Qui sont les Roms ?

es « Roms » originaires de Roumanie, Bulgarie, Grèce, Slovaquie, Serbie et Hongrie qui représentent 85% la communauté. (Crédit : AFP)

Les « Roms » originaires de Roumanie, Bulgarie, Grèce, Slovaquie, Serbie et Hongrie représentent 85% la communauté. (Crédit : AFP)

 

  • Gens du voyage, Manouches, Gitans, Tsiganes… Il existe de nombreux termes pour désigner les « Roms » dans le langage courant. En réalité, ils recouvrent diverses communautés qui tirent leur origine du nord-ouest de l’Inde. Ces populations ont émigré autour du Xème siècle vers l’Europe occidentale.

 

  • Le terme de « Rom » qui signifie « homme » en hindi est institué en 1971 par l’Union Romani Internationale qui représente les Roms auprès de l’ONU. Il désigne l’ensemble des communautés et groupes d’individus qui se définissent comme tel en opposition aux « Tsiganes ».  Employé durant la Seconde Guerre mondiale par les nazis, le terme « tsigane » a encore aujourd’hui une connotation péjorative.

 

  • L’Union romani internationale est présente dans plus de trente pays. Elle a pour but de défendre les droits des Roms et de préserver leurs traditions culturelles, leurs coutumes et la langue romani.

 

  • Parmi eux, on distingue les « Roms » originaires de Roumanie, Bulgarie, Grèce, Slovaquie, Serbie et Hongrie qui représentent 85% la communauté, selon l’association Romeurope. Ce sont eux qui ont émigré en France à partir de la fin des années quatre-vingt-dix. En novembre 2015, Romeurope en a recensé 15 600 répartis dans 500 bidonvilles. Parmi les autres communautés, les Gitans se sont installés durablement en Espagne, au Portugal et dans le sud de la France. Ils représentent environ 5% des Roms. Enfin les Manouches, sont originaires des pays germaniques.

 

  • Le Conseil de l’Europe estime à 6 millions le nombre total de Roms résidant dans les Etats membres de l’Union européenne. Ils sont majoritairement présents en Europe centrale et orientale.

 

La nuit Queer ne fait plus mauvais genre

Cindy au bar la Mutinerie, jeudi 18 mai.
Cindy au bar la Mutinerie, jeudi 18 mai.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Drag queens, travestissement, musique techno… Très présente dans le milieu de la nuit parisienne, la communauté LGBT met sa culture si unique au service de soirées populaires. Trop populaires, peut-être. Les soirées LGBT, victimes de leur succès, attirent un public très large, parfois même au détriment des membres de la communauté, qui recherchent alors une transgression plus forte encore.

« J’évite les soirées hétéro, il s’y passe rien. On s’amuse tellement plus dans les soirées gay ! » Ces mots, ce sont ceux d’Adèle Cano, habituée du bar le Mastroquet, dans le 12e arrondissement parisien. Autour d’elle, ce sont surtout des groupes de même sexe qui dansent, boivent et s’amusent. Sur la scène, deux drag queens se déhanchent au son d’une musique techno endiablée. Adèle est hétérosexuelle, mais elle se mêle aisément aux populations diverses habituées des lieux de sociabilité homosexuels. Pour elles, la fête l’emporte ; et c’est encore dans les lieux LGBT que l’on s’amuse le plus.

« Les soirées estampillées gay attirent un gros public, bien plus large que la simple communauté LGBT à Paris », explique Hugo Platière, collaborateur de la soirée House of Moda et habitué du milieu. Les principaux collectifs organisateurs de soirées LGBT à Paris sont au nombre de quatre. La Flash Cocotte est l’une des soirées parisiennes les plus connues, grâce à Anne-Claire Gallet qui est l’une des DJs les plus présentes du milieu. Il y a aussi la House of Moda, qui est l’archétype de la soirée queer, avec beaucoup de drag queens, de gens déguisés et un thème centré sur la culture queer. Il y a également la soirée Bizarre Love Triangle au Maxim’s et le Bal Con.

