Le transhumanisme dans le cinéma de science-fiction

20 et 30’s : La rencontre du corps humain avec les sciences et les technologies trouve son fondement dans quelques films des années 20 et 30. D’emblée, la question de la transformation, voire de l’amélioration du corps est posée. Frankenstein de J. Whale en 1931Metropolis de Fritz Lang en 1927 et Alraune de Robert Oswald en 1930 en sont des exemples.

franke10 metropolis alraune52-02

50’s : L’avènement de la robotisation fait la joie du cinéma des années 50 où les robots sont des êtres de ferraille à l’esthétique et l’intelligence encore très primaires.

60’s : Un tournant s’instaure dans la rencontre entre le cinéma et la science au travers de questions ontologiques sur l’humanité, établies par Stanley Kubrick dans son 2001, l’odyssée de l’espace (1968). 

MV5BNDYyMDgxNDQ5Nl5BMl5BanBnXkFtZTcwMjc1ODg3OA@@._V1_SX640_SY720_

80’s : Mais la création d’androïdes ou de robots ne prend toute son ampleur qu’à partir des années 80. C’est à cette période que le cyborg se confronte aux contraintes de l’incarnation cinématographique. Les « répliquants » du film Blade Runner de Ridley Scott en 1982 ébranlent les convictions : la machine pourrait-elle se mettre à penser au même titre que les êtres humains et se retourner contre eux ?

blade_runner-2.jpg

90’s : A cette époque, une nouvelle génération de cinéastes asiatiques et plus particulièrement japonais, teste les limites des représentations posthumanistes. Que ce soit dans l’avant-gardiste Tetsuo de Shinya Tsukamoto en 1989, où un homme se transforme progressivement en machine ou dans Ghost in the Shell de Mamoru Oshii en 1995 qui met en scène un femme cyborg extrêmement perfectionnée, le corps et la machine ne font plus qu’un, posant la question des frontières et des confusions identitaires.

1293
Ghost in the Shell
tetsuo-dvdbluray-cover
Tetsuo

 

 

 

 

 

00’s : Plus récemment, d’autres tendances se sont mises en place où l’assimilation  des technologies renvoie à des représentations humaines mais aussi sociétales de plus en plus réalistes, s’éloignant progressivement des représentations trop ostentatoires d’univers de science-fiction. Dans The Island (2005) de Michael Bay, un groupe de clones de personnalités influentes est créé et maintenu dans l’ignorance du monde extérieur afin de servir à leurs propriétaires en cas de souci médical. Surrogates de J. Mostow (2009), met en scène des humains qui ne sortent plus de chez eux et se font remplacer par leurs avatars qu’ils actionnent mentalement. L’exemple le plus significatif d’effacement des éléments fantastiques est sans doutes la fable dystopique de Mark RomanekNever Let Me Go (2010), dans laquelle des enfants et adolescents orphelins crées en laboratoire et élevés dans des fermes anonymes de la campagne anglaise servent de donneurs d’organes à des patients atteints de graves pathologies. Les héros (ou anti-héros) de ces films ne sont plus des hommes transformés, améliorés mais ceux qui résistent, s’échappent et combattent les perfectionnements de la science.

26871956 Surrogates movie imagenever-let-me-go-affiche1

 

Interview d’Eric Jentile

Rencontre avec Eric Jentile, auteur et créateur de Quoi de neuf sur ma pile ? un blog de critique littéraire de science-fiction.

Capture d’écran 2016-04-09 à 19.04.40.png

Le transhumanisme est-il un thème récurrent dans la littérature de science-fiction et implique-t-il d’aller au-delà de la mort ?

Eric Jentile : D’une certaine manière on peut dire que la science-fiction a toujours abordé la question de la mort et de son après. Orphée aux enfers c’est vieux et c’est du fantastique mythologique. Frankenstein de Mary Shelley date du XIXème. Mais le transhumanisme c’est plus que la question de la mort, c’est aussi améliorer l’humain par la technique. C’est le rêve de Google et plus particulièrement de  Raymond Kurzweil, son directeur de l’ingénierie depuis 2012. Ou encore celui de William Gibson, auteur du roman fondateur du mouvement Cyberpunk et pilier du transhumanisme contemporain : Neuromancien, dans lequel le meilleur pirate informatique de tous les temps commet l’erreur de vouloir doubler un de ses employeurs qui, en guise de représailles, l’ampute de son système nerveux, le privant ainsi de son accès à la console informatique. De retour dans la prison de chair de son corps, le héros tente de s’échapper à nouveau par le biais des drogues, jusqu’à ce qu’une obscure conspiration lui offre une seconde chance.

