur le site international du mouvement. Or, ces personnes, qui ont pu réaliser des actions ne sont pas adhérents à Fridays for future France. Le collectif regroupe en réalité, 9 membres fondateurs et une vingtaine de personnes qui coordonnent les actions. « Enfin, après le 23, on se structurera localement », s’empresse d’ajouter Pablo.

Ces évènements locaux, sans militants sur place pour les organiser, sont l’un des points de crispation pour Youth for Climate envers le jeune mouvement. « Localement, aucun militant de Fridays for future France n’est présent, ils jouent sur le fait que nous, nous sommes là pour gérer », fustige Martin.

Une organisation apartisane ?

« On est un mouvement apartisan et eux sont reliés aux jeunes écologistes. FFF France, c’est un cheval de Troie pour permettre à des organisations politiques de nous récupérer », ajoute le porte-parole de YfC., « Un comité inter-organisationnel réunit FFF France, l’UNEF, le syndicat Alternative et les Jeunes écologistes », précise pendant l’événement Annah, membre des jeunes écologistes. « FFF France est résolument apartisan », assure Pablo en indiquant la présence, aussi, de jeunes insoumis à la tribune, « mais les organisations de jeunesse politiques sont les bienvenues » ajoute-t-il.

Preuve du malaise, des membres de Youth for Climate sont présents, en anonyme. « Ils ne voulaient pas forcément prendre la parole », glisse Annah. Les Jeunes écologistes auraient proposé aux deux organisations de collaborer, sans « vouloir prendre parti dans leurs histoires internes ».

« Il y a seulement deux porte-paroles alors que la jeunesse est plurielle et diverse »

– Martin, porte-parole de Youth for Climate

C’est aussi l’avis de Mathis, membre des FFF France. « YfC ne faisait plus régulièrement de grève pour le climat en séchant les cours en semaine, donc il y a eu l’idée de faire un autre mouvement, mais on n’a rien contre eux », explique celui qui a rejoint FFF France à ses débuts. A 12 ans, c’est sa quatrième grève pour le climat.

Le groupe international Fridays for future ne s’est pas encore prononcé sur la reconnaissance du groupe national du même nom. De leur côté, le groupe Youth for Climate préfèrent organiser une manifestation dans les rues de Paris le dimanche 25 septembre, contre la publicité en particulier, « moteur de la consommation ». Le but : empêcher la municipalité de Paris de renouveler un contrat avec Clearchannel, une entreprise de panneaux d’affichages publicitaires numériques. Délaisser les grèves du vendredi, pour privilégier des luttes locales, un changement de cap dans la stratégie d’action du mouvement, assumé par son porte-parole : « il faut agir concrètement maintenant, on veut de réelles victoires », martèle Martin.

Johanne Mâlin