Contre Deliveroo, la grogne des livreurs est encore timide mais elle se structure

Un livreur Deliveroo lors de la manifestation place de la République, le 12 octobre
Un livreur Deliveroo lors de la manifestation place de la République, le 12 octobre (Gaël Flaugère / Celsalab)

Après une timide mobilisation cet été, les livreurs Deliveroo se sont donné rendez-vous place de la Bastille à Paris pour exprimer leur mécontentement suite au changement de la politique tarifaire de la plateforme. Dans un contexte de concurrence exacerbée entre livreurs, difficile pour ceux qui revendiquent de meilleures conditions de travail de se faire entendre

« On le voit que ça les préoccupe. Dès qu’on commence à annuler des courses, ils viennent, ils se renseignent pour savoir si il y a une grève… Et si c’est le cas, ils mettent en place des primes pour ceux qui vont travailler ce jour-là ». Place de la République, à Paris, David* fulmine contre son client, Deliveroo.

Comme une quarantaine d’autres livreurs, il est venu protester ce vendredi contre le changement de politique tarifaire de la plateforme londonienne. L’affaire est technique. En près de deux ans, Deliveroo a changé trois fois sa politique tarifaire. Lorsque la plateforme a ouvert, en 2016, les livreurs étaient payés 7,5 euros de l’heure, avec un bonus de 2 à 4 euros par livraison. En août 2017, changement de politique et les livreurs sont payés 5,75 euros par course à Paris. Cet été, nouveau revirement de situation. Les livreurs sont désormais payés avec une base de 3 euros en fixe et le reste, en fonction des kilomètres parcourus avec un minimum de 1,8 euro dans la capitale.

De nouvelles conditions pénalisantes pour les coursiers 

Pour David, l’équation est simple: plus de kilomètres, moins de courses, moins d’argent. « Avant, on travaillait sur des zones plus resserrées. Moi j’avais le 18e arrondissement de Paris, et une petite partie du 17e. En étant payés à la course, on pouvait enchaîner les courses sur des petites distances. J’arrivais à faire trois ou quatre commandes par heure et toucher un revenu correct. Aujourd’hui, je peux être envoyé beaucoup plus loin. La course ne me rapportera que 5,50 euros, et ça m’aura pris une demi-heure. A la fin de l’heure, on se retrouve à 11 ou 12 euros alors qu’avant je faisais 20 euros facilement ! »

Même calcul pour Nabil, livreur depuis 1 an et demi. Son shift (plage horaire pendant laquelle les livreurs travaillent pour la plateforme) courait jusqu’à 16 heures, mais à 14 heure il était bien place de la République, une veste bleue Deliveroo sur le dos. Puisque Deliveroo est son activité principale, la politique de la plateforme l’atteint tout particulièrement. Le livreur déplore se rapprocher du Smic horaire (9,76 euros brut) alors qu’avec une moyenne de trois courses par heure, il touchait auparavant un salaire horaire de 16,5 euros. Ce changement, il le subit complètement: « Le pire, c’est qu’on est jamais prévenu, explique-t-il. Du jour au lendemain je peux perdre beaucoup. Impossible de planifier ou de prévoir quoi que ce soit… » Mais quand on lui demande pourquoi il ne part pas, il hausse les épaules: « Pour aller où ? Les autres sont pires ! Malgré tout, Deliveroo reste la meilleure option pour les livreurs. »

En effet, si la manifestation est contre Deliveroo, seule une poignée de vestes ou de t-shirts avec le logo de la marque sont dans l’assemblée. Les couleurs et les logos sont multiples sur les vestes et les sacs réfléchissants des différentes entreprises du secteur: Foodora, Uber eats, Alloresto, l’assemblée est bigarrée.

Les livreurs commencent à se fédérer face aux plateformes 

« De manière générale, toutes les plateformes paient de moins en moins. Chez Uber eats, cela fait longtemps qu’on touche moins… explique Sébastien*, livreur pour le leader des VTC. Il faut qu’on s’organise tous ensemble ! D’une plateforme à une autre, le travail devient le même. Il y a une vraie homogénéisation des conditions de travail et des rémunérations, à la baisse…  » Mais ce membre du Collectif des Livreurs Autonomes Parisien (Clap) , à l’origine de la manifestation, est conscient que les leviers d’action sont peu nombreux. Les livreurs sont tous auto-entrepreneurs, et la saturation du marché du travail offre aux plateforme un réservoir de main d’œuvre important.  » On est lucides sur le fait qu’on peut pas faire grand-chose, Le nombre de coursiers disponible est assez incroyable et les plateformes profitent de la précarité du travail. Il y a tellement de gens qui n’ont pas de travail que c’est plus facile de faire travailler les gens pour moins. » Pour lui et les livreurs des autres plateformes, l’enjeu est de ne pas laisser la spirale dépréciative se poursuivre. « On sait que si on ne fait rien, les plateformes continueront à nous payer moins. »

