Stand-up féminin : les humoristes ont parfois du mal à être prises au sérieux

La cérémonie des Molières, qui se déroulera ce soir, présentera cette année un palmarès très féminin. Mais derrière les têtes d’affiche, les stand-uppeuses sont toujours moins nombreuses que les hommes sur la scène de l’humour. Portrait d’un métier qui évolue progressivement.
L’humour reste majoritairement un secteur masculin, même si la situation évolue. / Crédit : Pxhere

Pour la première fois dans sa courte histoire, le Molière de l’Humour ne pourra être décerné qu’à une femme. Un quatuor exclusivement féminin a été nommé : Michèle Bernier, Caroline Vigneaux, Florence Foresti et Blanche Gardin, la première femme à recevoir ce prix l’an passé. Dans la catégorie « seul/e en scène », les femmes sont aussi en tête de peloton, avec un seul homme nominé. Mais pour les jeunes stand-uppeuses qui se lancent, les perspectives s’ouvrent mais trouver sa place reste difficile dans ce milieu dominé par les hommes.

Brigade en sous-effectif

« Le nombre de filles augmente, mais comme le secteur est en expansion de manière générale, l’écart avec le nombre de garçons ne diminue pas« , explique Soun Dembélé. L’humoriste est organisateur à L’Underground Comedy Club, une scène ouverte créée à Paris il y a sept ans. Là-bas, près de 70% des artistes qui viennent tenter leur chance sont des hommes. L’humour attire donc de plus en plus de femmes, mais tout autant d’hommes. Par ailleurs, les filles oseraient moins monter sur scène que les garçons.

« L’humour est très misogyne » – Yoann Chabaud, responsable pédagogique à l’École du One Man Show

Un constat fait par Yoann Chabaud, responsable pédagogique à l’École du One Man Show, établissement qui forme depuis 1994 les espoirs de l’humour français. Il note que la parité dans les promotions est souvent atteinte, et même que les filles sont majoritaires certaines années, alors qu’elles sont minoritaires sur les scènes ouvertes. L’école ne fait pas de distinction entre ses élèves et encourage les filles à choisir librement leurs textes.  « L’humour est très misogyne, alors les femmes qui se lancent dans le stand-up ont les dents longues, explique-t-il. Elles sont souvent plus investies et sérieuses que les garçons. »

Un écart noté par Aude Alisque, qui s’est lancée sur les scènes parisiennes il y a trois ans. Pour cette jeune femme de 33 ans, le nombre de candidates au passage sur scène reste réduit : « On s’en rend bien compte, commente-t-elle, les plateaux tournent toujours avec les mêmes humoristes femmes. » Toutefois, les scènes ouvertes favorisent de plus en plus les intervenantes féminines.

Des plateaux réservés aux humoristes femmes

 « Depuis un an, je sens que les organisateurs ne se limitent plus à un token girl, une fille invitée seulement pour remplir les quotas sans égard pour son talent, explique Aude Alisque. J’ai le sentiment qu’ils sont au contraire bienveillants, notamment parce que les femmes accèdent à l’organisation. » Des femmes qui mettent parfois sur pied des scènes exclusivement féminines.

« J’ai le sentiment d’être à ma place et d’être prise au sérieux » – Nash Up, humoriste

Nash Up, 28 ans, fréquente entre autres des plateaux « Plus drôles les filles », exclusivement féminins et organisés chaque jeudi soir par le Paname Art Café depuis quelques années. « J’ai le sentiment d’être à ma place et d’être prise au sérieux, explique-t-elle. Je n’ai pas l’impression d’avoir une pression supplémentaire. Et, contrairement à ce qu’on pense, le public est de plus en plus mixte ! » La jeune humoriste ne se sent pas à l’écart dans ce milieu, et regrette seulement que les femmes y soient peu représentées.

Soun Dembelé est quant à lui sceptique face à ce genre d’initiative : « ça peut aider les femmes à se lancer, mais il ne faut pas qu’elles s’enferment là-dedans. Elles doivent se confronter à un plateau mixte, à la fois face à leur collègues que face à un public masculin : c’est là qu’elles progresseront le plus. »

« C’est une question que je me pose tout le temps : on m’a souvent dit que ce serait plus facile de réussir pour moi, en tant que fille, car la demande était plus grande, et en même temps j’ai le sentiment que ce n’est pas si facile que ça et d’être freinée », détaille Aude Alisque. La discrimination positive a ses inconvénients : mettre sous les projecteurs des candidates qui ne sont pas encore prêtes. « Si la fille n’est pas assez douée, explique-t-elle, ça entretient le cliché selon lequel les femmes sont moins douées que les hommes, un préjugé qui nous plombe ». Des idées reçues qui restent enracinées, même si les mœurs évoluent.