« Queer », c’est l’adjectif employé pour décrire ces bars, boîtes de nuits et clubs animés par et pour un public homosexuel, bisexuel, trans ou autre. Un seul mot d’ordre : échapper au modèle hétérosexuel et aux rôles de genre classiques. « Queer, c’est quelque chose de plus grand que la seule communauté LGBT », selon Hugo Platière. « C’est une volonté d’assumer l’individu tel qu’il est, d’assumer ses différences, d’assumer son anormalité supposée. C’est une culture qui entoure le monde de la nuit et la fête, propre à la communauté LGBT, et qui aujourd’hui séduit un public toujours plus large. »

 

Une originalité qui attire

Marginalisée pendant des siècles, la communauté LGBT a appris à se serrer les coudes. La population LGBT avait besoin de se retrouver, la nuit parisienne est finalement devenu son environnement naturel, et pas uniquement un lieu de détente occasionnel.

« Pour la communauté LGBT, le clubbing représente quelque chose d’important parce que c’est le lieu par excellence où les minorités n’ont pas à subir l’oppression ordinaire que l’on rencontre dans la vie quotidienne », analyse Hugo Platière. Et cela se ressent. « Pouvoir se lâcher sans avoir peur du regard d’autrui », c’est la réponse qui est sur toutes les lèvres lorsque l’on demande ce que ces lieux apportent d’unique. « La culture gay est une culture gaie », affirme Wilfried Auvigne, patron d’un bar gay.

Des divertissements de qualité, de la bonne musique, des activités créatives… Autant de raisons évoquées pour justifier la popularité des soirées queer. « La culture LGBT, c’est aussi une culture de la musique, de la fête, du déguisement, qui se ressent dans ces soirées-là. », dit Hugo Platière. « Ces soirées sont faites pour que personne ne se sente mal à l’aise ou pas à sa place dans cet environnement. »

Les soirées queer sont un royaume d’exubérance dont les drag queens sont les reines. Incontournables de la culture queer, ces individus sont adeptes du déguisement, de l’exagération et de la subversion. Tous les jeudis, la scène du bar gay Le Mastroquet est envahie par Cookie Kunty, une drag queen aux airs de vraie reine : diadème clinquant, maquillage coloré encadré par une large perruque blond platine, elle parade dans son manteau de fourrure encombrant. Manteau qu’elle n’hésite pas à délaisser pour une robe de soirée élégante lorsqu’elle envahit la scène. Et elle danse, se déhanche sans gène, ses lèvres remuant au rythme du playback. Elle n’hésite pas à marcher au milieu du public, aussi, à toucher, parler et plaisanter avec les clients, dans une ambiance à la fois envoûtante et détendue.

La drag queen Cookie Kunty au bar le Mastroquet, jeudi 18 mai.
La drag queen Cookie Kunty au bar le Mastroquet, jeudi 18 mai.

« Ce n’est pas dans des soirées hétéro que tu vas trouver de telles performances. Il va peut-être y avoir de bons DJs ou des danseurs, mais c’est très impersonnel et ils ne vont pas échanger avec toi », expose Eloise Gaspard, habituée du Mastroquet. Une heure après, la jeune femme discutait autour d’un verre avec Cookie Kunty.

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Un phénomène en pleine expansion

« Il n’y aurait pas de soirées techno hétéros si les pédés n’étaient pas passés par là. » Avec cette phrase lapidaire, Hugo Platière exprime quarante ans de culture LGBT souvent ignorés.

L’origine même des soirées techno se retrouve dans les milieux noir et gay américains des années 80. « Quand on va dans une soirée techno, c’est l’héritage d’une certaine culture gay, d’une certaine culture des minorités. On a tendance à l’oublier, mais la communauté LGBT a largement contribué à structurer ce qu’est la nuit aujourd’hui. Ce sont surtout des DJs LGBT, des DJs de minorités qui ont contribué à la culture du clubbing. Le clubbing est un outil d’émancipation. C’est un environnement parfait pour l’expression des minorités. »

Dans les années 90, la peur de la drogue donne lieu à une répression du clubbing, des raves et des soirées à ciel ouvert. Le milieu homosexuel français, particulièrement impliqué dans la culture des soirées subversives, est marginalisé du même coup. Dès la fin des années 2000, on voit un renouveau de la culture des soirées LGBT. Le Pulp, le plus grand club lesbien de Paris, ferme en 2007. En, réaction, les organisateurs de soirées queer s’attèlent alors à proposer un nouveau format de soirées plus moderne. « Cela fait une petite dizaine d’années que le clubbing techno et le clubbing LGBT ont prit leur envol et évoluent parallèlement », conclut Hugo Platière.