Au bout d’une heure de rassemblement, ils sont près de quarante à être réunis place de la Bastille. Perché sur la fontaine de la place de la République, Jérôme Pimot, le fondateur du Clap, arrangue la foule. « L’an dernier, nous avons fait la même manifestation et nous étions quinze. Aujourd’hui nous sommes 40 ! » Et l’ancien livreur Deliveroo de poursuivre sur la mobilisation qui monte aussi en province, à Lyon ou à Bordeaux mais aussi à Pau et dans des villes plus petites. « Il se passe quelque chose, dans toute la France le mouvement commence à se structurer. »

Jérôme Pimot face aux livreurs ce 12 octobre, place de la République à Paris (Gaël Flaugère/ Celsalab) 

 

Après dispersement de la manifestation, un groupe d’une vingtaine de livreurs et sympathisants ont décidé d’aller faire entendre leur colère au siège Parisien de Deliveroo. Ils ont trouvé porte close.

Gaël Flaugère

 

 

Ouragan Michael, remaniement, fusée Soyouz… L’actualité de la semaine en photos

Plus de 2 000 personnes ont péris lors du séisme et tsunami qui ont ravagés l'île des Célèbes en Indonésie.
Plus de 2 000 personnes ont péri lors du séisme et tsunami qui ont ravagé l’île des Célèbes en Indonésie. PHOTO AFP
Une partie des brésiliens sont descendus dans la rue pour protester contre le possible élection du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro
Une partie des Brésiliens sont descendus dans la rue pour protester contre le possible élection du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro. PHOTO AFP
Brett Kavanougt, soutenu par Donald Trump, a été investi à la Cour Suprême des Etats-Unis malgré des accusations de harcèlement sexuel.
Brett Kavanougt, soutenu par Donald Trump, a été investi à la Cour Suprême des Etats-Unis malgré des accusations de harcèlement sexuel. PHOT AFP
Le Premier ministre Edouard Philippe assure l'intérim du ministère de l'Intérieur en attendant le remaniement.
Le Premier ministre Edouard Philippe assure l’intérim du ministère de l’Intérieur en attendant le remaniement. PHOT AFP
Recueillement pour Viktoria Marinova, la journaliste bulgare tué alors qu'elle enquêtait sur des affaires de corruption dans son pays.
Recueillement pour Viktoria Marinova, la journaliste bulgare tuée alors qu’elle enquêtait sur des affaires de corruption dans son pays. PHOTO AFP
Le Paris Saint German fait la course en tête du championnat avec 9 victoires consécutives.
Le Paris-Saint-Germain fait la course en tête du championnat de Ligue 1 avec 9 victoires consécutives. PHOTO AFP
L'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Nikki Haley a démissionne par surprise.
L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley a démissionné par surprise. PHOTO AFP
L'ouragan Michael a tué 11 personnes en Floride et Virginie et a détruit des centaines d'habitations sur son chemin.
L’ouragan Michael a tué 11 personnes en Floride et Virginie et a détruit des centaines d’habitations sur son chemin. PHOTO AFP
Le président Emmanuel Macron était en Arménie pour assister au Sommet de la Francophonie à Erevan.
Le président Emmanuel Macron était en Arménie pour assister au Sommet de la Francophonie à Erevan. PHOTO AFP
Atterrissage d’urgence de ma fusée Soyouz au Kazakstan alors qu'elle contenait des astronautes Russes et Américains.
Atterrissage d’urgence de la fusée Soyouz au Kazakstan alors qu’elle contenait des astronautes Russes et Américains. PHOTO AFP

La Française Maryse Condé remporte le « nouveau prix de littérature »

Le prix Nobel de littérature alternatif a été décerné à l’écrivaine guadeloupéenne, ce vendredi, à la bibliothèque de Stockholm.