Un milieu parfois sexiste mais qui évolue

Aude constate que des « boys clubs » d’humoristes demeurent et monopolisent le marché de l’humour. La jeune femme a déjà fait face à quelques comportements sexistes de la part de collègues. « Lors de ma première scène, un humoriste est venu saluer tous les mecs qui allaient passer et pas moi ! J’ai eu l’impression d’être seulement une copine. Dans ce métier, si on est un peu réservée et qu’on n’a pas une grande gueule, j’ai le sentiment qu’on est un peu mise de côté. »

« On m’a déjà dit, à propos de mes textes : « une femme ne devrait pas dire ça ». » – Florence Cortot, humoriste

Pour autant, une personnalité désinhibée n’est pas non plus bien perçue par certains spectateurs et professionnels. Florence Cortot, 39 ans, s’est lancée dans le stand-up en 2014. Le spectacle de cette ancienne anesthésiste joue sur un répertoire osé et trash – ce qui lui a régulièrement valu des réprobations. « Il reste toujours un tabou aujourd’hui, explique-t-elle. On m’a déjà dit, à propos de mes textes : « une femme ne devrait pas dire ça ». » Des réflexions reçues de son entourage mais aussi de certaines personnes de son public, assénées à la fin des spectacles. La stand-uppeuse se réjouit que certaines humoristes comme Blanche Gardin, ou Elisabeth Buffet avant elle, osent un texte cru et parfois vulgaire. « Elles nous facilitent le travail », commente l’artiste.

Mais le chemin est encore long. « On m’a également reproché de ne pas assez bien m’occuper de mes trois enfants à cause des contraintes de mon métier », ajoute-t-elle. Yoann Chabaud constate également que le sexisme est récurrent, surtout sur les scènes ouvertes où les organisateurs sont majoritairement des hommes. « Aujourd’hui certains se posent encore la question : « est-ce qu’une fille jolie est légitime à être drôle ? » »

Heureusement, cette mentalité tend à décliner selon Nash Up. Si la jeune femme considère qu’elle est toujours plus jugée sur son physique par rapport à un homme et que certains spectateurs se crispent lorsqu’elle utilise des grossièretés, elle reste optimiste quant à l’avenir des humoristes femmes. Elle ne se compare jamais à ses collègues masculins. Un optimisme encouragé par la programmation des Molières cette année : « c’est génial que les femmes soient si nombreuses et aussi reconnues. »

Maëlane Loaëc

Festival de Cannes : ce qu’il faut savoir sur la 72e édition

Du 14 au 25 mai, la  72e édition du festival de Cannes fera vivre la Croisette et vibrer les passionnés. Une édition marquant le retour des mastodontes du cinéma mondial et la mise à l’honneur du patrimoine français.

 

Le mythique tapis rouge du festival changé plusieurs fois dans la journée fait plus de 60 mètres de long. / Crédit : Flickr.

 

  • La soirée d’ouverture retransmise dans 550 salles de cinéma en France

Pour la deuxième fois, Edouard Baer enfilera le costume de maître de cérémonie ce mardi à 19h30. L’actrice française Charlotte Gainsbourg et l’acteur espagnol Javier Bardem déclareront ensuite la quinzaine ouverte depuis l’auditorium Louis Lumière. La soirée se poursuivra avec la projection en avant-première mondiale du nouveau film de Jim Jarmusch, The Dead Don’t Die, avec Bill Murray, Tilda Swinton, Adam Driver, Chloë Sevigny, Iggy Pop, Tom Waits et Selena Gomez. Il sortira officiellement dans les salles le 15 mai.

L’intégralité de la soirée sera retransmise dans 550 salles de cinéma en France.

 

  • 21 films en compétition pour le Palme d’Or

Cette année, dans la sélection officielle, vingt-et-un films concourent pour la Palme d’Or. Parmi eux,  quatre réalisées par des femmes, une première pour Cannes. Cinq long-métrages représentent quant à eux la France : Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma,  Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, Mektoub My Love : Intermezzo d’Abdelatif Kechiche, Les Misérables de Ladj Ly, et Sybil de Justine Triet.