Les révolutions annoncées par la littérature de science-fiction ne sont pas devenues réalité

Quel est le point de vue adopté sur la question de l’immortalité ? Peut-on considérer que certains ouvrages de science-fiction sont devenus réalité ?

EJ : L’immortalité est rarement abordée en tant que telle dans la littérature de science-fiction. Soit il s’agit de numérisation et dans ce cas, c’est plutôt avantageux car tout ce que peut faire un logiciel devient accessible aux humains qui peuvent ainsi devenir immortels. Soit, comme chez Catherine Dufour dans Le goût de l’immortalité, l’éternité est un long ennui cruel. Mais les révolutions annoncées par la littérature de science-fiction ne sont pas devenues réalité : pas de cyborg, pas de numérisation ni de conscience. Il commence à émerger quelques membres robotisés, ou des systèmes de vision numériques pour aveugles mais le tout reste balbutiant, c’est le début. La science-fiction c’est l’exploitation de la connaissance scientifique pour imaginer ce qui pourrait advenir. 

Les auteurs des livres de science-fiction sont souvent des scientifiques ou des passionnés de science.

La littérature de science-fiction aurait-elle sa place dans une société ou la mort aurait été abolie ? 

EJ : La mort n’est pas le seul problème dans la littérature de science-fiction. Il se pose également la question de savoir que faire des immortels ? Comment alimenter une population qui ne décline pas  ? Et surtout, comment occuper le temps ? Les immortels en science-fiction contemporaine sont plutôt des intelligences artificielles qui “s’occupent », notamment en explorant l’univers.

Capture d’écran 2016-04-09 à 19.37.21

Quoi de neuf sur ma pile est aussi sur Facebook et Twitter

Capture d’écran 2016-04-09 à 19.35.34.png

La science-fiction permet-elle de se projeter au-delà des avancées scientifiques actuelles ?

EJ : Les auteurs des livres de science-fiction sont souvent des scientifiques ou des passionnés de science. Ils puisent dans leurs connaissances ou font des spéculations, les poussent à l’extrême de la logique et voient comment il peuvent présenter leurs réflexions sous forme romanesque. Hannu Rajaniemi par exemple, auteur contemporain finlandais de science-fiction, se renseigne sur les bitcoins (monnaie virtuelle) et sur les technologies numériques associées pour en faire un roman : The Fractal Prince. Dans son oeuvre précédente, intitulée The Quantum Thief, il explorait les mécanismes de mémoire externalisés. C’est-à-dire tous nos numéros ou nos mails qui sont dans nos smartphones et donc externalisés de notre cerveau. Or, que se passerait-il si demain nos sens étaient numériques et que notre mémoire était un système de stockage externe ?

Aux origines du transhumanisme

transhumanisme-3-questions

Le constat des limites de l’humanité dans ses actions, la peur de la mort et de la vieillesse sont des craintes aussi vieilles que l’humanité et qui peuvent expliquer la naissance du mouvement, bien que sa genèse soit difficile à retracer.

Néanmoins, plusieurs auteurs transhumanistes tels que Nick Bostrom (1) font remonter sa filiation idéologique jusqu’à certains mythes de l’antiquité et plus particulièrement à l’épopée de Gilgamesh, datant du deuxième millénaire avant notre ère. Elle raconte le cheminement du roi légendaire d’Uruk qui, après avoir été mis face aux limites de ses capacités et de son pouvoir, entame une longue quête initiatique en vue d’obtenir l’immortalité.

La fontaine de jouvence, le Saint Graal arthurien ou encore la pierre philosophale des alchimistes montrent bien que les hommes ont souvent cherché à ralentir ou éradiquer les ravages du temps. Mais on peut estimer que les premières bases d’une philosophie de l’amélioration du corps humain puisent dans l’humanisme de la Renaissance.

La première occurence du mot transhumanisme se trouve chez le biologiste britannique Julian Huxley, qui le définit en 1957 comme l’homme qui transcende sa propre nature dans le but de s’améliorer. (2)

On peut considérer que l’âge transhumaniste sera clos lorsqu’il permettra l’ouverture sur l’ère du posthumain, soit un humain transformé par son hybridation avec des circuits électroniques et doté de l’intelligence artificielle, ayant donc perdu son statut d’être humain.