Les soirées LGBT sont donc un phénomène jeune, en pleine expansion, et qui séduit plus d’un public. Aujourd’hui, difficile d’aller dans une soirée queer sans croiser des fêtards hétéros, ou dans une soirée classique sans retrouver des éléments propres à la culture queer. Pour Hugo Platière, « c’est un gage de qualité, quand tu prends un petit peu de la culture queer, ça donne un cachet cool à la soirée. C’est très bien que ça se mélange, mais il ne faudrait pas pomper l’esthétique des soirées queer sans être plus tolérant avec les personnes LGBT. »

 

De la normalisation à la subversion

Les soirées queer sont extrêmement populaires. Confrontée à la normalisation de ses codes, valeurs et modes d’expression, une partie de la communauté LGBT amplifie la subversion.

Pour certains, cela passe par l’interdiction pour certaines populations d’accéder à des soirées. Une décision pour « se protéger contre l’homophobie » que Hugo Platière défend avec un certain agacement. Lui, comme de nombreuses autres personnes, a été victime d’actes homophobes ; ceux-ci ont connu une augmentation de 19,5% en 2016 selon SOS Homophobie. « Oui, aujourd’hui, il y a des soirées interdites aux hétéros, ou réservées aux femmes ou aux hommes. La convergence des luttes et la non mixité sont en train d’exploser au niveau politique. »

Maria, étudiante en sociologie, à la Mutinerie
Maria, présente à la Mutinerie lors d’une soirée lesbienne
Le bar la Mutinerie, dans le Marais
Le bar la Mutinerie, dans le Marais

D’autres franges de la communauté LGBT ont choisi de mettre sur pied des événements plus portés sur la sexualité pour marquer leur individualité. Dans le bar lesbien la Mutinerie, c’est priorité absolue aux femmes et aux transsexuels en cas de forte fréquentation. C’était le cas pendant le festival « Porn Yourself », qui avait lieu à Paris du 18 au 21 mai. Samedi 20 au soir, c’est l’artiste transsexuelle Emi Fem qui réalise une performance. Sur le titre Fever de Peggy Lee, et en marchant autour d’un vélo, elle enlève progressivement ses vêtements puis ses sous-vêtements, du bas vers le haut. Après s’être aspergée d’huile puis de champagne, elle entreprend de mimer un acte sexuel avec son vélo qu’elle couche par terre. A la fin de la performance, Emi Fem fend la foule sous les cris d’enthousiasme.

Les réactions du public à ces nouveaux modes d’expressions sont contrastées. Julien, co-gérant de la Mutinerie considère ces performances comme une facteur d’acceptation : « La culture queer a des codes qui lui sont propres et s’adresse à un public qui la connaît et la comprend. Le but de ces performances, c’est de dire : « Regardez comme on peut être sexy. Je suis désirable tel que je suis » ». Des films pornographiques à tendances sado-masochistes ont aussi été projetés pendant ce festival. L’un d’entre eux mettaient en scène une pianiste et sa professeure qui lui versaient de la cire rouge brûlante sur tous le corps avant de la fouetter. Ces projections n’ont pas fait l’unanimité dans l’assistance. « J’ai trouvé cela vraiment offusquant. Je suis sortie jusqu’à la fin de la projection. C’était assez hard et je trouve cela bizarre de regarder cela tous ensemble. Je viens assez souvent dans ce bar et c’est la première fois que je suis choquée. Je pense que l’objectif, c’est de montrer une différence par rapport aux hétérosexuels, mais le faire à ce point, cela n’a pas de sens », réagit Amina, 22 ans.