Les habitués de la Croisette seront aussi au rendez-vous : les frères Dardenne (Le Jeune Ahmed), Xavier Dolan (Matthias et Maxime), Quentin Tarantino (Once Upon a Time…in Hollywood), Pedro Almodovar (Douleur et gloire), Terrence Mallick (Une Vie Cachée), Ken Loach (Sorry We Missed You)…

 

  • Deux Français dans le jury

Pour la 72ème édition, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu (Birdman, The Revenant) préside le jury. Il sera entouré par les Français Enki Bilal, réalisateur et auteur de bande dessinée et Robin Campillo, réalisateur de 120 battements par minute. A leurs côtés figurent Elle Fanning, actrice américaine (Somewhere, The Neon Demon, Les Proies), Maimouna N’Diaye, actrice et réalisatrice franco-guinéenne (Kirikou et la sorcière, Le prix du courage), Kelly Reichardt, scénariste et réalisatrice américaine (Night Moves, Certaines femmes), Alice Rohrwacher, réalisatrice italienne (Les Merveilles), Yorgos Lanthimos réalisateur grec (The Lobster, La Favorite), Pawel Pawlikowski, réalisateur polonais ( Ida, Cold War).

 

  • Delon à l’honneur

La Palme d’Or d’honneur sera remise à l’acteur français Alain Delon.  Après avoir « longuement hésité« , il succédera entres autres à Jeanne Moreau, Catherine Deneuve , Jane Fonda, Jean-Paul Belmondo et Jean- Pierre Léaud.

Pour l’occasion, une affiche a été créée en son honneur, reprenant un cliché du film Plein soleil de René Clément (1960).

 

A 83 ans, Alain Delon sera primé pour la première fois de sa carrière à Cannes. Crédit : Festival de Cannes.
  • L’hommage à Varda

L’affiche officielle du festival met à l’honneur Agnès Varda, décédée le 29 mars dernier.  Figure féminine incontournable du cinéma français, sa personnalité a été logiquement choisie par le festival, avec une photographie représentant  « la passion, l’audace, l’espièglerie » d’Agnès Varda. Récompensée d’une Palme d’Or d’honneur en 2015, elle avait été sélectionnée treize fois à Cannes et avait présidé le jury de la Caméra d’or en 2013.

 

L’affiche reprend une photo prise sur le tournage du film « La Pointe Courte », présenté au Festival de Cannes le 10 mai 1955
© 1994 Agnès Varda et ses enfants – Montage et maquette : Flore Maquin

 

  • Des masterclass internationales

Quatre rencontres inédites sont prévues dans le cadre du festival :

–  18 mai à 16h avec le réalisateur danois Nicolas Winding Refn

– 19 mai à 11h avec Alain Delon

–  22 mai à 16h30 avec l’actrice chinoise Zhang Ziyi

– 24 mai à 16h avec Sylvester Stallone.

 

 

Pour suivre le festival sur les réseaux sociaux : Facebook et Twitter.

 

Pauline Weiss

Les Molières peinent à dépoussiérer la statuette

Fabrice Lucchini et Michel Bouquet 28e cérémonie des Molières 2016
Capture d’écran Téléparis Youtube
Que celui qui a prévu de regarder les Molières avec un bon saladier de popcorn nous jette la première pierre. Depuis une dizaine d’années, la cérémonie tente de « césariser » son image : soirée en grande pompe, présentateur humoriste, sketchs… Pourtant, l’émission diffusée lundi 13 mai à 22h45 peine encore à trouver son public. Alors, les Molières : futurs César du théâtre ou temple de l’entre-soi ?

La cérémonie, créée en 1987, se débat avec son image vieillotte et élitiste. Dix-neuf fois présentée par Michel Drucker, puis par d’autres présentateurs télé – Laurent Ruquier, William Leymergie, Karine Lemarchand-, il y avait du pain sur la planche. Depuis 2010, l’Association des Molières se tourne vers des humoristes, Laurent Lafitte, Nicolas Bedos, Alex Lutz, pour égayer la soirée de 2h15… Avec quinze ans de retard sur les Césars. Cette année, c’est le belge Alex Vizorek qui s’y colle. « La trame, c’est vraiment le rire. Si on est venu me chercher, c’est pour faire marrer« , confie-t-il sur Europe 1. Il promet que la cérémonie sera rythmée par des numéros et des sketchs. « Tout le monde est persuadé que c’est une émission casse-gueule, moi je ne pense pas. La certitude des gens c’est que la soirée va être chiante… Donc au pire, la soirée va être chiante ! Je n’ai rien à perdre. » Au moins, ça c’est dit.

