Pourquoi le Hellfest fait-il peur ?

Hier, la Région de la Loire retirait la subvention de 20 000 euros accordée au célèbre Hellfest Summer Open Air. Depuis 2006, le festival fait vibrer la campagne de Loire-Atlantique avec la venue de plus de 150 000 mordus de metal, de hard rock ou de punk. Régulièrement montrés du doigt, les adeptes de ces genres musicaux ne semblent pas faire l’unanimité. Pourquoi le Hellfest fait-il peur ?

 

Singer of US heavy metal band "Down" Phil Anselmo performs with his band during the Hellfest Heavy Metal Music Festival on June 17, 2011 in Clisson, western France. AFP PHOTO/FRANK PERRY / AFP / FRANK PERRY
Singer of US heavy metal band « Down » Phil Anselmo performs with his band during the Hellfest Heavy Metal Music Festival on June 17, 2011 in Clisson, western France. AFP PHOTO/FRANK PERRY / AFP / FRANK PERRY

 

C’est aux alentours du petit village de Clisson que chaque année le Hellfest installe ses scènes géantes. Devenu une référence en matière de « musiques extrêmes », le festival brasse des chiffres colossaux : plus de 150 000 visiteurs, six scènes, et surtout 16 millions d’euros de budget. Alors que l’édition 2016 est en pleine préparation, le deuxième festival de France se voit secoué d’une polémique. Phil Anselmo, le chanteur du groupe de métal Down, apparaît dans une vidéo où il fait un salut nazi pendant un concert à Los Angeles au mois de janvier dernier. Un geste qui n’est pas passé inaperçu aux yeux des politiques de la région, qui ont demandé le retrait du groupe à l’affiche du Hellfest 2016. Ce que Ben Barbaud, co-organisateur du festival, a refusé. Sur son compte Facebook, Laurence Garnier, présidente de la Commission Culture à la Région, écrit : « Je suis profondément choquée que Ben Barbaud refuse de déprogrammer Phil Anselmo, mais surtout qu’il considère que c’est « quelqu’un de bien ». Un reproche alourdi par d’autres nombreuses controverses souvent associées aux « metalleux » : racisme, extrême-droite, parfois marginalisation, voire satanisme de la part de groupes religieux traditionalistes.

« Tout part d’une grande ignorance »

Pour Phil’Em All, animateur du Rock-Fort Show sur AIR RADIO et interrogé par le Celsa Lab, il existe une méconnaissance totale de ce monde de la part du grand public. « Tout est construit sur des imageries. Mais les groupes en jouent également. Pour moi, c’est plus de la provocation, c’est sur cela qu’est principalement construit ce style de musique, c’est une musique provocante ! » Et de préciser que « oui, il existe des groupes de black metal où il y a un vrai culte dans les pays nordiques, mais ce ne sont pas ceux qui sont au Hellfest ». Aurélie , 24 ans, interrogée par le Celsa Lab, est une fan de metal plutôt assidue. Elle a connu le festival dans ses premières années : après y avoir assisté de 2007 à 2012, elle y retourne l’an dernier, en 2015. « Je n’ai jamais connu ou entendu de propos tels quels, juste des rumeurs. Et puis quand on dit qu’on écoute du metal, on a tendance à vite être catégorisé : « Ah, toi t’écoutes ça, t’es ce genre de personne ! »

Phil’Em All va même plus loin : pour lui, le message véhiculé dans les chansons n’est pas à prendre en compte. « Le hard rock est apolitique. Quand je passe des musiques à l’antenne, je n’écoute pas le message de la chanson, je porte de l’intérêt à la musique. Je peux autant passer des groupes qui ont tendance à être vus d’extrême gauche comme d’extrême-droite ». C’est la même chose pour Aurélie : « Il ne faut pas faire d’amalgames. Je veux juste apprécier la musique, je me fiche du message ».

« C’est une bonne excuse pour faire chier le Hellfest »

Si le Hellfest fait peur, serait-ce donc à cause de ceux qui s’y rendent ? Phil’Em All évoque également l’ampleur qu’a pris le festival ces dernières années. « C’est une musique qui a une durée de vie de quarante ans, elle a un public de 7 à 77 ans, c’est un véritable folklore. » Mais depuis le succès du festival, le metal attire plus l’attention du grand public. « Le Hellfest a beaucoup évolué. Au début, l’organisation laissait vraiment à désirer mais il y avait des groupes un peu moins connus, aujourd’hui l’organisation est géante mais c’est devenu plus commercial, plus connu » raconte Aurélie. Un événement gigantesque qui a n’a pas manqué de faire réagir aussi les médias, souvent accusés par les « metalleux » de caricaturer leur univers.

L’an dernier, l’émission Capital sur M6 avait réalisé un reportage sur le Hellfest très controversé. Dès le début, la journaliste annonçait la couleur : « Des hordes de zombies gothiques débarquent sur la ville. (…) Pendant quatre jours, plus de 100.000 visiteurs aux looks parfois effrayants débarquent à Clisson. La petite cité se métamorphose en décor de film d’horreur« . Pour Aurélie, si les politiques, les journalistes et mêmes les gens se montrent critiques, c’est parce que « plus on devient connu, plus on a d’ennemis ». Une idée qui se retrouve chez Phil’Em All : « Des polémiques, il va sûrement y en avoir plein encore ! Au moins, on parle du festival, en bien ou en mal, et c’est déjà ça ».

Mathilde Pujol

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