« La nouvelle académie », spécialement constituée après l’annulation du Prix Nobel de littérature 2018 a récompensé Maryse Condé du « nouveau prix de littérature ». Plusieurs fois citée pour le Prix Nobel, Maryse Condé « décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme, avec un langage précis dans ses œuvres » a félicité l’institution. Née en février 1937 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), l’écrivaine a publié une trentaine de romans ainsi que des essais et des pièces de théâtre portant notamment sur l’esclavage et l’Afrique.

«Je suis très heureuse et très fière d’avoir ce prix mais permettez-moi de le partager avec ma famille, avec mes amis et surtout avec tous les gens de la Guadeloupe […] qui seront émus et heureux de me voir récompensée», a-t-elle réagi dans une vidéo, peu après l’annonce.

Maryse Conde, réagit à sa récompense sur une vidéo retransmise on a screen at the Stockholm City Library in Stockholm, after being awarded the New Academy's Literature Prize on October 12, 2018. (Photo by Janerik HENRIKSSON / TT News Agency / AFP) / Sweden OUT
Maryse Conde, réagit à sa récompense sur une vidéo retransmise à Stockholm. (Photo by Janerik HENRIKSSON / TT News Agency / AFP)

Contrairement au lauréat du Prix Nobel, choisi par les 18 membres de l’académie, le «Nouveau prix» se veut le fruit d’un processus populaire. Une liste est d’abord établie par des bibliothécaires suédois, puis ramenée à quelques noms par un vote populaire. Les organisateurs indiquent avoir reçu près de 33 000 contributions. Sur la liste finale apparaissaient les noms du Britannique Neil Gaiman, de la Canadienne d’origine vietnamienne Kim Thúy et de Maryse Condé. Le japonais Haruki Murakami, faisait également partie de la dernière sélection, mais a préféré se désister. Il a précisé vouloir «se concentrer sur son écriture et rester à l’écart de l’attention médiatique» sur son mur Facebook.

La récompense équivaut à 97 000 euros soit un peu plus du dixième du chèque perçu par les lauréats du Prix Nobel. Une somme qui a été collecté par le biais du financement participatif et du mécénat.  Maryse Condé recevra son prix à Stockholm le 9 décembre prochain.

Audrey Abraham

Municipales à Paris : les « Parisiennes, Parisiens » à l’offensive

Gaspard Gantzer lors de la soirée de lancement de son mouvement « Parisiennes, Parisiens », jeudi soir à Paris. Photo : Alain JOCARD / AFP

L’ancien conseiller en communication de François Hollande, Gaspard Gantzer, a officiellement lancé son mouvement « Parisiennes, Parisiens » jeudi soir à Paris, avec dans sa ligne de mire, les municipales de 2020.

C’est un secret de Polichinelle. Sans faire de candidature officielle, Gaspard Gantzer l’a annoncé haut et fort devant environ 800 personnes lors de la soirée de lancement de son mouvement « Parisiennes, Parisiens » jeudi, dans le 18e arrondissement de Paris : « Je ne sais pas où ça va nous conduire, où l’on sera en 2020, mais on a l’énergie pour reprendre les clés de l’Hôtel de ville ».

L’annonce avait été faite en avril dernier. Gaspard Gantzer revient en politique, avec son « mouvement progressiste qui veut redonner à Paris sa vitalité et son rayonnement ». Un mouvement politique d’abord citoyen, ni de gauche, ni de droite. Avec en tête d’affiche, un jeune énarque de 39 ans, passé par l’Elysée. Comme une sensation de déjà vu.

Selon Baptiste Ménard, vice-président du « Think Tank Different » et président du Groupe Socialiste Universitaire (GSU) de Lille, c’est « parce que les partis politiques traditionnels sont décriés qu’il y a une tentation chez les acteurs de faire de la politique autrement. Beaucoup de personnes, des citoyens lambda, se disent : ‘pourquoi pas moi ?' ».

Un effet Macron

Doit-on y voir un effet Macron ? A peine lancé, ce mouvement ravive des réminiscences qui ne sont pas si lointaines. « En 2007, il y avait déjà cette ambition d’intégrer les citoyens à la politique. Je pense notamment à Désir d’Avenir de Ségolène Royal, poursuit Baptiste Ménard. Mais cette logique s’est affirmée avec le mouvement d’Emmanuel Macron et surtout avec son élection ».

Jeudi soir, c’est la salle de spectacle Elysée Montmartre, dans le 18e arrondissement de la capitale, qui a été choisie par l’ancien conseiller de François Hollande pour ce premier meeting. Un arrondissement « symbolique de Paris, parce qu’il y a la plus grande mixité de quartiers », a-t-il justifié, avant de préciser qu’il s’agissait aussi de l’ancien fief « de Bertrand Delanoë, Alain Juppé et Georges Clemenceau ».