Malgré ce bon coup de chiffon, France 2 n’est pas franchement rassuré. Diffusée en primetime au début des années 2000,  l’émission passe désormais à 22h45. Elle rassemble en moyenne 11% d’audience, soit un million de téléspectateurs. Deux fois moins que les Césars.

Pour la 31e édition, le nombre de femmes nominées est inédit. Les catégories metteur en scène et auteur sont paritaires. Pour la première fois, elles occupent toutes les places de la catégorie « Humour » et trois places sur quatre en « Seul sur scène ».  Un rapport sur l’inégalité hommes-femmes publié en mars, notait que depuis 1987, seuls 11% des metteurs en scène et 14% des auteurs primés étaient des femmes.

Une cérémonie vieillotte

Si l’émission semble évoluer avec son temps, elle peine à trouver son public. Le théâtre n’est pas en tête des loisirs préférés des français, on vous l’accorde. Mais même, auprès des professionnels et des amateurs, les Molières sont loin de faire carton plein. Pour les jeunes amateurs de théâtre, cérémonie rime avec vieilli.  « J’ai regardé l’année dernière mais je crois que je ne vais pas recommencer cette année. C’est long et pas très drôle », raconte Chloé Aubert , étudiante au conservatoire du VIe arrondissement de Paris.

Au-delà de la forme de la Cérémonie, les étudiants pointent un décalage entre entre leurs goûts et les nominés. A leurs yeux, les Molières privilégient le théâtre privé sur le théâtre public subventionné – moins cher et plus accessible. « J’ai sans doute une vision cliché du théâtre privé mais dans mon esprit ça se rapproche plus du théâtre de boulevard. Moi, je fréquente quasi exclusivement des théâtres publics« , confie Oscar Lesage, étudiant de l’Ecole du Nord, ancien des Cours Florent.

Les modalités de vote privilégient les grosses productions à succès et laissent peu de place aux jeunes créateurs. Les votants sont des professionnels : comédiens, auteurs, metteurs en scène, directeurs de théâtre… Au premier tour, ils choisissent parmi une liste de pièces répondant à des critères précis : 60 représentations dans l’année pour une pièce privée, 40 pour une pièce publique et 12 000 entrées payantes pour un spectacle humoristique. Les votants ont plus de chance de voir des pièces jouées dans des grandes salles que des petites salles. Par conséquent, les pièces parisiennes sont bien plus visibles lors de la cérémonie. Les salles sont plus grandes, plus nombreuses et les spectacles y sont programmés plus longtemps.

Peu de place pour les jeunes auteurs

Clémentine Lorieux constate le peu de place laissé aux jeunes auteurs. « Il y n’y a pas de place pour moi, en tant qu’écrivaine contemporaine. La seule chance que j’aurais pour être nominée c’est si je montais une pièce d’auteur classique, comme Molière. »

La cérémonie peine à se débarrasser de son image élitiste. « Pour moi, c’est le symbole d’un théâtre sclérosé et rétrograde. On est dans un pays où on essaye de faire du théâtre décentralisé et subventionné. On avance beaucoup. C’est innovant. Ce qu’on montre à la télé, c’est une image du théâtre qui est fausse « , explique Emma Prat, comédienne et ancienne chargée de relations publiques au théâtre La Comédie de Saint-Etienne.   » Je ne conseillerai jamais à quelqu’un qui n’aime pas le théâtre de regarder les Molières.  »

Nicolas Saint-Georges, comédien, est membre de l’organisation. Il ne dément pas une forme d’entre soi. «  C’est la profession qui vote. Certaines pièces sont méritantes mais il y a beaucoup de lobbying et de copinage. Au premier tour, on doit mettre cinq noms par catégorie. On manque de temps alors on choisit parfois par affinités ou par bouche-à-oreille« , confie-t-il. Plus de soixante pièces sont respectivement nommées chaque année dans les catégories de pièce privée et publique.

L’émission est peu regardée par les professionnels mais les résultats sont consultés. Être lauréat signifie souvent une tournée à venir ou du moins un succès important et la porte ouverte sur des nouveaux projets. L’intérêt du grand public reste tout de même marginal.

 

Antonella Francini

 

Cérémonies de remise de prix : comment attirer le public ?

La 31e cérémonie de remise de prix des Molières se tient ce soir.  Alors que le caractère ennuyant de ces soirées télévisuelles est fréquemment relevé, des organisateurs redoublent pourtant d’efforts pour divertir et attirer une plus grande audience. 
L’audience de ces shows culturels peine à décoller alors que les organisateurs jouent la carte du divertissement à l’américaine./ Credits : Public Domain

C’est le présentateur de la cérémonie des Molières, Alex Vizorek, qui l’a lui-même dit, hier, sur Europe 1 : “La certitude des gens c’est que la soirée va être chiante… Donc au pire, la soirée va être chiante ! Je n’ai rien à perdre.” Le ton est donné à la veille de soirée qui décernera les prix les plus prestigieux du théâtre en France. Mais alors, pourquoi cette cérémonie, et les autres remises de prix culturels en France n’attirent pas foule ?

