Rencontre avec Eric Jentile, auteur et créateur de Quoi de neuf sur ma pile ? un blog de critique littéraire de science-fiction.
Le transhumanisme est-il un thème récurrent dans la littérature de science-fiction et implique-t-il d’aller au-delà de la mort ?
Eric Jentile : D’une certaine manière on peut dire que la science-fiction a toujours abordé la question de la mort et de son après. Orphée aux enfers c’est vieux et c’est du fantastique mythologique. Frankenstein de Mary Shelley date du XIXème. Mais le transhumanisme c’est plus que la question de la mort, c’est aussi améliorer l’humain par la technique. C’est le rêve de Google et plus particulièrement de Raymond Kurzweil, son directeur de l’ingénierie depuis 2012. Ou encore celui de William Gibson, auteur du roman fondateur du mouvement Cyberpunk et pilier du transhumanisme contemporain : Neuromancien, dans lequel le meilleur pirate informatique de tous les temps commet l’erreur de vouloir doubler un de ses employeurs qui, en guise de représailles, l’ampute de son système nerveux, le privant ainsi de son accès à la console informatique. De retour dans la prison de chair de son corps, le héros tente de s’échapper à nouveau par le biais des drogues, jusqu’à ce qu’une obscure conspiration lui offre une seconde chance.
Les révolutions annoncées par la littérature de science-fiction ne sont pas devenues réalité
Quel est le point de vue adopté sur la question de l’immortalité ? Peut-on considérer que certains ouvrages de science-fiction sont devenus réalité ?
EJ : L’immortalité est rarement abordée en tant que telle dans la littérature de science-fiction. Soit il s’agit de numérisation et dans ce cas, c’est plutôt avantageux car tout ce que peut faire un logiciel devient accessible aux humains qui peuvent ainsi devenir immortels. Soit, comme chez Catherine Dufour dans Le goût de l’immortalité, l’éternité est un long ennui cruel. Mais les révolutions annoncées par la littérature de science-fiction ne sont pas devenues réalité : pas de cyborg, pas de numérisation ni de conscience. Il commence à émerger quelques membres robotisés, ou des systèmes de vision numériques pour aveugles mais le tout reste balbutiant, c’est le début. La science-fiction c’est l’exploitation de la connaissance scientifique pour imaginer ce qui pourrait advenir.
Les auteurs des livres de science-fiction sont souvent des scientifiques ou des passionnés de science.
La littérature de science-fiction aurait-elle sa place dans une société ou la mort aurait été abolie ?
EJ : La mort n’est pas le seul problème dans la littérature de science-fiction. Il se pose également la question de savoir que faire des immortels ? Comment alimenter une population qui ne décline pas ? Et surtout, comment occuper le temps ? Les immortels en science-fiction contemporaine sont plutôt des intelligences artificielles qui “s’occupent », notamment en explorant l’univers.
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La science-fiction permet-elle de se projeter au-delà des avancées scientifiques actuelles ?
EJ : Les auteurs des livres de science-fiction sont souvent des scientifiques ou des passionnés de science. Ils puisent dans leurs connaissances ou font des spéculations, les poussent à l’extrême de la logique et voient comment il peuvent présenter leurs réflexions sous forme romanesque. Hannu Rajaniemi par exemple, auteur contemporain finlandais de science-fiction, se renseigne sur les bitcoins (monnaie virtuelle) et sur les technologies numériques associées pour en faire un roman : The Fractal Prince. Dans son oeuvre précédente, intitulée The Quantum Thief, il explorait les mécanismes de mémoire externalisés. C’est-à-dire tous nos numéros ou nos mails qui sont dans nos smartphones et donc externalisés de notre cerveau. Or, que se passerait-il si demain nos sens étaient numériques et que notre mémoire était un système de stockage externe ?
très belle interview je fécilite EJ qui a eu une importance fondamentale dans le microcosme de la SF