Tout l’enjeu de ce genre de manifestations est de conserver l’identité particulière des habitués sans être exclure qui que ce soit. «C’était original et courageux de projeter des films pornographiques. On a été étonnées mais pas choquées. On comprend que certaines personnes aient pu l’être. C’est sûr qu’il y a une culture spécifiquement queer mais elle doit aussi être ouverte à ceux qui veulent y entrer», témoignent Tiphaine, Charlotte et Eva, habituées de la Mutinerie.

Après 22 heures, la Mutinerie retrouve son visage habituel, tout le monde se retrouve au bar et sur la piste de danse, redevenant ainsi un lieu de sociabilité LGBT plus traditionnel, à la fois convivial et surprenant.

  • Jean-Gabriel Fernandez & Anaëlle De Araujo

Faut-il arrêter de démanteler les bidonvilles ?

Il y aurait plus de 500 bidonvilles en France, dont près de la moitié concentrée en région parisienne. Ces campements de fortune sont peuplés en grande majorité par la communauté rom. Depuis 25 ans, les politiques publiques n’ont pas permis d’éradiquer ce phénomène, au point de se demander aujourd’hui s’il ne faut pas laisser les bidonvilles existants se stabiliser.

 

Au bord du boulevard Ney (XVIIIe) un bidonville à pris racine sur l'ancienne voie de chemin de fer
Au bord du boulevard Ney (XVIIIe) un bidonville à pris racine sur l’ancienne voie de chemin de fer

Les cabanes en bois et en tôles qui jalonnent une partie de la N135 à Gennevilliers dans le Nord de Paris devraient bientôt disparaître. Il y a une quinzaine de jours, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné le démantèlement de ce bidonville. Les quelques centaines de personnes issues de la communauté rom qui le peuplent seront expulsées d’ici quatre mois.

Une victoire pour le maire Patrick Leclerc qui multiplie les actions depuis plusieurs mois pour attirer l’attention des pouvoirs publics. En réalité, le terrain sur lequel le bidonville a pris racine il y a près d’un an, appartient à l’Etat qui a « laissé faire », d’après le maire. « Vous savez dans ces dossiers c’est chacun pour soi. Néanmoins, c’est une situation qui ne peut se régler qu’au niveau de l’Etat », ajoute Abdelhalim Benassem chargé de mission auprès du maire.

Aujourd’hui la situation est préoccupante pour les habitants du bidonville tant il est insalubre. Médecins du Monde est l’une des rares associations à se rendre sur place. De leur côté, les riverains s’agacent d’une situation qui a trop duré. « On a résorbé un certain nombre de logements insalubres, ce n’est pas pour qu’il y en ait d’autres », explique Abdelhalim Benassem. D’après l’élu, il est impossible de reloger les habitants du bidonville de la N135 alors que 3 200 familles gennevilloises sont déjà en attente de logements.

À quelques kilomètres de là, aux portes de Paris, le décor est sensiblement le même. Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, entre la porte de la Chapelle et la porte de Clignancourt, des baraques de tôles et de bois abritent plusieurs centaines de Roms de part et d’autre des rails de l’ancienne petite ceinture. Visible depuis le boulevard Ney, le bidonville prend une place importante dans le paysage. Il y a quelques mois une partie des cabanes ont pris feu. « Trois bombonnes de gaz ont pété. On était là. Le camp s’est réduit, avant ça allait beaucoup plus loin », raconte Florence M.* employée à la RATP en pointant du doigt la porte de Clignancourt. « Ils ne sont pas agressifs. Après c’est vrai qu’ils demandent toujours une cigarette ou quelque chose », poursuit la quinquagénaire. La situation a de quoi attrister les habitants du quartier. Les odeurs qui se dégagent du bidonville laissent peu de place au doute quant aux conditions d’hygiène à l’intérieur. « Moi ça ne me dérange pas trop » explique Guillaume M. qui habite et travaille dans le quartier, « c’est plutôt triste pour eux. »

Apparu en 2013 sur ce terrain propriété de la SNCF, le bidonville a survécu à trois procédures d’expulsion, le signe pour beaucoup de travailleurs sociaux de l’inefficacité de cette politique.