Des cérémonies interminables et en vase clos

La longueur de ces soirées concentre la majorité des critiques. Plus de trois heures pour les César, les Molières ou les Victoires de la musique. Les remises de prix et les discours de remerciement des gagnants se succèdent tour à tour, devenant parfois de plus en plus soporifiques. L’horaire de diffusion peut également en dissuader plus d’un. Les Molières ne commencent qu’à partir de 22h45, moment où bon nombre de spectateurs éteignent leur poste de télévision. Ce twittos  ne mâche pas ses mots sur son expérience :

Ces cérémonies de remise de prix concernent davantage les professionnels de la chanson, du cinéma ou encore du théâtre. Cette endogamie peut faire fuir certains téléspectateurs, accusant de ce fait une ambiance de parisianisme. Conscients de l’importance de populariser ces cérémonies pour attirer une plus grande audience, les organisateurs ont voulu moderniser et faire de ces soirées des spectacles à part entière.

Inviter les humoristes : un pari pour animer le show

La 41ème cérémonie des César, en 2016, avait introduit une petite révolution : les paroles des nommés étaient chronométrés à 2 minutes 30.  Le dispositif se voulait plus épuré avec la suppression des pupitres, et le ton, plus humoristique grâce à des sketchs et  des running gags. Des intermèdes musicaux permettaient aussi de faire une pause entre les remises de prises successives. La chanteuse Christine and the Queens avait notamment chanté le titre  It’s only Mystery. Imiter les shows à l’américaine, comme les Oscars ou les Golden Globes Awards est une stratégie adoptée pour combattre la lassitude des téléspectateurs.

Les organisateurs misent sur des humoristes connus du grand public ou des acteurs au ton grinçant pour animer la soirée, comme Florence Foresti ou Jérôme Commandeur. Ainsi, la cérémonie des Molières 2018 était présentée par Nicolas Bedos. Il lui revenait le rôle d’enchainer les blagues entre les remises de prix, comme sur cette vidéo où il se moque de l’acteur Jean Dujardin.

 

Porter des messages forts est une autre solution pour attirer le public. En 2018, la cérémonie américaine des Golden Globes faisait par exemple la part belle aux femmes dans le contexte du mouvement #MeToo. Les actrices s’étaient alors habillées en noir et avaient enchaînés les discours engagés. Dans la même logique, lors des César 2018, les actrices françaises arboraient des rubans blancs en soutien aux femmes victimes de harcèlement ou de violences sexuelles.

Une audience populaire à reconquérir
Ce sont les téléspectateurs qui ont voté pour les deux frères pour le prix du public des Victoires de la musique en 2018
Crédit : Thibault Trillet

Réputées élitistes, ces cérémonies  sont surtout regardées par les professionnels du métier. Accusée de ne pas récompenser les grands films populaires français, l’Académie du César a créé en 2018 le “Prix du public”. Dany Boon l’a remporté pour son film Raid dingue. Les Victoires de la musique avait déjà pris de ce pari, dès les années 80 en créant une catégorie « Chanson de l’année »  en 1985. Elle est laissée aux mains du public, qui peut voter en direct pour le titre de son choix par Sms ou par Internet.  En 2018, c’est le duo de rappeurs toulousains Bigflo et Oli qui ont remporté le prix avec leur titre Dommage. Elle s’accompagne, depuis 2005, d’une autre catégorie soumise au vote elle aussi, la  « Victoire du groupe ou artiste révélation du public.

Ces dispositifs mis en place par les organisateurs portent-ils leur fruits ?  La cérémonie des César de 2018, retransmise sur Canal+, a attiré 2,07 millions de téléspectateurs. Les Molières, eux, peine à dépasser la barre du million de spectateurs sur France 2.  Quant aux Victoires de la musique, elles ont comptabilisé 2,82 millions de téléspectateurs cette année.  A titre de comparaison, la cérémonie de l’Eurovision avait rassemblée en 2018  plus de 5 millions de téléspectateurs, et l’élection de Miss France plus de 7 millions… De quoi questionner la réussite des opérations de modernisation de ces événements culturels.

Esther Michon