 

(1) Nick Bostrom, « A History of Transhumanist thought », Journal of Evolution and Technology, vol.14, Issue 1, Avril 2005

(2) Julian Huxley : « New Bottles for New Wine » (1957)

L’immortalité transhumaniste, projet souhaitable ou arnaque ?

L’homme peut-il être immortel ? C’est du moins le rêve des transhumanistes qui défendent l’idée qu’un jour, la mort ne sera plus qu’un lointain souvenir, et cela grâce à l’application concrète des avancées scientifiques. Mais ce désir de vie éternelle est-il réalisable dans un futur proche ? Oui, répondent-ils, « dans vingt, trente ou quarante ans » affirment même les plus optimistes, comme Didier Coeurnelle, spécialiste de longévité et co-président de l’Association Française Transhumaniste. Les progrès de la médecine et de la recherche sont en train de prendre possession de nos corps pour en faire des machines performantes défiant les lois de la nature. Aussi, le futur’ “homme augmenté” recevrait des autogreffes grâce aux cellules-souches et pourrait se renouveler indéfiniment à leurs yeux. C’est du moins l’opinion des transhumanistes. Mais ont-ils raison, et surtout, faut-il souhaiter le triomphe de leurs idées?

 

12939589_10154090316574483_2115057658_n
Nathanaël Jarrassé présente un exemple d’exosquelette
A l’institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR), en plein coeur de Jussieu à Paris, des mains robotisées, un avant-bras ferraillé ou encore un exosquelette envahissent les locaux où les chercheurs sont sans cesse en quête de perfectionnement. « En France, on est bien avancés d’un point de vue matériel pour fabriquer des mains artificielles proches des membres humains », confie Nathanaël Jarrassé, chercheur à l’ISIR et spécialiste de l’interaction physique homme-robot. Avant, les prothèses de la main étaient limitées au mouvement ouvrir/fermer. Désormais, grâce aux prothèses polydigitales, un moteur présent dans chaque doigt permet la multiplication des postures.

 

 

 

 

 

C’est le cas notamment du Luke Arm, nommé ainsi en hommage au fils de Dark Vador. Prothèse bionique de la société américaine DEKA, il permet de redonner la sensation du toucher et de réaliser des mouvements complexes pour une personne amputée. Des électrodes transmettent les signaux des contractions musculaires de l’épaule à une puce dans la prothèse qui les traduit en différents mouvements. L’ISIR créé toutes sortes de prothèses : des coudes automatiques mais aussi des exosquelettes, structures robotiques que le patient enfile pour corriger certains mouvements lors de la rééducation.

« Nous travaillons pour des patients victimes d’accidents vasculaires ou cérébraux à la suite desquels ils doivent réapprendre à se servir de leur corps » indique Nathanaël Jarrassé. Ces objets vont alors permettre la rééducation des patients afin d’améliorer leurs conditions de vie. Le matériel est sophistiqué et performant. Pourtant, la recherche piétine dans le milieu de la robotique. « Créer de puissantes machines, on sait faire. Par contre, on ne sait pas comment exercer un contrôle sur ces dispositifs ».

Pour moi la technologie permet l’expression de l’humanité, ce n’est pas un bazar qui fait concurrence à l’humain

Ces prothèses sont donc imparfaites. Les chercheurs sont conscients qu’elles ne permettent pas aux paraplégiques de marcher de façon permanente mais seulement très ponctuelle. La machine devrait en effet comprendre ce que le patient veut faire, ce qui implique la détection des intentions motrices, un énorme défi scientifique. « ll y a eu tellement d’avancées technologiques ces dernières années que les personnes peinent à admettre que l’on commence à stagner et à reconnaître qu’il y a des problèmes scientifiques fondamentaux que l’on ne sait pas résoudre », constate Nathanaël Jarrassé. De plus, ces dispositifs ne sont pas accessibles à tous: il faut compter environ 100 000 dollars (87 769 euros) pour le Luke Arm et 20 000 euros pour une prothèse main-poignet, toutefois remboursée par la sécurité sociale. Nous sommes donc dans une époque de réparation de l’homme, mais pas dhomme réparé estime le chercheur, bien conscient des limites des techniques actuelles.

A lire aussi : Aux origines du transhumanisme

 

L’homme amélioré ? Un mythe !