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Au bout du bidonville, les déchets s’entassent

Une politique d’expulsion systématique

Le dernier texte de loi en la matière remonte au 26 août 2012. Plusieurs ministres du gouvernement de Jean-Marc Ayrault cosignent une circulaire « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites ». Elle est censée mieux encadrer les évacuations en imposant un diagnostic social en amont. Cinq ans plus tard, l’attitude des autorités françaises pose toujours problème à beaucoup d’associations. En 2015 le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein, s’en était ému dénonçant « la politique nationale systématique d’expulsion de force des Roms ». Jugée « punitive et destructrice » elle est pour autant toujours appliquée.

Quelque 10 000 personnes auraient été expulsées de bidonvilles et de squats en 2016, un chiffre qui ne diminue pas depuis cinq ans malgré la circulaire.

Depuis plus de quinze ans le collectif Romeurope composé de 41 associations, vient en aide aux personnes originaires d’Europe de l’Est, Roms ou présumées Roms vivant en bidonville. Guillaume Lardanchet est directeur de l’association « Hors la rue », une des huit entités fondatrices du Collectif national des droits de l’homme « Romeurope », l’un des plus actifs sur la question en France et en Europe.

Pour ce dernier, la circulaire de 2012 pose problème dès l’intitulé : le choix de parler de campement plutôt que de bidonville est politique. « Quand on parle de « campement illicite » on sous-tend deux notions. D’abord le caractère temporaire qui diffuse l’idée de « nomadisme » – un gros préjugé à l’égard des populations qui y vivent. Puis l’idée que c’est illégal et que donc ça doit disparaître le plus vite possible », estime Guillaume Lardanchet. À la mairie de Gennevilliers on préfère parler de « camp » plutôt que de bidonville même si, dans le dictionnaire Larousse, un bidonville est bien « une agglomération de baraques où s’entasse la population misérable d’une grande ville ».

 

Une population stable

Paris et la région Ile-de-France concentre près de la moitié des bidonvilles recensés sur tout l’hexagone. « La majorité des bidonvilles se concentre en banlieue, de même que les expulsions », explique le directeur de l’association. « En Ile-de-France, une famille sait qu’elle va être expulsée 3 à 4 fois par an tous les ans. Donc un enfant de trois ans aura connu une dizaine d’expulsions ».

Depuis près de dix ans le nombre de Roms en France est stable. Ils seraient entre 15 000 et 20 000. Il est impossible de recenser les ethnies, aussi lorsqu’on parle de Roms ou de gens à « culture rom » comme dans la circulaire du 26 août 2012, on parle des personnes habitant dans les bidonvilles qui sont régulièrement recensées par les préfectures. À titre comparatif, près de 10 000 migrants vivaient dans la jungle de Calais.

La France et l’Italie seraient les seuls pays où l’on observe cette vie en bidonville, alors que les Roms sont présents dans de nombreux pays de l’Europe de l’ouest. Les Roms représentent la minorité ethnique la plus importante d’Europe et la plus précaire aussi. Toutefois, s’ils quittent leur pays d’origine ce n’est pas pour s’exiler et fuir les persécutions mais pour des raisons économiques.

Les Roms qui habitent les quelque 539 sites recensés par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) viennent de Roumanie et de Bulgarie. Bien que ces pays soient rentrés dans l’Union européenne en 2007, leurs habitants n’ont eu accès au marché du travail qu’à partir de 2014. En effet, certains membres de l’Union européenne dont la France, avaient choisi d’appliquer des mesures transitoires aux ressortissants de ces pays, ce qui a eu pour conséquence de leur restreindre l’accès au marché du travail. Depuis 2014, les Roms bénéficient des mêmes droits que les autres citoyens européens.