Celui qui se définit comme un « titi parisien » et qui se targue de connaître « Paris comme [sa] poche » ne peut pas le renier. Il veut revenir en politique. Et même s’il est « trop tôt » pour affirmer qu’il brigue la mairie de Paris, ses faits et gestes sont assimilés à ceux d’un homme politique en campagne.

Sur les réseaux sociaux – dont il connait tous les rouages après les avoir alimentés pour le Président François Hollande – il détaille ses mesures. Ou son programme ?

 

Certains Parisiens le voient déjà en campagne. Gaspard Gantzer obtient 5% des voix dans les sondages. Et le bientôt quadragénaire, à la tête de la boîte de conseil en communication « 2017 », est déjà critique face à ses adversaires.  En avril dernier, il condamnait le parti au pouvoir, La République en marche (LREM), et son organisation « très verticale ». « On dirait le PS ! », se moquait-il.

Car celui qui a été militant au Parti socialiste, qui a soutenu Désir d’Avenir de Ségolène Royal après avoir été le porte-parole de Bertrand Delanoë de mai 2012 à janvier 2013, a aussi été séduit par la promesse de démocratie participative de LREM. Une promesse qu’il fait désormais sienne.

« Du changement, des nouvelles idées, des nouvelles têtes »

Sur France Inter, en avril dernier, il déclarait : « Je ne réfléchis plus avec des étiquettes politiques, […] il ne faut pas réfléchir à partir des appareils politiques ». Gaspard Gantzer veut se détacher de la vieille politique, à tel point qu’il ne reprend pas la carte du PS, qu’il avait depuis 2002. Au Figaro, il se confie : « Moi, je veux du changement, des nouvelles idées, des nouvelles têtes. Pas des élus qui ont cumulé des mandats nationaux ou locaux depuis 10 ou 20 ans. »

Car pour voir « Paris en grand », l’énarque mise sur le renouveau. Comme pour effacer les traces du PS et celles d’Anne Hidalgo, critiquée sur plusieurs dossiers, de l’hébergement des migrants aux Autolib’, en passant par la question de la propreté. Mais Baptiste Ménard reste prudent. « Il y a un risque d’émiettement dans les mouvements politiques. Le mieux est l’ennemi du bien, et à force de créer plusieurs mouvements, on perd en clarté. Dans quelle mesure le citoyen peut-il s’y retrouver ? Personnellement, je crois aux partis politiques et à leur rôle structurant dans la démocratie ».

Du renouveau, pour faire le ménage en haut en partant du bas. De la société. « Le Parti socialiste, quant à lui, est retourné vers ses vieux réflexes : congrès qui ne tranche rien, courants qui servent d’écuries pour les ambitieux, croyance dans l’alternance automatique qui dispense de réfléchir. […] Pour Paris, quittons la vieille politique », écrit d’ailleurs dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, Benjamin Djiane, adjoint au maire PS du IIIe arrondissement de Paris et ancien conseiller de Manuel Valls, qui a rejoint le mouvement « Parisiennes, Parisiens ».

Moi, je veux du changement, des nouvelles idées, des nouvelles têtes. Pas des élus qui ont cumulé des mandats nationaux ou locaux depuis 10 ou 20 ans. »

– Gaspard Gantzer

A croire que pour réussir dans le monde de la politique, il ne faut pas en venir. L’effet Macron et son ambition de mettre la société civile dans la haute sphère politique ne s’essoufflent pas. Les mouvements citoyens se multiplient. A Paris et en Province. A Besançon (Doubs), le « Mouvement Franche-Comté », régionaliste, suit l’exemple. Dans son appel à candidature, le président Jean-Philippe Allenbach a précisé que sa liste « comportera au maximum 25% de fonctionnaires et au maximum 25% de politiques, tous ses autres membres étant issus de la société civile ou du secteur économique ». En 2001, il s’était déjà présenté aux municipales. Sous l’étiquette du Parti fédéraliste. Etiquette qu’il a laissé tomber. Du côté de Lorient, en Bretagne, même principe. Menée par Fabrice Loher, « L’Union pour Lorient », jusqu’alors associative, s’est déclarée comme mouvement politique le 1er janvier pour les prochaines municipales. Issue des Républicains et de l’UDI, elle s’est élargie à la société civile… non étiquetée.

 

Noémie Gobron