12947022_10154090316519483_1532536778_o
Une prothèse de l’avant-bras présentée à l’ISIR

Quant à imaginer un homme augmenté, cela reste hypothétique. « Il serait prétentieux de prétendre qu’on pourrait le faire », confie Nathanaël Jarrassé. « Pour créer des meilleurs prothèses, il faudrait déjà comprendre le fonctionnement du cerveau et son contrôle sur notre corps. Ce n’est pas un problème de carbone ou de batteries plus puissantes, mais de science en soi. Et ce n’est pas demain qu’on va y arriver ». Les dispositifs actuels n’offrent pas plus de performance qu’un humain sans handicap mais permettent au contraire de reproduire approximativement leurs conditions de vie. Il ne s’agit donc pas de transhumanisme. « Comment peut-on penser que les technologies nous permettent aujourd’hui d’échapper à la mort tandis qu’on n’arrive même pas encore à réparer le corps humain ? » s’indigne le chercheur, qui ajoute : « Pour moi la technologie permet l’expression de l’humanité, ce n’est pas un bazar qui fait concurrence à l’humain. » Aujourd’hui, la science permet d’améliorer localement l’homme. Par exemple, l’athlète Oscar Pistorius court plus vite que la plus grande partie des humains grâce à ses prothèses. Il serait donc légitime de penser qu’il est augmenté. Mais ses lames sont faites uniquement pour courir. S’il veut nager ou marcher, il lui faudra d’autres prothèses. Or, ce qui caractérise l’homme c’est d’abord et avant tout sa polyvalence. « On peut créer un robot qui joue mieux qu’un individu aux échecs. Mais si l’homme sera peut-être moins bon que la machine dans certains domaines, il pourra néanmoins tout faire », explique Nathanael Jarrassé.

 

Un imaginaire technologique qui dessert les scientifiques

12941139_10154090316469483_1025585638_o
Un coude artificiel, un avant-bras et une main robotiques à l’ISIR

« Rendre une sensation de toucher à un sujet amputé appareillé », « fixer directement une prothèse de bras sur l’os » : ces innovations bien qu’imparfaites, sont porteuses d’espoir pour les patients. Pourtant, cela semble peu face aux promesses technologique promues par les films et les livres de science-fiction. Avec la prolifération des images de cyborgs (fusion de l’homme et du robot) ou d’hommes augmentés vu par exemple dans des films comme Robocop et Elysium, se développe une confusion entre le virtuel et le réel. « Quand on montre aux gens où en est la recherche aujourd’hui, ils sont très souvent déçus car ils ont un imaginaire technologique plus avancé que la réalité des techniques ». Et ces représentations peuvent nuire au travail des scientifiques. Certains patients amputés pensent pouvoir bénéficier d’un traitement incroyable parce qu’ils voient au cinéma des choses très éloignées de la réalité. « L’homme augmenté, les cyborg, la voiture autonome… tout cela n’existe pas ! Cet imaginaire collectif altère l’appréciation de la valeur scientifique et technique». Il existe, reconnaît Nathanaël Jarrassé, des « prouesses scientifiques » mais elles sont « extrêmement médiatisées » alors qu’il s’agit avant tout de prouesses de laboratoire, non disponibles sur les marchés.

A lire aussi : Le transhumanisme au cinéma

 

L’immortalité, un idéal pas si éloigné ?

Toutefois, les progrès de la médecine régénératrice sont indéniables. De plus en plus de maladies seront traitées grâce aux nanotechnologies, dont l’action « ultra-ciblée » soignera l’endroit exact de la maladie au niveau cellulaire. Bientôt, il sera même possible de reconstituer les organes endommagés grâce à la culture de nouvelles cellules. Et certains chercheurs voient encore plus loin : empêcher les cellules de vieillir ! En 2014, des chercheurs japonais ont réalisé la première greffe de cellules souches pour soigner la DMLA (Dégénerescence maculaire liée à l’âge) en transformant des cellules prélevées sur le bras d’une femme de 70 ans en cellules souches utilisables n’importe où dans le corps. Les biologistes estiment que l’être humain n’est pas programmé naturellement pour vivre plus de 125 ans. Mais si on découvre des substances pouvant stopper le raccourcissement des gènes, il sera en théorie possible de vivre plus de 130 ans. Au point que certains envisagent déjà une durée de vie de plus en plus longue. Laurent Alexandre est l’un d’eux. Chirurgien urologue, co-fondateur du site internet Doctissimo, il est président de DNA Vision, la société spécialisée dans le séquençage du génome humain. Il l’affirme : il y aura moins de conséquences politiques et sociales à l’immortalité qu’on ne l’imagine car le rythme de cette évolution est extrêmement progressif. « Le fait que notre espérance de vie ait déjà été multipliée par trois depuis 1750 n’a provoqué aucun drame ». Une opinion partagée par Didier Coeurnelle, vice-président de l’AFT-Technoprog, association transhumaniste française et auteur de Et si on arrêtait de vieillir ! qui précise : « Il n’y aura pas de changement aussi radical qu’on l’imagine. Cela ne se produira pas dans un avenir proche ».