 

Une population qui s’invisibilise

La circulaire du 26 août 2012 s’engage à proposer une solution d’hébergement après chaque expulsion. Dans les faits, elle prend souvent la forme de quelques nuits d’hôtel que les familles refusent de plus en plus souvent. « Les nuitées d’hôtel ont leur limite dans le temps et elles ne répondent pas forcément aux besoin des personnes et surtout des familles. », déplore Guillaume Lardanchet. Dans les hôtels sociaux, il est notamment interdit de faire à manger ou de laisser sécher son linge aux fenêtres. Pour manger à l’extérieur, il faut donc aller chercher de l’argent, or les lieux de mendicité et les hôtels sociaux sont rarement sur les mêmes territoires, il en est de même pour les écoles lorsque les enfants sont scolarisés. « C’est une situation intenable pour les personnes. De plus en plus de familles refusent ces nuitées d’hôtel, pas par goût de luxe mais parce que ce n’est pas du tout adapté. Ce principe de l’hébergement d’urgence hôtelier a été conçu pour des hommes seuls ».

Les expulsions à répétition rendent impossible le travail des acteurs sociaux qui perdent souvent la trace des familles. « Il y a de plus en plus de personnes qui s’installent dans les squats, ça devient plus difficile de les localiser. Un bidonville qui est expulsé c’est tout le travail des services sociaux à reconstruire. La personne s’invisibilise. On voit aussi apparaître ci et là des phénomènes de marchands de sommeil qui obligent les personnes à payer des droits d’entrée, et la location des cabanes. »

 

« Il faut convaincre les pouvoirs publics que la stabilisation est la seule solution incontournable. »

Prendre le bidonville comme un état de fait n’est pas évident, tant les conditions de vie y sont inhumaines : insalubrité, pas d’accès à l’eau, déscolarisation des plus jeunes. Pour autant Guillaume Lardanchet, président de l’association Hors la rue, plaide pour la stabilisation de ces espaces. « Il y a une telle casse sociale dans les bidonvilles, qu’on en est venu à se dire qu’il faut stabiliser les personnes dans ces lieux : repérer les terrains où c’est possible de le faire, organiser le ramassage des ordures, la connexion à l’eau et permettre à ces personnes de vivre dans des conditions un peu plus dignes, de manière à organiser la sortie progressive du bidonville, sinon dans 25 ans on reparlera encore de ce problème ».

 

(*Ils ont préféré gardé l’anonymat)

Clothilde Bru et Garance Feitama

 

Olivier Peyroux : « La durée moyenne de vie dans un bidonville est de cinq ans »

Olivier Peyroux

Olivier Peyroux est sociologue de formation spécialisé sur les Roms des Balkans et la traite des êtres humains. Il a travaillé six ans en Roumanie et mène des missions d’expertise pour l’OSCE, l’UE, le ministère des Affaires étrangères et des ONG internationales.

 

Comment se fait-il que le nombre de Roms habitants en bidonvilles soit stable ?

 

À partir du moment où le Rom qui habite un bidonville intègre un logement, il n’est plus comptabilisé comme « Rom » vu qu’il n’est plus en bidonville. Cela renforce cette idée qu’ils sont condamnés à vivre en marge des sociétés. On a l’impression que les 15 000 comptabilisés sont là depuis plus de vingt ans. En réalité la durée moyenne de vie dans un bidonville est de cinq ans. Il y a des gens qui rentrent dans les bidonvilles et des gens qui en sortent parce qu’ils ont trouvé un logement et un boulot.

 

Pensez-vous qu’il faut stabiliser les bidonvilles existants ?

 

Je ne suis pas du tout un défenseur du bidonville. Ce n’est pas viable sur le long terme et ce n’est pas souhaitable pour les gens, tant les conditions sont dures. Souvent, il n’y a pas l’accès à l’eau et il y a tout un business qui se met en place sur la migration. Il y a des marchands de sommeil, des droits d’entrée, des formes d’endettement qui sont très compliqués à gérer.

 

Quand est-ce que le problème des bidonvilles en France sera résolu ?

 

Lorsqu’il y aura une volonté politique pour le résoudre, ce qui suppose qu’on ait des services sociaux qui aillent au sein du bidonville, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut aussi élargir les dispositifs d’insertion par l’emploi auxquels ces populations accèdent pour le moment très peu.

 

 

Garance Feitama, Clothilde Bru