Souscrire a l’immortalité, c’est se suicider comme être humain

L’adhésion à l’immortalité semble pour eux aller de soi : « Aucun parti politique ne pourra empêcher la société de vouloir moins souffrir, moins vieillir et moins mourir » affirme Laurent Alexandre. Un constat nuancé par Didier Coeurnelle qui établit une différence nette entre l’immortalite et l’amortalité : « L’immortalité c’est l’impossibilité de mourir et cela n’est pas souhaitable parce que ceux qui ne le désirent pas doivent avoir une possibilité de ne pas la subir ». L’amortalité laisserait au contraire le choix, et reflète donc une vie sans autres limites que celles imposées par les accidents ou le suicide.

L’un comme l’autre présupposent qu’un débat se tiendra sur les technologies utilisées pour en arriver là.« Ce n’est pas la vie longue qui posera problème mais le prix à payer pour accepter la modification de notre identité biologique », indique le chirurgien. Des changements encore lointains toutefois, comme le reconnaît Didier Coeurnelle : « Aujourd’hui, les techniques ne permettent pas d’échapper à la mort. La personne actuellement la plus âgée n’a pas plus de 116 ans ». Mais il ne s’inquiète pas de ces hybridations hypothétiques : « On peut s’améliorer sans pour autant fusionner avec la machine. Aujourd’hui la durée de vie a doublée par rapport à 1900, ça ne veut pas dire qu’on est fondamentalement différents ».

             A lire aussi : le cerveau face à l’immortalité

 

La vie éternelle, entre progrès et inhumanité

Les transhumanistes ont déjà envisagé les conséquences de l’amortalité : « Je ne pense pas qu’il y aura un problème d’alimentation parce que plus vous vivez longtemps et moins vous avez d’enfants, donc la croissance ne sera pas un problème. Ensuite, si vous allez vivre longtemps en bonne santé, vous ferez extrêmement attention à garder une planète durable.» affirme le transhumaniste. Laurent Alexandre est pour sa part plus nuancé : « L’homme 2.0 restera-t-il un homme ? Qui possédera les technologies et comment contrôlera-t-on leur usage ? » Il ajoute : « Je pense cependant que la vie sans la mort sera moins difficile que la vie avec la mort ».

La technologie amoindrit l’homme. Elle ne sert à rien

Le philosophe et historien des sciences Michel Blay, directeur de recherche au CNRS, est beaucoup plus circonspect concernant les problèmes soulevés. « Il y a une limite naturelle aux ressources primaires : un jour, il n’y aura plus de pétrole, plus de plastique donc plus de machines ». A ses yeux, le transhumanisme est  « une farce » qui  suppose que l’homme devienne une machine. « Pour moi, ça n’existera pas ». Il justifie cette déclaration par une thèse essentielle : « La vie sans la mort n’existe pas. Et si la vie existait sans la mort, ce ne serait plus l’humanité. Le problème c’est qu’on nous dit qu’on va pouvoir devenir immortels grâce à la technique, ce qui fait de nous des machines ». Il résume cette idée en une formule lapidaire : « Souscrire a l’immortalité, c’est se suicider comme être humain ».

A lire aussi : Rencontre avec Eric Jentile, critique de science-fiction

Mais Michel Blay n’est pas pour autant technophobe : l’innovation est très utile dans le cas de l’homme réparé explique-t-il, c’est-à-dire quand elle permet à un homme diminué de retrouver des conditions de vie acceptables. Néanmoins, il nuance :« Si réparé suppose une amélioration de l’homme, ça me paraît totalement délirant ». La science ne peut pas prétendre surpasser les capacités inhérentes à l’homme :   « A mon avis, la technologie amoindrit l’homme. Elle ne sert a rien. Si vous avez des capacités, pourquoi les transmettre a des machines ? Si votre mémoire fonctionne, pourquoi la déléguer a un appareil qui ne pensera pas a votre place ? Je perds progressivement mes compétences et devient donc un homme diminué ».

Les questions soulevées par le transhumanisme amènent à un questionnement jusque-là inédit et inenvisageable. Rendez-vous dans mille ans pour en savoir plus.

Valentine Leboeuf & Myriam Mariotte